"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sous la forme d'une tragédie en cinq actes, Connie Palmen se met en scène en enquêtrice littéraire pour réinventer un fait divers «mondain» qui défraya la chronique au Pays-Bas dans les années 1980.
Tandis que Lucas et Clara Loos passent leurs vacances sur une île grecque, Clara fait une chute mortelle. La police locale conclut à l'accident. Mais personne, dans le milieu artistique amstellodamois que fréquentent les Loos, n'ignore la mésentente du couple - ni l'homosexualité de Lucas. Alors quand le veuf «éploré», compositeur reconnu, transforme les funérailles de son épouse en concert en faisant jouer une de ses oeuvres, les doutes s'expriment au grand jour et les hypothèses se multiplient.
Vers le milieu des années 2000, la narratrice de ce roman qui est clairement une projection de l'auteur, rencontre un groupe d'amis plus âgés - la plupart sont nés dans les années 1930 ou pendant la guerre - qui évoquent le décès récent d'un des leurs, le compositeur Lucas Loos. Mais surtout, ils convoquent avec ferveur le souvenir de l'actrice Clara Wegers, la femme de Lucas, morte tragiquement en 1981 dans des circonstances jamais élucidées: au cours de vacances en Grèce, elle est tombée du mur qui entourait leur villa et s'est écrasée sur les rochers en contrebas.
L'affaire défraya la chronique du «tout Amsterdam» artistique et intellectuel : était-ce un accident, un suicide ou un crime conjugal ? De notoriété publique, le couple s'entredéchirait, Clara n'acceptant pas l'homosexualité de son mari. Clara était aimée de tous, Lucas redouté pour son caractère intransigeant et tyrannique. Plus de trente ans après, les amis s'interrogent toujours et chacun a sa théorie.
Comme dans un bon thriller, la narratrice décide d'enquêter et le roman se déploie dans la reconstitution des faits et des théories qui peuvent en rendre compte. Connie Palmen, suivant en cela l'exemple du grand tragédien hollandais Vondel qui a écrit une pièce intitulée Lucifer au xviie siècle, a divisé son roman en cinq «actes», la partie centrale (les actes II à IV) formant un retour en arrière et relatant les faits de l'été 1981.
La référence au drame biblique de Vondel n'est pas purement formelle : l'auteur s'intéresse au mythe de «l'ange déchu», Lucifer, puni par Jehova pour avoir voulu, lui aussi, être créateur. Le thème de Lucifer s'applique à Clara, beauté célèbre qui d'une certaine façon, s'autodétruit, mais surtout à Lucas, soupçonné de vouloir subordonner la réalité à la création de son oeuvre, au besoin en commettant un homicide.
Comme toujours, Connie Palmen excelle à recréer les portraits psychologiques de nombreux personnages, et fait vivre ici, outre le couple infernal Lucas/Clara (et leur malheureux fils, Quint), toute une petite société des années 1960 à 1980 qui, à Paris, serait qualifiée de germanopratine, et qu'on appelle à Amsterdam «la ceinture des canaux», allusion aux trois grands canaux concentriques où vivent les gens à la mode.
Que l'auteur ait pris pour modèles des personnages bien réels - Lucas Loos et Clara ont bel et bien existé et s'appelaient Peter Schat et Marina Schapers - et que les «initiés» reconnaissent au passage tel ou tel écrivain ou artiste importe peu pour le lecteur étranger. On lira l'oeuvre pour ce qu'elle est : une fiction brillante, inspirée d'un fait divers réel.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !