"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Au coeur du Moscou post-communiste des années 1990, un jeune reporter, Owen Matthews, retrouve la trace des siens et de ces existences qui le hantent... L'ascension et la chute de son grand-père, Boris Bibikov, victime des purges. En 1937, Boris Bibikov est pourtant l'Homo sovieticus exemplaire, héros de l'industrialisation à outrance, communiste convaincu de sa tâche quand il dirige la construction d'une usine, encourage à la production tout en fermant les yeux sur la famine des paysans. L'odyssée de sa mère, Ludmila, livrée à trois ans à peine au chaos de la Seconde Guerre mondiale, séparée de sa soeur au cours de leur fuite à travers les steppes russes, d'orphelinats surpeuplés en hôpitaux insalubres. Le drame de ces amants pris dans la tourmente de la guerre froide : Mervyn, son père, un Anglais russophile qui avait osé refuser les avances du KGB, et Ludmila, devenue une brillante intellectuelle dissidente. A travers les six années de correspondance passionnée de ses parents, le dossier du NKVD de son grand-père et sa propre errance dans une capitale décadente, c'est sa dualité qu'Owen Matthews va découvrir, avec cette part de Russie qui l'habite, l'obsède et le force à écrire...
Avec « Les enfants de Staline », Owen MATTHEWS tente d’écrire à la fois l’histoire de sa famille russe et celle de la Russie de Staline avec sa collectivisation forcée, ses goulags et sa bureaucratie, et la Russie d’aujourd’hui avec sa capitale à la vie débridée.
Dès le prologue de ces presque 400 pages, l’auteur introduit son lecteur de plain-pied dans l’histoire sombre des années Staline avec la lecture du dossier d’accusation de son grand-père Boris Lvovitch Bibikov , fusillé par la police secrète de Staline en 1937.
Dans le grenier de ses parents Owen Matthews prend connaissance des centaines de lettres échangées entre son père, Mervyn Matthews, jeune professeur d’université et sa mère, Ludmilla Bibikova, jeune étudiante moscovite. Grâce à cet abondant courrier, l’auteur raconte avec une précision d’entomologiste la rencontre à Moscou entre son père anglais et sa mère russe et l’amour insensé qui en découle. Ils durent attendre six longues années avant d’être à nouveau réunis. Leur odyssée nous est contée comme un roman avec, en toile de fond, l’histoire terrible de la Russie au début du XXème siècle : les purges et les condamnations à mort, les projets de grandeur d’un dictateur et la famine de 1930, responsables de milliers de morts, les goulags. L’auteur fait ressurgir aussi la vie quotidienne des gens de sa famille, de leurs amis et de la vie simple dans les datchas durant l’été.
Owen Matthews, russophile, a parcouru en sens inverse le chemin suivi par ses parents et, avant eux, ses grands-parents. Il a retrouvé sa tante, ses cousines et leurs amis. Il a connu les folles nuits de Moscou et a même été approché par le KGB qui tentait de le recruter.
Le passé patiemment reconstitué se mêle tout naturellement à ses errances d’aujourd’hui en quête de son histoire.
Ce livre est à la fois une grande fresque historique, l’histoire de trois générations et le reportage enquête de terrain que nous livre O. Matthews. C’est écrit avec un véritable talent de romancier, un romancier qui sait nous émouvoir sans mièvrerie et nous surprendre sans cesse, un conteur qui sait faire ressurgir sans rancœur ni regrets un passé troublé. Et c’est ce qui donne tant d’humaine épaisseur à ce document et le rend aussi passionnant.
Ce document offre un témoignage fort, émouvant et complet sur l’évolution du mode de vie russe entre les années 30 et les années 90 à travers la vie des membres d’une famille soviétique.
L’auteur, partie prenante, nous fait partager à la fois les détails de la vie quotidienne et les méandres de l’organisation politique et administrative complexe russe.
Il nous y raconte les joies et les souffrances indicibles d’un peuple qui apparaît à la fois fier et fragile. La vie des membres de cette famille nous emmène de tragédie en drame, d’épreuve en combat personnel pour la liberté et la dignité. On reste toujours étonné de la force vitale et de la résistance des êtres humains soumis à tant d’atrocités.
Ce livre est un condensé de traité historique sur l’évolution de la Russie au cours du XXème siècle, doublé d’une saga familiale étonnante et bouleversante. L’ensemble de ce document est dense, parfois complexe mais toujours intéressant.
Les destins des personnages sont exceptionnels au regard de leur histoire personnelle forcément fortement imbriquée dans l’histoire sociale et politique soviétique. La qualité de l’écriture fait qu’on se retrouve plongé dans l’univers des personnages, qu’on peut s’imaginer l’atmosphère des lieux qu’ils ont fréquentés avec précision : sans connaître du tout le Russie et Moscou, j’ai pourtant pu m’en faire une idée et des images très nettes dans le contexte de ce livre.
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