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Qu'ajouter à la chronique de Stéphane? elle est extrêmement juste et reflète totalement le sentiment éprouvé lors de la lecture de ce livre.
Ce roman n'aurait pu être qu'une saga portant sur plusieurs générations de femmes d'une même famille, mais le but précis d'Anne Lemieux était d'attirer le lecteur sur les ravages que causent les guerres et en particulier ici , la première mondiale.
Le capitaine Vernet se fait tuer, et femmes et filles sont condamnées à 7 ans de deuil:enfance, adolescence fanées. S'installer dans une vie de femme adulte et responsable sera difficile pour elles d'autant que les hommes qui vivront à leur côté ne seront que "des femmes habillées en homme". Heureusement tout n'est pas noir , et on sent bien la volonté de l'auteur de sortir tous ces égratignés par la vie d'un deuil qui se voudrait éternel
En 1919, au printemps, Jeanne Vernet et ses trois filles, Louise, Elisabeth, Mathilde, éprouvent un deuil : celui du capitaine Alphonse Vernet. Mais ce deuil est générateur d’une inversion des rôles : une interversion de la vie et de la mort.
Cette interversion fait ainsi ressentir à ses filles qu’elles ne survivent, ainsi que leur mère « que par le maléfice d’une illusion(…) elle survivrait aux langueurs de trois adolescentes confinées, aux amours déçues, aux mariages, aux maternités … »
Ces trois sœurs tentent dans leur parcours respectif de construire des nouvelles versions de la vie, d’emprunter des voies moins poussiéreuses, moins convenues, que le bourgeoisisme pétrifié et rance de cette maison familiale d’Angers .Elles expérimentent les études de la science juridique pour, selon les dires d’Elisabeth, observer amèrement que le Code Napoléon « avait été mis au service de la fiction. »
L’institution du mariage n’est guère plus porteuse de vérité dans leurs vies, qui s’étalent dans le roman sur plusieurs générations. Celui-ci est vécu comme un piège, des rets dont on ne s’échappe pas aisément : « Comment détruire la fiction à laquelle trois générations de femmes voulaient tant croire ? (…) Les journées se suivaient et se ressemblaient, rien se valait la peine de cette endurance sans but. »
Dans la description des vies de ces femmes, les hommes ne sont jamais à la hauteur, ils sont inconsistants, parfois infidèles, peu compréhensifs .L’auteure Anne Lemieux nous suggère avec force ironie et humour présents dans son écriture, que c’est ,- peut-être ?- , à cause de la nature de la société qu’ils défendent et incarnent : « L’émancipation féminine, cette cause noble, justifiait des vengeances qui ravageaient tout sur leur passage .Catherine Légaret découvrait dans le saccage de sa vie familiale la volupté de la catastrophe. »
Sans donner une interprétation alarmiste à cette citation, force est de constater que les femmes n’ont pas sombré dans la volupté de la catastrophe, mais semblent décidées, et c’est heureux, à ne plus vivre pour des absents, ni servir des fictions sociétales.
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