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Encombrement des espaces, netteté de la peau, intimité sensible, les critères anciens du propre et du sale ne sont plus ceux d'aujourd'hui. Des faits apparemment identiques ne déclenchent au fil du temps ni les mêmes appréciations ni les mêmes réactions : la transpiration collant à la peau, le cheveu supportant la vermine, l'odeur émanant des corps. La propreté de nos pères, celle de l'Europe classique par exemple, n'était pas la nôtre : elle pouvait exister sans le recours à l'eau, en favorisant quasi exclusivement l'apparence extérieure, l'habit. L'histoire du propre et du sale est ainsi celle d'un lent raffinement. Elle montre comment se fabriquent les seuils du goût et du dégoût. Leurs différences avec les nôtres réveillent la conscience de notre propre sensibilité. Cette histoire est aussi davantage. Elle montre encore comment s'enracinent au plus près des repères corporels, des différences marquantes entre les groupes sociaux. La dentelle blanche de l'aristocrate du Grand Siècle n'a aucun rapport avec le chanvre écru du laboureur. Non que cette différence soit celle de l'ustensile ou de l'accessoire. Elle est d'abord celle du corps. Elle révèle combien la distance sociale, devenue abîme, tient au sentiment de ne pas avoir le même corps. Cette histoire enfin plonge au coeur de la sensibilité culturelle. Le propre et le sale orchestrent un ordre immédiat du monde. Avec leurs changements temporels bascule, tout simplement, l'horizon des matérialités.
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