"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Chacun de nous vit avec un ange, c'est ce qu'il dit, et les anges ne voyagent pas, si tu pars, tu le perds, tu dois en rencontrer un autre. Celui qu'il trouve à Naples est un ange lent, il ne vole pas, il va à pied : "Tu ne peux pas t'en aller à Jérusalem", lui dit-il aussitôt. Et que dois-je attendre, demande Rafaniello. "Cher Rav Daniel, lui répond l'ange qui connaît son vrai nom, tu iras à Jérusalem avec tes ailes. Moi je vais à pied même si je suis un ange et toi tu iras jusqu'au mur occidental de la ville sainte avec une paire d'ailes fortes, comme celles du vautour." Et qui me les donnera, insiste Rafaniello. "Tu les as déjà, lui dit celui-ci, elles sont dans l'étui de ta bosse." Rafaniello est triste de ne pas partir, heureux de sa bosse jusqu'ici un sac d'os et de pommes de terre sur le dos, impossible à décharger : ce sont des ailes, ce sont des ailes, me raconte-t-il en baissant de plus en plus la voix et les taches de rousseur remuent autour de ses yeux verts fixés en haut sur la grande fenêtre.»
J’ai refermé « la nature exposée » et , le lendemain, j’ai voulu lire un autre roman du même auteur que je venais de découvrir. « Montedidio » est effectivement né de la même plume !
Le narrateur est un enfant de 13 ans au seuil de l’adolescence. De famille très modeste, il quitte l’école pour prendre l’habit d’apprenti ébéniste chez Mast’Errico. Il passe ses journées à l’atelier partagé avec Rafaniello, un cordonnier rescapé de l’ignominie, qui abrite dans sa bosse les ailes qui lui permettront de se rendre un jour à Jérusalem. Ces relations relativisent le manque de présence de ses parents, en lutte contre le mal qui ronge sa mère.
L’adolescence, c’est aussi la première rencontre amoureuse avec Maria.
Comme Jack Kerouac a écrit « sur la route », Erri De Luca décline le parcours que ce jeune garçon a écrit lui aussi sur un rouleau. (Là s’arrête la ressemblance!). C’est pourquoi le texte est présenté par court chapitre d’une page ou deux, ce qui au départ ne me permettait pas de trouver une continuité. Puis, rapidement, oubliant cette construction, je me suis laissé porter par la poésie, la sensibilité, la beauté de ce livre plein d’humanité, qui s’apparente à un conte.
C’est l’histoire d’une enfance qui se termine à 13 ans avec l’entrée en apprentissage chez un menuisier, la maladie de la mère, la découverte de l’amour.
Au début, j’ai trouvé l’écriture linéaire, voire plate.
Les souvenirs racontés étaient émouvants mais paradoxalement, l’émotion ne passait pas.
Peut-être ces courts chapitres, d’à peine une page. Mais ils correspondent au journal écrit sur un vieux rouleau d’imprimerie, et le force des personnages et des sentiments a fini par m’envahir.
Les liens sont forts entre le jeune apprenti et Don Rafaniello . Le parallèle entre les ailes d’ange dissimulées dans la bosse de l’un et le « boumeran » de l’autre est attendrissant.
Et puis il y a aussi l’amour de Maria, la petite voisine, et la tendresse pour le père, tellement absorbé par la santé de la mère.
J’ai adoré ces phrases en napolitain. Erri de Luca, comme toujours a mis beaucoup de lui-même dans ce livre que j’ai refermé à regret.
Prix Fémina 2002.
Montedidio (montagne de Dieu), quartier populaire et surpeuplé de Naples , grande ville côtière du sud-ouest de l'Italie,lovée au pied du Vésuve.
Notre jeune héros ne va plus à l'école, mais il a eu de la chance l'école est obligatoire jusqu'à la septième, lui allé jusqu'à la neuvième. Son père est docker et il apprend à lire et à écrire en cours du soir.
A treize ans il travaille chez mast'Errico, ébéniste et côtoie Rafaniello bossu et cordonnier pour les pauvres, qui va lui raconter l'histoire des saintes écritures.
Pour son anniversaire, sa mère lui offre un pantalon (symbole de son entrée dans sa vie d'homme) et son père un objet en bois que l'on nomme "boumeran".
Il est fier de ramener sa paie à la maison tous les samedis, et s'il parle napolitain il écrit en italien, langue des lettrés pour "y mettre les choses de la journée", car il connait l'italien parce qu'il lit les livres de la bibliothèque.
Et puis il y a Maria, qui a fêté ses treize ans avant lui.
L'école, il ne la regrette pas, elle soulignait trop sa pauvreté et l'injustice. Alors se lever tôt et prendre son petit déjeuner avec son père, c'est le premier bonheur de la journée.;
Sa mère est faible car malade, alors il l'aide, il va au lavoir et en profite pour s'entraîner au lancer du boumeran.
Maria a grandi trop vite, et a un secret lourd à porter, elle jette son dévolu sur ce jeune homme, courageux et gentil.
Le père du jeune homme, s'occupe de son épouse malade et demande à son fils de les laisser deux, de ne pas se mettre entre eux les parents.
Lui aussi grandit vite et grâce à Maria, il s'ancre dans la vie d'adulte avec plus de douceur que la vie ne leur en a donné.
Voici ce qu'il pense : "Comme c'est important d'être deux, homme et femme, dans cette ville. Celui qui est seul est moins qu'un".
A travers l'évolution de ce gentil adolescent dans les années 50 en Italie, dans un quartier pauvre de Naples, Erri de Luca nous montre comment un homme se construit.
Son style solaire, par de jolies métaphores et une poésie de langage, de vue, nous fait évoluer dans cet univers comme si nous y étions.
Un profond humanisme tend tout le livre.
L'auteur, n'y écrit pas sa biographie mais fait passer toutes ses valeurs, de belles valeurs sans occulter les mauvaises choses et les mauvaises personnes.
Une chose se retient ; "quoique vous viviez, tenez vous droit et ne passez pas à côté des petits bonheurs de la vie.
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