"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Je t'envoie aujourd'hui un livre qui était sous presse avant la guerre et qui vient de paraître.
C'est sans valeur mais ça t'amusera peut-être venant de moi. Tu verras à quoi on est obligé de descendre p[ou]r gagner sa vie à Paris et j'ai toujours résisté à faire des travaux plus bas comme ont fait Willy ou les auteurs de romans feuilletons. Néanmoins, tu te rendras compte que j'ai autre chose à écrire. J'ai fait cela en m'amusant, mais c'est triste quand même et plus mal payé que les trucs à Willy et surtout aux feuilletonistes sentimentaux. C'est écrit rapidement avec les diverses histoires de Don Juan. J'ai pris tout ce que j'ai pu à Molière p[ou]r le Tenorio et le dernier n'est que le résumé sous la traduction mot à mot du Don Juan de Byron. Néanmoins, je ne mets pas ces choses parmi mes ouvrages et n'y fais même pas mention à l'endroit du Du même auteur, de L'Hérésiarque, Alcools, etc. » Quand il présente ainsi Les trois Don Juan à Madeleine Pagès, dans une lettre datée d'octobre 1915, Apollinaire plaide un peu trop facilement coupable auprès de la jeune fille, à laquelle il tient à apparaître sous le jour le plus noble.
Les trois Don Juan - constitué de trois parties intitulées respectivement : « Don Juan Tenorio ou le Don Juan d'Espagne », « Don Juan de Maraña ou le Don Juan des Flandres » et « Don Juan d'Angleterre ou le songe de Lord Byron » - est un ensemble de « collages ». Apollinaire ne « résume » pas, comme il a pu le dire, les histoires de Don Juan, il en transcrit, avec d'infimes modifications, des passages entiers qu'il se contente de juxtaposer ou de relier par quelques mots.
Ce livre est donc fabriqué de pièces et de morceaux, mais ne reste cependant pas indifférent au lecteur d'Apollinaire. Ce n'est pas seulement parce qu'il y a mis sa marque en glissant par exemple une expression qui lui est familière comme « endoctriné dans les sept arts » ou qu'il s'est amusé à introduire ici un Max Jacobi, là un Saqui-Guitra qui devait réjouir ses amis. Ni même parce que certaines additions le révèlent plus qu'il ne pourrait y paraître. Mais surtout, nous le saisissons la main à la plume dans ce double travail, auquel il excelle, de citations avouées ou non, et d'assemblage. L'étonnant est qu'il réussisse à donner une unité et un ton à cet ensemble disparate, par la simple vertu de son choix et de son découpage. En 1924 déjà, Henri Hertz constatait : « Loin de retrouver les anciens livres dans les oeuvres d'Apollinaire, c'est bien plutôt l'image d'Apollinaire que nous ne pouvons plus désormais nous empêcher, de retrouver dans les anciens livres. Ce diable de garçon a réussi à les absorber. »
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