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L'écriture de cet ouvrage croise différentes approches : la description ethnographique, tirée d'une pratique de recherche, pour saisir l'essence du souvenir ; la prose pour le rythme ; un certain goût pour la picturalité en colorant, par l'expérience, les clichés sépia à la façon d'une aquarelle.
Les autobiographies d'héritiers de l'immigration maghrébine proposent, depuis près de quarante ans, un genre littéraire en soi. Des récits d'expériences qui racontent l'épreuve, intime et troublante, de la marge sociale et de l'entre-deux culturel où l'individu se retrouve simultanément placé dans deux mondes antagonistes tout en étant rejeté de chaque côté.
Nous sommes ici en pays de Cocagne dont l'étymologie renvoie aux coques, ces boules de pastel cultivé autrefois dans la région pour teindre les textiles d'un bleu doux dont a mémoire, engloutie, sommeille aujourd'hui sous les hectares remembrés de maïs hybride et de kilomètres d'arbres fruitiers tirés au cordeau. Arrivés à partir des années 1970 pour remplacer les saisonniers du sud de l'Europe, les Marocains ont constitué une main-d'oeuvre recherchée au bénéfice d'une économie locale tenue par une poignée de propriétaires terriens. Fraises dans l'Agenais, vigne dans l'Aude, pommes dans la vallée dans la Garonne, forestage en Ariège, leur contribution a été essentielle dans le développement d'une agro-industrie qui a définitivement transformé la morphologie paysagère et sociale du Midi.
À travers les différents tableaux qui composent ce recueil, Slimane Touhami reconstitue le quotidien d'une paysannerie déracinée en donnant vie à ses souvenirs personnels, saisis à la façon de clichés photographiques. Un monde d'hommes, de travail et de misère, aujourd'hui crépusculaire, dont l'écho résonne toujours dans la mémoire de ceux qui l'ont traversé, ou côtoyé à ses marges, tels l'assistante sociale, du maire ou du médecin de village.
Ce projet d'écriture a germé dans les années 2010, avec ce besoin toujours plus fort de jeter un oeil dans le rétroviseur, cela au terme d'un voyage intellectuel qui a amené l'auteur d'un CAP tourneur à un doctorat en anthropologie sociale à l'EHESS. Une manière de se réconcilier avec les siens en reconnaissant la part des autres dans un je qui, par définition se conjugue au pluriel.
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