"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans ce recueil de vingt nouvelles, Donal Ryan nous emmène à la découverte de l’Irlande et nous plonge dans la vie de quelques-uns de ses habitants. On y croise une femme qui maltraite les patients de la maison de retraite dans laquelle elle travaille, un serial killer qui veut partir en retraite, un vieillard hanté par un drame dans lequel il a joué un rôle de premier plan, un prêtre aux prises avec la violence d’un pays qui ne partage pas ses croyances...
Dans ces récits, Donal Ryan plonge, et le lecteur à sa suite, dans le quotidien de personnages en proie à des réalités qui les dépassent, à un quotidien difficile, à des relations conflictuelles... des histoires irlandaises certes, mais dans lesquelles on retrouve un peu de soi et du monde qui nous entoure. Des nouvelles d’une portée universelle, écrites dans ce style si particulier de Donal Ryan, fait d’empathie, de sensibilité, de précision, d’une certaine ironie et d’un incroyable talent pour nous faire éprouver toutes sortes d’émotions.
Chacune de ces histoires possèdent un petit quelque chose qui attache le lecteur, retient son attention, lui parle. Et l’ensemble forme un chœur de personnages profondément humains avec toutes leurs complexités.
Donal Ryan nous l’a déjà prouvé, il est un conteur fabuleux, un explorateur passionnant de l’intimité, un analyste plus que pertinent des qualités et des défauts des êtres humains qui composent son univers littéraire et qu’il nous tend comme des miroirs.
Chacune de ces vingt nouvelles nous le démontre une nouvelle fois. La pertinence et l’acuité de son regard sont ici complétés d’une maîtrise parfaite du tempo imposé par la dimension contrainte de la nouvelle. L’auteur réussit aussi à clore ses textes par des conclusions finement amenées et qui tombent pile, amenant chez le lecteur un choc, une surprise, une émotion supplémentaire.
Encore une fois, Donal Ryan met en lumière des vies en apparence banales et dont il saisit une aspérité pour la transformer en une histoire extraordinaire. Une réussite !
Irlande,
Elle est mariée, a trente-trois ans et est enceinte de son élève, un garçon de dix-sept ans d'une famille des gens du voyage, à qui elle apprenait à lire et à écrire. Bref, une situation compliquée, guère réjouissante vu l'issue qu'elle prévoit et elle est seule.
Dans un long monologue intérieur, Melody nous ouvre son coeur, nous fait découvrir sa vie et ses ressentis à partir de la douzième semaine de sa grossesse. L'occasion aussi pour elle de faire l'autopsie de sa relation avec son mari Pat, qui du grand amour déviera à la haine, ou presque, sa relation avec son père, et régler ses comptes avec son passé.
Mais rien n'apaise Melody, qui ayant commis un acte instinctif et même abusif, pense que quelque chose ne tourne pas rond chez elle ("There's something very badly wrong with me"). Elle est pleine de rage envers elle-même et les autres, dont son mari et sa belle-mère ("I wish I could be normal, or dignified at least, and keep my madness to myself."), et comme la plupart des humains elle peine à contrôler ses instincts, ce qu'elle appelle une de ses anomalies. Et surtout ce qui se dégage de ce texte poignant c'est une grande solitude. Mari parti à l'annonce de la nouvelle, mère décédée, meilleure amie disparue à cause d'elle, seul un père aimant, qu'elle hésite à solliciter..... le réconfort, elle le cherche dans une jeune fille de dix-neuf ans, un peu médium, une autre de la communauté des gens du voyage, à qui elle apprend aussi à lire et à écrire.
Sombre et torturé et si bien écrit, un très beau récit qui me permet de découvrir Donal RYAN, écrivain Irlandais.
Au départ du livre, j’avoue avoir été dubitative puis je me suis laissé emporter par le long monologue de Melody, enceinte de 12 semaines. L’enfant n’est pas celui de son mari Pat, le couple se déchire depuis bien longtemps. A l’annonce de la vérité, le couple explose, « Nous avons laissé notre rage devenir cette chose vivante et folle ».
Mélody porte en elle de lourds secrets et une terrible culpabilité. L’enfant est celui d’un garçon de dix-sept ans membre de la communauté des gens du voyage à qui elle donnait des cours particuliers. Il lui revient aussi l’infamie d’avoir trahie une amie quelques années auparavant.
Elle vit les semaines de sa grossesse dans l’introspection comme une pénitence. Parviendra-elle- à avancer, à se pardonner ?
Melody est perdue et pourtant elle se prend d’amitié pour Mary, une jeune femme bannie par sa communauté des gens du voyage en raison de sa stérilité.
La vie, ses amours, ses ruptures, ses déceptions, ses trahisons, ses espoirs, cette quête permanente d’un sens, de soi et d’une forme de bonheur surtout lorsque celui-ci semble envolé à jamais sont portés par une écriture délicate et sensible.
J’ai vraiment découvert de très belles pages où la complexité de l’être humain affleure avec justesse.
J’ai particulièrement été touchée par le personnage du père de Mélody, aimant et patient, d’une très grande humanité.
Le final est troublant, émouvant et ouvre une porte vers l’avenir, la lumière.
Trois destins d'hommes dont les histoires semblent initialement n'avoir aucun rapport les unes avec les autres. Trois chapitres pour mettre à nu leurs traumatismes émotionnels. Farouk, un réfugié ayant fui la Syrie pour l'Irlande ; Lampy, un jeune au coeur brisé vivant avec sa mère et un grand-père gouailleur qui fait office de père ; John, un vieil homme qui revit les erreurs de sa vie au crépuscule de la sienne.
Donal Ryan déploie ses portraits en adaptant son écriture aux personnages. Il a un talent fou pour raconter des vies ordinaires, que ce soit pour rendre l'état d'esprit d'un jeune coincé dans une petite ville, aspirant à y échapper mais sans savoir comment y parvenir ; ou pour dérouler la confession du pénitent John, un sale type qu'il parvient toutefois d'éclairer de lumière lorsqu'il raconte son enfance d'enfant mal-aimé.
Mais c'est la première section, celle de Farouk, qui m'a marquée, déchirante et lyrique, baigné d'un rythme délibérément lent avec ses phrases longues. Cette ouverture de roman est tellement belle que la présence du Syrien plane au-dessus des deux autres chapitres, dans l'attente de découvrir comment l'auteur va nouer son destin à celui des deux autres.
Le triptyque est suivi d'un dernier acte, celui qui va relier ces vies dans une scène de bus construite comme une tragédie grecque. Bien sûr, cela tient toujours un peu de l'artifice que de faire ainsi s'entrecroiser des personnages que l'auteur a délibérément tenu à distance des autres tout du long. Bien sûr, un personnage de réfugié syrien n'était pas nécessaire pour faire avancer l'action à proprement parler. Mais toutes ces objections volent en éclat face à la narration magistrale de l'auteur dans ce dernier chapitre qui prend par surprise le lecteur dans son dénouement, limpide et évident tant l'ensemencement romanesque a été subtil, a pris et m'a complètement prise.
Ce roman a une âme, il souffle de la vie dans chacun de ses personnages avec une bienveillante humanité qui touche profondément. Avec simplicité aussi. Et ce roman prend encore plus vie lorsqu'on le relit, lorsqu'on connaît les connexions. C'est ce que j'ai fait, à la recherche des échos de ma première lecture, et cette deuxième rencontre n'en a été que plus forte.
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