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Hausmann : « Dada est plus de Dada » Raoul Hausmann, artiste central de Dada Berlin, ne fut pas seulement l'auteur des photomontages cinglants que l'on sait, l'agitateur culturel sans pareil que l'on commence à connaître ; il fut encore l'auteur du livre démesuré Hyle (la « matière », en grec), un penseur de l'architecture à l'érudition baroque, un anthropologue et un photographe de la culture populaire espagnole, un historien de l'art unique en son genre. Cet homme indépendant, vivant et dissident, estima, tout du long, que Dada se continuait en lui. Son trajet demeuré mystérieux au travers du siècle écoulé en fait une manière de clandestin primordial dont l'oeuvre fut, un peu vite, emportée dans le remous des temps. Il fallait restituer le parcours jugé si souvent inextricable de celui qui déclara de bonne heure, et une fois pour toutes, que « Dada est plus de Dada ».
Exilé à Ibiza Persécuté, chassé de l'Allemagne nazie où il fut dès 1933 classé parmi les artistes dits « dégénérés », Raoul Hausmann quitta précipitamment le pays au lendemain de l'incendie du Reichstag. Le hasard le conduisit à Ibiza, où il resta, contre toute attente, trois ans. Là, commença le roman d'un exil oublié : celui de « l'odeur noire de la croix gammée », flottant au-dessus des villages soudain peuplés d'émigrés allemands, celui, surtout, d'un artiste parti seul, plus loin dans les terre à la rencontre de son paradis solaire.
Éblouis par les maisons paysannes en forme de cubes blancs, Hausmann en publia les plans et les images dans L'Architecture d'aujourd'hui, des études dans A.C. et la Revue anthropologique.
Résistant farouche à la fiction raciste d'une essence « méditerranéenne », ou « nordique », de l'architecture populaire et a fortiori moderne, il écrivit, en creux, l'histoire des peurs et des passions de la discipline dans les années 1930. Plus, Hausmann partit de ces constructions parfaitement achevées d'un monde finissant pour mettre à mal ce que l'on nomme ordinairement le « primitivisme » en le déplaçant ici et maintenant. Sa volonté de formuler une « nouvelle histoire de l'art » faisant la part belle aux objets et réalisations populaires le conduisit à interroger la notion de spontanéité, et jusqu'aux conditions de l'existence en société patriarcale. Le livre le replace en dialogue avec ses contemporains, Jean Arp, Tristan Tzara, Carl Einstein, Otto Gross, Leo Frobenius, ou encore Walter Benjamin qui se trouvait à Ibiza au même moment que lui.
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