"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mad, célèbre comédienne, s'est retirée avec sa petite-fille Emma et les six garçons qu'elle a adoptés dans sa propriété de Cornouailles. Cette famille originale, comme tous ceux qui l'entourent, va traverser un étrange drame. Tout commence un matin d'hiver. Plus de radio ni de téléphone. Un navire de guerre est amarré dans la baie. Des soldats américains, l'arme au poing, marchent vers la maison...
C'est dans un scénario de politique-fiction que nous entraîne, avec ce roman paru en 1974, l'auteur de Rebecca. En cette année 2000 où elle a situé l'action, l'Angleterre, séparée de la communauté européenne, a formé une fédération avec les Etats-Unis. Pourtant, le peuple n'accepte pas cette tutelle. Le petit groupe anticonformiste réuni autour de Mad va se jeter dans la résistance. Le lecteur, lui, découvrira une Daphné Du Maurier pour le moins inattendue.
Un matin, le bruit des avions survolant la maison réveille Emma, jeune femme de 20 ans. La maisonnée est calme, les enfants dorment encore et Mad n’est pas encore descendue, comme le précise Dottie, la cuisinière. Mais que se passe-t-il donc dehors, avec tous ces soldats partout?
L’auteur :
Daphné du Maurier est née en 1907 à Londres et morte en 1989 à Fowey . Elle est la fille de Sir Gerald Du Maurier, acteur célèbre à son époque, et petite-fille de Georges Du Maurier, dessinateur et auteur. Sa mère, Muriel Beaumont, est une ancienne actrice. Daphné est la deuxième de trois filles qui deviendront toutes actrices ou romancières. Elle publie ses premières nouvelles à l’âge de 21 ans et son premier roman trois ans plus tard avec un succès honorable.
Le roman :
Mad, paru en 1972, est le dernier roman publié par Daphné du Maurier, dans lequel elle imagine ce que serait la vie en Angleterre au milieu des années 70 et d’en faire une satire. Il aura très peu de succès auprès du public et des critiques qui trouveront l’histoire absurde, voire même idiote. La biographe de l’auteur, Margareth Forster, dira même que c’est le pire livre que Daphné a écrit.
Le titre original est ‘ Rule, Britannia!’, qui est le nom d’un chant patriotique britannique, tiré du poème de James Thomson et mis en musique par Thomas Arne le 1er août 1740. L’histoire est racontée à la troisième personne, au passé, selon le point de vue d’Emma, qui se contente d’être la narratrice-observatrice.
Synopsis : Dans un avenir hypothétique du milieu des années 70, Emma découvre que les Cornouailles, où elle vit avec sa grand-mère et six garçons adoptés par cette dernière, sont maintenant sous le joug des Marines américains intervenus pour soutenir l’Angleterre. En effet, suite au départ du Royaume-Uni de la communauté économique européenne ( CEE ), le pays se retrouve proche de la faillite. Ses alliés américains décident de lui venir en aide et accostent en Cornouailles, où ils mettent en place un couvre-feu, des barrages routiers, des laissez-passer. Les habitants, menés par Mad et ses garçons, vont devoir s’allier pour repousser ceux qu’ils considèrent désormais comme leurs ennemis, les assassins de cette liberté à laquelle ils sont si fortement attachés.
Les personnages :
Emma : jeune femme de 20 ans, elle est la petite-fille de Mad. Calme et posée, elle se retrouve spectatrice de la révolte de ses frères et de sa grand-mère. Elle fait le lien entre tous les personnages.
Mad : femme de 79 ans, ancienne comédienne assez reconnue qui refuse de grandir et s’amuse énormément de la situation. Elle incarne la révolte des villageois suite à l’invasion américaine. Elle est toujours décrite comme portant des vêtements ressemblants à des costumes, impulsive, révoltée et faisant fi des bonnes manières et des diktats de la société.
Les enfants :
Terry : 17 ans, enfant d’une mère droguée incapable de lui dire qui était son père. Sa mère se suicide et Terry est retrouvé à côté de son corps. Il s’enfuit de toutes les familles d’accueil dans lesquelles il sera placé par la suite avant d’arriver chez Mad. Terry est sa première « trouvaille ».
Joe : jeune homme de 19 ans, ne sachant ni lire ni écrire, mais qui compense en s’occupant de toute la gestion extérieure de la maison : couper le bois, jardiner, réparer ce qui doit l’être.
Andy : 12 ans , survivant d’un accident d’avion où ont péri ses parents et sa sœur aînée, suite à une bombe qui a explosé juste après le décollage. Il semble calme mais porte en lui le traumatisme de cet accident.
Sam : 9 ans , passionné par les animaux blessés qu’il tente de soigner du mieux qu’il peut. Il a un strabisme important et parle très peu.
Colin : 6 ans, blond aux yeux bleus; il a été retrouvé dans un fossé après un festival pop et ses parents n’ont jamais été identifiés.
Ben : 3 ans, petit garçon noir très beau qui ne parvient pas à parler et prononce seulement quelques grossièretés que Colin lui apprend.
Dottie : cuisinière de la maison, ancienne costumière de Mad.
Lieutenant Wally Sherman : jeune homme grand et beau qui s’entiche d’Emma et qui lui fait la cour.
Pa : père d’Emma et fils de Mad, il est banquier à Londres et désapprouve totalement la personnalité et la façon de vivre de sa mère et de sa fille. Il téléphone régulièrement pour tenter de les ramener à la raison quant à une façon de vivre ‘acceptable’, selon lui et la société.
Mr Willis : vieil homme ermite qui vit dans les bois proches de la propriété de Mad. Gallois d’origine, il a exercé de nombreux métiers avant de s’installer en Cornouailles.
Les lieux :
L’histoire se déroule dans le petit village fictif de Poldrea, en Cornouailles. Il est inspiré du village de Tywardreath où Daphné du Maurier a vécu plusieurs années.
Mad et ses ‘enfants’ vivent dans une grande maison nichée le long d’une falaise en dehors du village.
En conclusion :
Ce roman ayant reçu une mauvaise critique est réputé comme le plus mauvais de l’auteur. Une lecture superficielle en fait un roman peu intéressant dû à sa construction décousue: comme au théâtre, chaque chapitre représente une saynète dans laquelle jouent certains personnages se terminant par le baisser de rideau pour enchaîner avec une autre chapitre sans lien apparent. Néanmoins, on peut déduire que Daphné du Maurier a tenté ici une transposition de l’histoire de Peter Pan dans un monde plus moderne. En effet, Mad est une femme âgée qui refuse de grandir et de s’adapter à la société; quant aux « garçons », ils incarnent les « enfants perdus » créés par James Barrie.
Ses ‘enfants’ sont six garçons qu’elle a recueillis suite à la perte tragique ou inexpliquée de leurs parents. Ils sont ses ‘trouvailles’. Mad les élève en leur inculquant que la créativité, l’imagination et la liberté sont les choses les plus importantes dans la vie, les laissant généralement avec une vision très floue du bien et du mal. En contrepartie, elle les façonne selon sa vision de la vie et de la société : elle est en perpétuelle représentation théâtrale, elle est actrice jusqu’au plus profond de son être et le monde est son théâtre. Elle demeure donc en inadéquation avec le monde réel et elle n’a pas conscience qu’un jour les enfants deviendront des adultes. Comment vont-ils vivre leurs vies d’adultes après avoir vécu dans un monde factice que Mad a créé pour eux durant leur enfance et adolescence? Mad ne vit pas sa vie, elle la joue.
L’écriture simple et la façon détachée qu’utilise Daphné du Maurier dans ce roman en font une histoire qui semble peu travaillée, une critique par l’absurde de la société britannique du milieu des années 70. Néanmoins, le parallèle établi avec Peter Pan en fait une ode à la liberté et au non-conformisme.
Citations :
" Je ne suis pas d’avis qu’on envoie les enfants jouer dehors lorsqu’il se passe des choses graves. Ils doivent participer aux décisions que l’on prend. Même si leurs opinions manquent de maturité, il leur arrive souvent d’y voir plus clair que les adultes. ", (page 97.)
" Mad n’en voulait-elle pas aux Américains parce qu’eux-mêmes avaient tué un pauvre chien que son instinct poussait simplement à défendre le territoire qui lui était confié? En un sens, c’était aussi pour la possession d’un territoire que Terry et le Caporal Wagg s’étaient battus. " ( page 105.)
" Et Mad, avec l’emprise qu’elle avait sur eux, en était cause pour une grande part. Elle avait encouragé leurs fantaisies, laissé travailler leur imagination, et portait indubitablement la responsabilité de ce que venait de faire Andy. Comment un enfant aurait-il pu distinguer la vérité de l’invention, la réalité du faire-semblant, alors que Mad l’avait nourri depuis sa prime enfance de tous les phantasmes d’un monde de toile peinte? " ( page 133.)
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