"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Énorme coup de cœur!
Depuis toutes ces années sur le site je n’ai encore (je crois) jamais conseillé un livre. Ici, est la première fois.
Voici un roman d’atmosphère proche du thriller accessible à tous avec ce grand plus, d’être issu d’un vrai terreau littéraire de qualité tant pour le style d’écriture remarquable que l’idée originale, le sujet puissant, les descriptions cinématographiques, les sentiments profonds qui agitent chaque personnage observés à la loupe avec des mots justes et des phrases sans gras.
L’idée : Donner une suite indépendante à Malataverne de Claudel (que je n’ai pas lu et que l’on n’a pas besoin de lire pour autant), en imaginant la vie de Robert Paillot, ce jeune trentenaire, revenant chez son père dans le hameau de son enfance à Sainte-Luce dans les Monts du Lyonnais, après 16 ans d’incarcération pour un meurtre aux nombreuses circonstances atténuantes qui fut mal défendu au tribunal de Lyon.
Le sujet : Doit-on condamner un homme à vie en occultant que l’Humain est perfectible ? Surtout quand ceux qui accusent peuvent parfois distiller de fausses rumeurs comme un écran de fumée pour cacher leur propres délits voire leurs propres saloperies ?
Le cadre : Une poésie saisissante pour décrire cette terre sèche et aride particulièrement en cette époque sous la canicule d’un été qui va jusqu’à tarir les sources et affamer le bétail sur une herbe brûlée où seule la bruyère résiste dans les parfums d’une nature malmenée. Superbe est un petit mot pour saluer la plume de l'auteur.
Suite à Malataverne, le vieux curé, mal à l’aise face à sa conscience, va se retirer du village en faisant hériter Robert Paillot qu’il sait avoir été jugé à tort, être un brave garçon, qui est sans doute trop honnête, réactif et entier, des ruines maudites de Malataverne où se jouera un drame en continu face aux haines sauvages et aux violences ordinaires. L'imaginaire de l'auteur tirant sur la pertinence d'un réalisme intemporel, est à saluer chapeau bas.
Happée dès la première ligne à la dernière, on veut savoir comment tout cela va finir.
Un roman incendiaire et immersif, tout en rythme et en puissance qui se lit d’une traite gorge sèche.
Absolument séduite par l’écriture poignante de ce roman qui interroge à la lueur de l’espoir qui brille malgré tout dans l’obscurité des Hommes.
L’homme évolue avec sa part de lumière.
Il est perfectible et personne n’est soi-disant irrécupérable, c’est ce que nous dit Pierre Léauté en trempant une plume solide et délicate dans une encre pleine d’humanité et gluante d'amour noir.
Les Editions Mü, décidément, ont l’art de dénicher des auteurs d’exception !
La pierre angulaire d’une littérature hors pair !
« Son baluchon jeté en travers du dos, Robert haussa le nez vers le ciel tempétueux. »
Écoutez l’écriture s’élever, superbe et posée, attentive à Malataverne, l’antre de ce roman majeur, enivrant et bouleversant.
Elle assigne à l’histoire en devenir, dans un corps à corps époustouflant. Chacune des phrases est diapason, terre qui se retourne dans l’orée des mots, les lieux dévorants d’un récit beau à couper le souffle.
« Il continua alors comme l’on rentre en pélerinage : il conférait du sacré à chaque détail insignifiant, chaque souvenir enterré avec lui... »
Robert Paillot, le revenant. Seize ans de prison, la jeunesse broyée, bandeau noir sur les yeux de ses quinze ans. Libéré pour bonne conduite, il revient dans son village à Sainte-Luce. Son père l’accueille dans le mutisme figé des porcelaines fissurées. Le drame a étouffé les élans, la pudeur du retour sur le seuil, les rideaux baissés sur les mélancoliques espérances d’une normalité à rude épreuve.
« Le père Paillot fronça les sourcils d’incompréhension, avant de jeter l’éponge. L’âge anéantit la curiosité tant il réduit le monde et le besoin de le cerner. »
Robert ressent l’animosité latente des villageois, de ses anciens compagnons d’enfance. Bouc-émissaire d’un passé tragique, l’innocent accusé à tort. On garde les mâchoires serrées, on frôle subrepticement les herbes à peine fauchées des rancœurs et des jalousies.
« Retour à Malataverne » ruines emblématiques, citadelle à reconstruire pierre après pierre dans l’orée des rédemptions.
« Sainte-Luce confinait au minuscule, une motte de tuiles et de pierres cimentées. »
Écoutez : « les fourmis n’y étaient plus ouvrières, non. Elles avaient renoncé et s’enterraient à l’abri de leurs grottes aux persiennes tombées. »
Le texte est majestueux, esthétique, de brouillard et de quête. Jean Giono, Henri Bosco, Bernard Clavel dont on pressent l’ombre reconnaissante, Pierre Léauté, ceux qui savent l’heure des bouleversements des êtres qui font symbiose avec la nature aussi rebelle soit-elle. D’aucuns fusionnent avec cette trame dont le régionalisme n’est qu’une copie pâle. Nous sommes dans une autre dimension. Il suffit d’observer Robert qui lutte contre les démons ceux du village. Caillou après caillou charriant l’amertume. Transfert : la sueur perlée sur le front pâle de Gilberte, son amoureuse d’avant et de toujours. Lui dédier l’effort en gage d’amour. L’orage gronde, lancinant et lugubre. L’étau se resserre immanquablement. Les chevilles encerclées par les fers ennemis, le village et ses trahisons, ses révoltes et ses non dits.
« Rumeur s’acharnait, inventait quand la platitude de la réalité n’offrait que peu de fantasmes à croquer sous la dent. »
Cette histoire profonde, grave est une double lecture. Les tragédies des fautes insistantes, le pardon est résilience.
« la famille est un rocher à l’ombre où il fait bon s’abriter. »
« Retour à Malataverne » alcazar fascinant et douloureux. Les secrets dans les murailles gorgés de lierre. Robert est de canicule et de glace. Révolté et tendre, pris au piège dans les folies dévoreuses et assoiffées d’un passé qui n’en finit pas.
« Mais l’homme aussi est un ravin. »
« Retour à Malataverne », l’emblème de l’homme avec ses nuances manichéennes et indélébiles est un récit fascinant, un chef-d’œuvre, un livre de salut !
Publié par les majeures éditions MU.
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