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Paris, au XVIIIe siècle, vit au bonheur du blé. La ville dévoreuse est friande de froment, de pain blanc, gris à la rigueur pour les malades, les prisonniers et les soldats; délicate, elle refuse les méchants grains et les sombres farines _ le seigle, l'épeautre et le méteil. Le Roi a la charge d'assurer le ravitaillement; il mobilise donc la police, le lieutenant général, le commissaire et les inspecteurs pour que chaque jour les ventres de Paris soient rassasiés en quantité et les palais flattés par le goût des meilleures farines.Mais comment assurer la sécurité du ravitaillement dans un environnement technique précaire, sensible aux moindres intempéries? dans un univers de mentalités suspectant meuniers, marchands, courtiers et autres boulangers monopoleux de spéculer sur les prix et de raréfier les grains, et proclamant qu'il faut développer le commerce tout en se gardant des commerçants?La monarchie crut trouver la parade dans le marché: le marché serait tant le lieu physique de la vente et de l'achat transparents _ le marché hebdomadaire et obligatoire _ que le principe présidant à l'échange, moralisant le commerce et domestiquant les producteurs et intermédiaires plus soucieux de leurs intérêts et de leurs égoïsmes que du bien commun.Grâce à Steven L. Kaplan, le lecteur pénètre la micro-société de l'approvisionnement, structurée par la production et la surveillance policière mais divisée par les antagonismes de métiers et de fortune. La chaîne des subsistances est ici dévidée, du producteur-vendeur au consommateur: sous le regard du Roi nourricier s'animent les marchands de grain et de farine, les meuniers, les courtiers et facteurs, les officiers jurés mesureurs et porteurs, les boulangers, les inspecteurs et commissaires responsables de la bonne marche du ravitaillement. Rarement le lecteur, _ grâce à la veine de l'historien qui lui fait tâter les farines, le promène par monts et par vaux dans les moulins et les blutoires, lui restitue les sons, les couleurs et les odeurs d'une ville chaque jour anxieuse de manger à sa faim _, aura eu à ce point le sentiment de participer au grouillement social à la veille de la Révolution. Celle-ci n'entendait-elle pas faire valoir les droits de la Nation, puis du Peuple face à la monarchie, au Boulanger, à la Boulangère et au Petit mitron?Steven L. Kaplan est Professeur d'histoire européenne à Cornell University. Il est notamment l'auteur de: Le Pain, le peuple et le roi (Paris, 1986) et Le Complot de famine: histoire d'une rumeur au XVIIIe siècle (Paris, 1982).
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