"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Tout devrait être possible et simple depuis la loi mais dans les faits, c'est bien différent.
On refuse toujours de reconnaître, aux homosexuels, ce désir d'être pères. Un plafond de verre est érigé dans certains conseils de famille : pas d'adoption pour les couples homos.
S'agissant d'un couple de lesbiennes, ça passe encore, mais gays : où serait l'instinct maternel ?
L'horloge tourne, les couples vieillissent, le temps presse. Dans L'île aux deux paons, Vincent Robert maintient le choix d'une vérité qui serait sienne et qui ne passerait pas par la GPA.
J’aime ce genre de livres témoignage, cette transmission d’expérience qui nous fait réaliser que la vie des autres est loin d’être simple.
Je ne vais pas vous parler beaucoup du contenu de l'histoire, car elle se découvre au fur et à mesure, et ce serait dommage de gâcher les émotions que dégage ce livre.
C’est l'histoire de Marc et Vincent. Vincent est le narrateur. Ils s'aiment tous les deux, et dès que la loi du mariage pour tous est passée, ils ont décidé de se marier, un jour de septembre 2013. Pour Vincent, qui a mal vécu son homosexualité dans sa jeunesse, c’est un pas décisif dans l'acceptation de qui il est en vérité. Ils ont tout pour être heureux, il manque juste quelqu'un à leur bonheur, un enfant. Pour eux, pas question de GPA ou autre, ils ne veulent pas choisir lequel devrait donner son sperme, ils optent donc pour l'adoption. Ils ne se doutent pas encore de la longueur et de la dureté du chemin pour arriver à adopter un enfant. Cette première bataille va déjà durer quatre ans avant qu'on leur annonce qu’ils vont pouvoir rencontrer l'enfant qu'ils peuvent adopter. Pascal est un petit garçon de neuf ans, avec un passé très difficile. Il vit dans un foyer. Entre le moment où ils rencontrent leur fils et celui où il va vraiment venir habiter chez eux, il se passe encore du temps. Encore beaucoup de difficultés à vivre pour ce couple, il faut qu'ils soient eux-mêmes très résistants. Le bonheur est au bout, mais ils se demandent chaque jour s'ils vont y arriver.
Je parle de bataille et de combat, car l'adoption est véritablement une entrée en guerre. Ce n'est déjà pas facile pour un couple hétérosexuel, alors pour un couple homosexuel, la galère est encore plus grande, ce qui est honteux d’ailleurs. Et en plus, ce sont deux hommes, car bien sûr, les couples de femmes adoptent plus facilement, parce que ce sont des femmes et qu’elles sont potentiellement plus aptes à être mères. On est dans les préjugés type, où c’est sûr qu'une femme saura élever un enfant plus qu'un homme…et oui, on est au 21ème siècle et de telles pensées existent encore. Et ce ne sont pas forcément des hommes qui pensent comme ça, Vincent et Marc vont se heurter à une femme psy, qui va leur en faire voir de toute les couleurs, elle est très froide. Je me doutais bien que de tels agissements existaient encore, mais je pensais qu’il y avait tout de même un peu plus de compréhension. Mais non.
Et encore, je ne vous parle pas de tout ce que ce couple va devoir traverser, heureusement que leur amour est fort, heureusement qu'ils ont l'intelligence de discuter entre eux, de se soutenir, vu tout ce qu'ils ont traversé, beaucoup de couple auraient sombré. Ils vont se dévouer corps et âme pour leur enfant, auront des réponses intelligentes face à l'homophobie des adultes, parents des copains d'école de leur fils. Ah le chemin est vraiment difficile.
Je suis vraiment scandalisée que l’on puisse être ainsi face à un couple d'hommes ou de femmes. Le principal n’est-il donc pas qu'ils s'aiment et qu'ils se sentent capables d’aimer et d’élever un enfant dans le respect de l'autre. Si un enfant était assuré d’être plus heureux dans une famille hétérosexuelle, il n'y aurait pas d'enfants battus, d'abandons d'enfants…je ne dis pas que cela n'existe pas non plus pour les couples homosexuels, je dis juste qu’il peut y en avoir partout. Ce n'est pas le genre des parents qui fait le bonheur d'un enfant, c’est l'amour et le respect.
Désolée pour cet aparté, mais ces mentalités me révoltent, j'ai bien souvent l’impression qu’elles n’évoluent pas et restent imbriqués dans de vieux concepts.
Pour en revenir à ce livre, l'auteur parle d'un sujet qu'il connaît personnellement. Ce livre est d'ailleurs écrit comme un journal, avec les dates importantes du parcours de son propre couple. En parallèle, à chaque début de partie, un conte nous est raconté. C’est un conte que Vincent Robert a écrit pour son fils, qui image très bien leur situation tous les trois. Ce conte a donné son nom au livre de l’auteur, L’île aux deux paons, où un caneton, coin-coin, est abandonné par ses parents canards et recueilli par un couple de paons. Et à travers ces animaux, Vincent explique très bien la situation de l'enfant, de ses parents biologiques et adoptifs. C’est un conte qui mériterait d’être écrit indépendamment avec de belles illustrations, il pourrait être lu par les parents, par les enfants, et cela permettrait de rendre « banale » l'adoption chez un couple homoparentale.
J'ai beaucoup aimé ce livre. Il est court, 140 pages environ, et se lit facilement. J’ai été embarquée dès le début, et je n'ai pas réussi à lâcher le livre avant d'arriver à la fin. J’ai été prise dans cette histoire, j'avais envie d'aider ce couple, d’envoyer paître cette psy, je ne sais pas d'ailleurs comment ils ont fait pour toujours rester polis avec elle ! L'auteur retranscrit très bien toutes les émotions, les peurs, les doutes, les joies. Il raconte sans fards, ne se cache pas, raconte tout, et c’est cela qui rend ce livre si intéressant. On sent derrière chaque mot et phrase tout l'amour qu’ils ont à donner à leur fils, tous les sacrifices qu'ils font aussi, il faut parfois qu'ils acceptent d'entendre des mots qu'ils ne veulent pas. L'histoire se termine en juin 2019, six ans de combat pour enfin vivre tranquille. Un long parcours retracé ici en 140 pages.
C’est un livre qu'il faut lire, faire lire, faire connaître. C’est toujours très intéressant un témoignage, quelque soit le sujet, car qui mieux que l’intéressé peut nous raconter ce qu'il a vécu réellement, sans fioritures ou sans rajouter de drame. Je suis vraiment très contente d'avoir lu ce récit, je me suis attachée aux personnages, à Vincent, Marc et Pascal et j’espère vraiment qu'ils sont enfin heureux et tranquilles.
C’est écrit avec une extrême sensibilité et je vous conseille vraiment sa lecture. Car, bien que j'ai été un peu bavarde dans cette chronique, je ne vous ai pas dévoilé des faits importants sur Pascal, et tout ce que les deux papas vont devoir faire face. Il y a encore beaucoup à découvrir dans ce livre témoignage et je vous engage vivement à le lire.
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