"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Ce livre m'a longtemps habité. Je me demande si nous ne sommes pas en train de vivre un nouvel âge doré de la littérature. » Jonathan FranzenDevenu une voix incontournable des lettres irlandaises depuis Le Coeur qui tourne, Donal Ryan s'éloigne pour la première fois de son décor familier du comté de Limerick pour embrasser un territoire plus vaste.
Fuyant les bombardements, Farouk, un médecin syrien, décide de traverser la Méditerranée avec sa femme et sa fille pour trouver asile en Irlande. Ce pays est le seul qu'a jamais connu Lampy, un jeune homme qui rêve de tout plaquer - à commencer par sa famille et son boulot - depuis que Chloe, sa petite amie, l'a quitté. Quant à John, peut-être parce qu'il sent la mort approcher, il cherche la rédemption après une vie passée à faire le mal autour de lui.
Le réfugié, le rêveur au coeur brisé et le pénitent : de la Syrie en guerre à la campagne irlandaise, trois hommes blessés à la croisée de leurs destins, trois êtres que tout oppose et dont les chemins vont converger de manière inattendue. Un roman bouleversant d'humanité et de justesse.
Trois destins d'hommes dont les histoires semblent initialement n'avoir aucun rapport les unes avec les autres. Trois chapitres pour mettre à nu leurs traumatismes émotionnels. Farouk, un réfugié ayant fui la Syrie pour l'Irlande ; Lampy, un jeune au coeur brisé vivant avec sa mère et un grand-père gouailleur qui fait office de père ; John, un vieil homme qui revit les erreurs de sa vie au crépuscule de la sienne.
Donal Ryan déploie ses portraits en adaptant son écriture aux personnages. Il a un talent fou pour raconter des vies ordinaires, que ce soit pour rendre l'état d'esprit d'un jeune coincé dans une petite ville, aspirant à y échapper mais sans savoir comment y parvenir ; ou pour dérouler la confession du pénitent John, un sale type qu'il parvient toutefois d'éclairer de lumière lorsqu'il raconte son enfance d'enfant mal-aimé.
Mais c'est la première section, celle de Farouk, qui m'a marquée, déchirante et lyrique, baigné d'un rythme délibérément lent avec ses phrases longues. Cette ouverture de roman est tellement belle que la présence du Syrien plane au-dessus des deux autres chapitres, dans l'attente de découvrir comment l'auteur va nouer son destin à celui des deux autres.
Le triptyque est suivi d'un dernier acte, celui qui va relier ces vies dans une scène de bus construite comme une tragédie grecque. Bien sûr, cela tient toujours un peu de l'artifice que de faire ainsi s'entrecroiser des personnages que l'auteur a délibérément tenu à distance des autres tout du long. Bien sûr, un personnage de réfugié syrien n'était pas nécessaire pour faire avancer l'action à proprement parler. Mais toutes ces objections volent en éclat face à la narration magistrale de l'auteur dans ce dernier chapitre qui prend par surprise le lecteur dans son dénouement, limpide et évident tant l'ensemencement romanesque a été subtil, a pris et m'a complètement prise.
Ce roman a une âme, il souffle de la vie dans chacun de ses personnages avec une bienveillante humanité qui touche profondément. Avec simplicité aussi. Et ce roman prend encore plus vie lorsqu'on le relit, lorsqu'on connaît les connexions. C'est ce que j'ai fait, à la recherche des échos de ma première lecture, et cette deuxième rencontre n'en a été que plus forte.
"Si tu observes un homme de près, avec attention, tu finiras par connaître la nuance de son âme. Aucune âme n'est d'un blanc pur, excepté celle des nouveaux nés. Mais il y a des hommes dans ce monde qui feront le mal sans relâche, sans la moindre compassion, et il y en a dans ce monde qui préféreraient mourir plutôt que de nuire à autrui, et puis il y a le reste d'entre nous qui oscillons entre les deux".
Peut-être que Farouk aurait dû mieux observer le passeur entre les mains duquel il a remis son destin et celui de sa famille, mais lorsque la guerre anéantit les efforts d'une vie, lorsque la fuite devient la seule solution... Peut-être que Lampy aurait dû réfléchir à toutes ces rumeurs autour de la légèreté de son patron, mais lorsque la déception est à tous les coins de rues... Peut-être que John, au crépuscule de sa vie, aimerait osciller un peu plus vers le bien histoire d'infléchir la tendance, mais peut-on réparer les vies brisées ?... Entre Syrie et Irlande, ces trois histoires, ces trois récits de vies nous sont contés tour à tour, comme autant de nouvelles qui pourraient n'avoir aucun lien entre elles. Des voix fortes, incarnées, marquantes. L'histoire de Farouk m'a déchiré le cœur. C'est celle d'un drame qui se joue tous les jours à nos portes, l'exil, l'oubli, la perte irréparable. Mais l'ensemble du roman m'a hautement impressionnée. Le sens de la dramaturgie dont fait preuve l'auteur, son art de la mise en scène. La façon de transporter son lecteur d'un univers à l'autre, en pleine tempête ballotté dans la cale d'un rafiot branlant, puis au volant d'un mini-bus dans les collines verdoyantes de la campagne irlandaise, dans la tête d'un médecin exilé, d'un adolescent qui se cherche puis d'un vieillard assassin. Sans jamais l'égarer ni le perdre. Il y a ici un véritable regard, et une puissance d'écriture qui prend aux tripes et scotche au récit. Jusqu'à la touche finale, ces quelques pages qui nouent tous les destins et m'ont laissée sans voix.
Il y a dans ce livre la question lancinante de la façon dont on prend soin des autres, dont chacun, de façon individuelle ou collective se comporte envers son voisin, celui qu'il connaît et celui dont il ignore tout. Il y a des volontés qui se fracassent sur des injustices. Des blessures qui ne se refermeront jamais. Des destins plombés dès le début. Des tragédies du bout du monde et celles du coin de la rue. Donal Ryan est un écrivain qui gagne à être connu (c'est déjà son quatrième roman et le premier que je lis), il se dégage de ce texte une intensité qui s'incruste longtemps sous l'épiderme, des images qui impressionnent durablement. Une vraie découverte pour moi.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Farouk, Lampy, John.
Trois hommes, trois voix, trois histoires.
Farouk, médecin, fuit un pays en guerre avec sa femme et sa fille, remettant sa vie entre les mains d'un passeur dont il ne sait pas s'il peut lui faire confiance.
Lampy dont le travail est de transporter des personnes âgées en minivan, repense à son enfance et s'interroge sur l'identité de son père.
John se confesse et avoue une vie de péchés : lobbyiste, manipulateur, maître chanteur...
Ces trois récits pourraient n'être que trois novellas réussies sans ce fil qui les relie, ce lien qui paraît ténu mais qui finit par se révéler dans une dernière partie très émouvante.
Donal Ryan donne à chacun de ses narrateurs une voix qui lui est propre, et insuffle une belle sensibilité à son roman.
Il ne ressent pas le besoin de tout expliquer et j'ai beaucoup apprécié certaines ellipses.
C'était la première fois que je lisais Donal Ryan et j'ai beaucoup aimé ma découverte.
J'ai trouvé son roman très beau et empli d'humanité.
Simplement remarquable ! Quand les nouvelles générations d'auteurs s'annoncent comme des génies de la littérature ! A lire bien entendu et à offrir ! Un petit bijou ! CM
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