Avec "Le grand vertige", le romancier interroge sans complaisance les fondements de notre civilisation
Pionnier de la pensée écologique, Adam Thobias est sollicité pour prendre la tête d'une "Commission Internationale sur le Changement Climatique et pour un Nouveau Contrat Naturel". De ce hochet géopolitique, pas dupe, il tente de faire une arme de reconstruction massive. Au coeur du dispositif, il crée le réseau Télémaque, indépendant et parallèle, constitué de scientifiques ou d'intuitifs, de spécialistes ou voyageurs, tous iconoclastes, qu'il envoie en missions discrètes, du Pacifique sud à la jungle birmane, de Manaus à Moscou... Tandis qu'à travers leurs récits se dessine l'encéphalogramme affolé d'une planète fiévreuse, Adam Thobias conçoit un projet communautaire aussi alternatif que novateur. Entretenant une intimité générationnelle avec la géographie mouvante et fragile de notre monde en crise, doté d'une foi dans la narration et d'une énergie vitale contagieuses, Pierre Ducrozet se confronte, à bras-le-corps, aux forces motrices et performatives du roman sur les enjeux du contemporain.
Avec "Le grand vertige", le romancier interroge sans complaisance les fondements de notre civilisation
Pierre Ducrozet propose aux lecteurs un roman centré sur les thèmes de l'écologie et du militantisme. Un sujet que l'on peut retrouver assez fréquemment en littérature en ce moment, ce qui peut se comprendre compte-tenu des forts enjeux actuels au sein de notre société. Le romancier nous propose donc de suivre une palette de personnages, ils ont tous pour point commun d'avoir été contactés par Adam Thobias, un pionnier de la pensée écologique qui a été choisi pour prendre la tête d'une commission au sein des institutions européennes. On va assez rapidement découvrir que Adam va se servir des moyens mis à sa disposition pour mener des actions radicales.
Je vais commencer par les points positifs. L'écriture de l'auteur est plutôt agréable à suivre et le thème central du roman est bien évidemment un thème d'actualité. Ce roman a également le mérite de pousser le lecteur à s'interroger notamment autour de la question suivante : jusqu'où peut-on aller pour défendre une cause qui nous semble juste ? C'est notamment le sujet de l'écoterrorisme qui est notamment largement abordé dans ce livre. Autre point positif, la multiplication des personnages permet d'avoir un ensemble de points de vue très variés sur la question et de voir que tout le monde n'aborde pas les choses de la même manière. Cette diversité est appréciable à mon sens.
Pour autant, ce roman a été une petite déception pour moi. Deux raisons principales viennent expliquer ce sentiment. Le style général m'a paru vraiment très brouillon. La diversité des points de vue est intéressante mais il y beaucoup trop de personnages, trop d'éléments d'informations et de contexte. L'ensemble est très disparate et j'ai donc eu beaucoup de mal à m'immerger dans l'histoire. Le deuxième point concerne la manière dont sont traités les différents protagonistes. On voit bien les doutes de plusieurs personnages mais j'ai trouvé l'ensemble assez froid et je ne me suis pas du tout attaché aux personnages. J'ai donc finalement eu une lecture complètement détachée de l'ensemble sans jamais vraiment rentrer pleinement dans le roman.
Après, je ne me suis pas ennuyé car l'ensemble est plutôt dynamique notamment en raison de ces chapitres courts avec un passage permanent d'un personnage à l'autre. Ca va vite, même peut-être trop vite et ça manque un peu d'un réel fil conducteur. Concernant l'aspect réaliste de l'ensemble, ça peut aller même si on trouve quelques points de vue très arrêtés sur certains sujets, à la limite de la caricature. Globalement, l'ensemble pourrait être plutôt crédible si l'on ne s'y attarde pas trop.
Je suis donc très mitigé sur ce roman. Le rythme est là, il y a un thème d'actualité, on sent un message fort et on retrouve des éléments de réflexions intéressants mais le récit est vraiment trop brouillon, l'ensemble est très froid et je ne suis jamais rentré dans le roman. Il y avait un vrai potentiel pour l'ensemble mais je reste sur une déception pour ma part.
Ma note : 2,5/5
L’accumulation des ressources a façonné l’histoire du monde : le charbon au XIXième siècle et le pétrole au XXième (une magnifique épopée racontée pages 137-154 – ça vaut « La face cachée du pétrole » d’Éric Laurent). Et au XXIième ? Le lithium ! La Bolivie peut commencer à trembler (Elon Musk a dit qu’il était prêt au coup d’état, si nécessaire). Il faut présager le pire car un des grands enjeux de demain, c’est l’exploitation et le stockage de l’énergie « propre ». Pierre Ducrozet pose la question avec son roman : les hommes joindront-ils leurs forces pour garantir l’avenir du plus grand nombre ? Votre tendance à répondre oui ou non déterminera votre caractère : optimiste ou pessimiste.
Mais à la lecture du Grand Vertige, on verra le verre à moitié vide. L’appât du gain freine les ardeurs écologiques. Pourtant, le désir d’une ère nouvelle est fort : « Elle voudrait trouver une manière d’être au monde qui ne soit ni prédatrice, ni autoritaire, ni arrogante ». On retrouve le thème cher à Michel Serres (p191) et qu’il avait développé dès 1990 dans son livre « Le contrat naturel » : l’homme a désormais la capacité de scier la branche sur laquelle il a niché.
Personne n’écoute, on désespère… cette envie de tout faire péter, de tout réinventer, comme au premier jour : « Sur ces bâtiments détruits ou simplement mis hors d’usage, nous pourrions bâtir quelque chose de neuf ».
Le salut pourrait venir d’une invention, d’une plante qui mange le soleil par exemple, mais pourquoi toujours souhaiter la rupture technologique alors qu’il suffirait de s’inscrire dans le mouvement du monde. Se fondre dans le décor, au lieu d’y foncer.
On pourra regretter quelques facilités dans l’intrigue, quelques largesses dans l’action (comme dans un James Bond). Une broutille au regard du plaisir de lecture procuré par ce roman. On voyage, on s’instruit, on réfléchit, et on passe un excellent moment.
Bilan :
Le grand vertige, dernier roman de Pierre Ducrozet nous interpelle doublement. Pouvons-nous encore sauver la planète, est-il encore temps et devons-nous choisir pour cela des moyens radicaux?
Adam Thobias, 65 ans, universitaire, pionnier de la pensée écologique, un génie, reçoit à Brighton, dans sa retraite, l'eurodéputé Carlos Outamendi, autour d'une tasse de thé. Trois semaines plus tard, à Bruxelles, il finit par accepter la proposition de ce dernier qui l'invite à prendre la tête de la CICC, Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel et il déclare alors : "il doit y avoir des mesures politiques, des accords internationaux à respecter, mais nous devons surtout nous réinventer".
Le projet est beau et il est tentant de faire partie d'un groupe d'éclaireurs susceptibles d'avoir une véritable influence sur le cours des choses. Pour le mener à bien, Adam fait appel à des ingénieurs, professeurs, voyageurs, botanistes, architectes, géologues, écrivains qui ont tous un jour collaboré avec lui. Ils formeront le réseau Télémaque. Nous en suivrons certains tout au long du roman, notamment Nathan Régnier, l'une des stars mondiale de la microbiologie, Tomas Grøben, Mia Casal, anthropologue, Arthur Bailly, photographe et June, cette jeune fille un peu paumée qui cherche du sens à sa vie et a connu Adam quand elle était enfant. Ils ont pour tâche entre autre de parcourir la planète, virtuellement sur Google Earth par exemple, pour Tomas, de trouver cette fameuse plante si rare qui pourrait révéler une formule porteuse d'espoir, de localiser les industries polluantes, les lieux où la nature est saccagée, de repérer où passe le gigantesque pipeline qui achemine le pétrole du Moyen-Orient vers la Chine, dans l'enfer vert birman...
En dressant un état du monde et en imaginant une réaction face au changement climatique, qui se révèle être un échec, ceci, dans les années 2017, l'auteur nous amène à réfléchir sur l'urgence écologique et à penser qu'il est peut-être déjà trop tard ... La folie des humains ne détruit-elle pas tout, même les meilleures intentions ?
Le grand vertige, c'est ce sentiment dont nous prenons conscience et que ressentent tous ces personnages auxquels on s'attache très rapidement, devant le gâchis que l'homme a engendré.
Ce roman est une saga écolo-humaniste, où réalité et fiction s'entremêlent, un roman d'aventures très rythmé avec une belle rencontre amoureuse entre Mia et June et dans lequel les enjeux géopolitiques sont plus que présents. La longue digression sur la manière dont le pétrole a complètement bouleversé le cours de l'humanité est magnifique. En contant l'histoire de cet or noir, Pierre Ducrozet dit : "Bientôt, il n'y a plus un recoin des consciences, plus une terre, une ambition qui ne soient irriguées par l'inflammable liquide."
Ce roman est découpé en quatre mouvements conçus pour être dessinés, chacun ayant une couleur et un rythme différents.
C'est un livre qui ne peut pas nous laisser insensible. Il nous ouvre les yeux sur une réalité, hélas très noire dans laquelle les politiques jouent un rôle négatif, toujours prêts à prendre des engagements, mais les laissant vite choir pour de intérêts financiers immédiats, prônant encore et toujours une croissance à tout va. Il paraît de plus en plus utopiste de penser que nous pourrons échapper à notre propre destruction. J'aimerais me tromper...
En lisant Le grand vertige qui définit notre monde, un monde où le sol s'ouvre sous nos pieds, on ne peut qu'avoir une vision assez pessimiste de l'avenir même si la fin du roman laisse une petite bouffée d'espérance. Il vaut peut-être mieux ne pas abandonner !
Je ne peux que recommander cet auteur au talent incontestable dont le roman L'invention des corps m'avait particulièrement plu et qui avec Le grand vertige confirme l'admiration que j'ai pour lui.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
En ce moment, dans les livres, il me faut plus que des mots, plus qu'une histoire. Il me faut de la complexité, une recherche de sens, quelque chose qui tient de la géométrie dans l'espace plutôt que de la géométrie plane. Des dimensions multiples. Il me faut Le grand vertige, la carte du monde que l'auteur semble dessiner à toute vitesse, sur un écran 3D, le voyage dans l'espace-temps entre un puits sans fond et l'infini de la voie lactée. Il porte bien son titre, ce roman qui m'a précipitée dans le vide, m'a aspirée dans la canopée, m'a perdue dans le désert, ballotée de question en question, de sentiment de colère en sensation d'impuissance. M'a parfois donné la nausée. J'en suis sortie un peu sonnée, groggy. Un poil plus désespérée qu'en y entrant. Mais très impressionnée.
Pierre Ducrozet imagine qu'en 2016, les principaux dirigeants du monde ont enfin compris l'urgence d'agir pour le climat et chargent l'un des militants les plus actifs de la pensée écologique, Adam Thobias de créer et diriger une "Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel". Pendant plusieurs mois, il réunit les meilleurs spécialistes dans leur domaine et les envoie aux quatre coins de la planète récolter informations, échantillons, témoignages, idées novatrices... Recueillir une matière phénoménale, l'analyser et imaginer les solutions durables pour changer les modes de vie, épargner les ressources. Utopie ? Pas sûr pense Nathan, persuadé que la solution viendra des plantes et du miracle permanent de la photosynthèse. Passe-temps de riche ? Bof, pourquoi ne pas profiter des voyages se dit June, vingt ans et déjà presque plus d'illusion. Ils sont plusieurs à s'impliquer, à communiquer via le réseau Télémaque et à se persuader qu'ils peuvent changer le monde. Oui, mais le monde veut-il être changé ?
Il y a des pages magnifiques dans ce livre et d'autres d'une noirceur absolue. Il y a le vert infini, nourricier et le noir du pétrole symbole de tous les maux ; le bleu des océans, source de vie et le rouge des incendies et des guerres qui ravagent la planète. Il y a la folie destructrice de l'homme, mise en évidence le temps de quelques pages d'histoire. Là où l'homme passe, le reste trépasse... "Tout le parcours de l'intelligence humaine a été de figer et de saisir depuis l’extérieur des choses, quand il s'agirait d'en faire partie". Mais il y a surtout chez Pierre Ducrozet une façon incroyable d'alterner les rythmes et les tonalités, de jouer sur tous les registres musicaux, de passer de la poésie d'une immersion dans la jungle à la furie de la course au pétrole et du capitalisme.
J'ai retrouvé dans ce roman, l'ambition d'un Richard Powers (L'Arbre-monde), la puissance du propos de Pascal Manoukian dans Le Cercle des Hommes (notamment la question de la sédentarité vs le nomadisme) et le questionnement d'auteurs engagés comme Camille Brunel (La guérilla des animaux) sur les moyens à utiliser pour parvenir à ses fins. Mais il y a quelque chose de profondément désenchanté dans Le grand vertige, comme si les cyniques avaient déjà gagné la partie, décourageant ainsi les meilleures volontés. A moins que l'auteur n'ait cherché à éveiller les consciences, à provoquer un sursaut ? Mais que peut la littérature, même excellente, face à la puissance des forces destructrices à l’œuvre ? Vous savez quoi ? Lisez Le grand vertige, ce sera peut-être le début du commencement d'autre chose.
(Chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Adam Thobias ressemble à s’y méprendre à un oiseau avec ses longues pattes cagneuses, ses yeux perçants et sa tignasse ébouriffée. Mais il est avant tout un professeur d’Université avisé et un pionnier de l’écologie. A ce titre, il est pressenti pour diriger une commission d’une cinquantaine de spécialistes : photographes, archéologues, géographes, aventuriers…, chargée de parcourir la planète pour tenter de vérifier, dénoncer ou empêcher les catastrophes économiques, politiques, écologiques qui la menacent. Cette commission au nom prédestiné « Télémaque » va précipiter ses participants dans une expédition folle, tentaculaire, fantastique, dangereuse, mystérieuse, éreintante. Ainsi, au fil des pages, on croise Nathan qui sait mieux que personne ausculter les fougères et comprendre la photosynthèse, Mia l’anthropologue post-punk, June la fille trépidante et insaisissable, qui parcourt le monde avec son crâne rasé et multiplie les voyages intenses, Arthur le camé qui adore les errances nocturnes. Le lecteur passe la frontière chinoise, pousse les portes de l’aéroport de Shanghai, circule entre les bambous, les hévéas, les oléoducs, se délecte des parfums de mûre et de girofle du Languedoc, va, vient, repart, s’envole, se désespère, hésite, agonise …
Comme son titre l’indique, ce roman-puzzle semble jouer à Colin Maillard avec le lecteur : il lui propose tour à tour des aventures, des embuscades, de la poésie, de l’ivresse, de la révolte, des attentats, de la prison, des confusions, de l’écologie, de la politique, de l’utopie, de l’histoire, des pistes, de la technologie, des réseaux. Il le promène parmi des êtres marginaux, illuminés, maladroits, intrépides, crasseux, brillants, indécis. Tout ça pour le perturber, le rendre attentif, l’interroger sans toutefois lui offrir de solutions !
Ce roman qui est aussi une fable écologique contemporaine, une enquête scientifique, un manuel d’histoire, un roman d’aventure, une réflexion humaniste est foisonnant autant que déconcertant ! Servi par une plume alerte, incandescente, railleuse, poétique, il ressemble à un trousseau de clés et laisse le lecteur libre de trouver celle qui ouvrira la porte qui lui convient.
Tanguy Du Chéné Chronique Explorateur 2020
Étrange roman qui comporte une Histoire mais beaucoup d'histoires. Une entrée en matière classique. Création d'une Commission Internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel. Un Président est nommé, Adam Thobias, pionnier de la pensée écologique. Tout naturellement il recherche et sollicite des spécialistes pour composer son instance. Bref le démarrage est lent parce que n'apportant rien d'inattendu. Puis la machine s'emballe. Le Professeur décidé brutalement de saboter neuf lieux stratégiques liés à l'exploitation de la nature ( installation pétrolière, raffinerie, pipeline, etc...).
Et notre cher Président après avoir déclaré vouloir créer une société horizontale et autonome disparaît. Le monde entier se lance à sa recherche. Il est retiré au bord du lac Turkana. Turkana? Mais bien sûr, c'est le pays de notre chère Lucy de la vallée Omo, notre ancêtre à tous ( ce clin d'œil est réservé aux initiés et nulle mention à notre arrière grand-mère dans l'ouvrage). Et patatras, nous est dévoilé l'origine de tous nos maux. Caïn, l'agriculteur contre Abel le berger, et du coup le pouvoir passe dans les mains des sédentaires et pour vivre " l'homme plie la nature sous son joug". Que ne sommes nous restés de sages chasseurs-cueilleurs.
Et puis certains membres de cette Commission nous dévoilent leurs petites histoires, des rires, des larmes, de grandes théories, mais aussi de longs moments au lit pour dormir et du sexe en tous genres. L'homme nouveau est prêt à ressuciter la Nature sur notre Terre.
Le style est agréable, les histoires s'enchaînent avec comme conclusion, '" les grandes théories vertes ne changeront pas le monde puisque l'homme ne changera pas où peut être à la marge".
Explorateurs RENTRÉE LITTÉRAIRE 2020 :
Jubilation, déception, espoir, désenchantement, nouveau départ, Le grand vertige, dernier roman de Pierre Ducrozet, est dense, foisonnant d’idées, comme cet auteur l’a déjà démontré dans Eroica et L’invention des corps, les deux romans qui m’ont permis de découvrir un écrivain qui s’affirme au fil du temps.
Sans hésiter, comme dans L’invention des corps, il s’attaque ici à des thèmes très actuels, déterminants pour l’avenir, mais très complexes. Il choisit de se frotter à l’écologie, à l’état de notre planète que nous voyons se dégrader de jour en jour et j’ai beaucoup apprécié ce livre, édité par Actes Sud, découvert dans le cadre des Explorateurs de la Rentrée littéraire 2020 de Lecteurs.com.
Adam Thobias, scientifique de renom mais aussi romancier, a été nommé à la tête de la CICC (Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel). Même si Trump et Poutine ont refusé d’allouer des crédits pour son action, Adam prend son rôle très à cœur et n’est pas décidé à se contenter de gérer un hochet pour faire croire à l’opinion publique que de grandes décisions vont être prises.
Je le constate à nouveau, Pierre Ducrozet allie encore parfaitement le réel et le fictionnel. Alors, il présente un à un les principaux éléments du réseau Télémaque mis en place par Adam Thobias, secondé par Chloé Tavernier : le Canadien Nathan Régnier, star de la microbiologie et de la vie des plantes, Tomas Grøben, spécialiste en recherches sur Google earth, mais surtout June Demany (22 ans) qui fut élevée par Adam, Mia Casals, anthropologue, et Arthur Bailly, photographe. Parmi ces principaux personnages que j’ai croisés dans ce roman, June revêt une importance primordiale, d’abord par les tourments physiques et moraux qu’elle subit, ensuite par le rôle qu’elle joue jusqu’au terme de l’histoire. Elle est jeune et ce monde qui se prépare, c’est celui dans lequel elle va vivre.
En Amazonie, une fameuse plante – voir la superbe couverture du livre – est capable de concentrer l’énergie solaire à un niveau jamais atteint. Elle apporterait des solutions à tous les problèmes d’énergie que l’homme produit en détruisant l’équilibre naturel planétaire.
Il faut rêver pour innover mais surtout ne pas déranger les pouvoirs établis, les lobbys tout puissants et les intérêts financiers. La partie consacrée au pétrole est captivante et édifiante.
Avec cette histoire à la fois utopique et poétique, Pierre Ducrozet effleure parfois le polar mais aussi la fable tout en sachant pertinemment entrer dans l’intime, livrant des portraits attachants. J’ai bien senti aussi qu’il n’aimait pas trop Paris, un peu Berlin et Lyon où il est né, mais beaucoup Barcelone où il vit ou a vécu.
Le grand vertige, titre bien choisi, c’est celui que nous connaissons tous pour peu que nous acceptions d’ouvrir les yeux et que nous entendions ceux qui nous alertent. Le changement climatique est en marche et nous en payons chaque jour le prix, même si, aujourd’hui, une pandémie absorbe l’essentiel de nos préoccupations.
Le livre ayant été écrit avant cette grave crise sanitaire, l’auteur ne pouvait pas y faire allusion mais je pense qu’elle contribue au pessimisme que j’ai éprouvé à la lecture des dernières pages.
Il ne faudrait pas que Le grand vertige nous entraîne dans l’abîme. Malgré tout, Pierre Ducrozet réussit à me laisser un peu d’espoir en notre espèce humaine dont il retrace habilement et succinctement toute l’évolution, un peu avant la fin du livre.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
«Adam Thobias a indiqué à Carlos Outamendi le fauteuil rouge à franges. Dans les deux tasses il a versé du thé qu’ils ont bu en silence. On entend des gouttes d’eau qui tombent dans le puits, quelques tuiles qui craquent. L’eurodéputé est arrivé ce matin à Brighton dans la retraite d’Adam Thobias pour essayer de l’en sortir.» Il s'agit d ela convaincre de prendre la tête d'une «Commission internationale sur le changement climatique et pour un nouveau contrat naturel».
Adam Thobias, qui lutte depuis des décennies pour davantage d'écologie, accepte de relever le défi, même s’il ne semble pas se faire trop d’illusions sur la concrétisation des idées qu’il soumettra aux politiques. Autour de lui, il va rassembler une équipe d'ingénieurs, de professeurs, de voyageurs, de botanistes, d’architectes, de géologues et écrivains d'où émergent quelques personnages haut-en-couleur qui Pierre Ducrozet va nous présenter successivement.
Nathan Régnier, malgré des ennuis de santé récurrents, accepte de se joindre au groupe parce qu’il «est hanté, dès ces jeunes années passées dans les massifs du Labrador, par un mystère. L’organisation en rhizomes des sols, des plantes, des champignons, de l’air, de l’ensemble du vivant et des morts est proprement sidérante, il y a là un mystère et une clef auxquels il sait déjà qu’il devra consacrer son existence».
Mia Casal rejoint fait aussi partie de l'aventure. Anthropologue «post-punk,
écoféministe néo-sorcière», elle est d’une «beauté presque effrayante, des yeux qui vous rentrent dans le crâne, harmonie sévère et mélange mystérieux de gènes qui lui a été légué par une ascendance complexe, père d’Osaka fils d’une Russe et d’un Japonais, mère Brésilienne fille d’un Allemand et d’une Carioca.»
Arrêtons-nous aussi sur June Demany, sa vie faite de familles recomposées, de petits boulots, de grandes révoltes. Un jour, elle prend un avion pour Buenos-Aires où elle a failli se perdre avant de partir pour Ushuaia. «Elle se découvre une montagne de défis: voyager seule, voyager durable, se perdre, se trouver, se ressaisir, ne pas laisser de traces.» Elle se veut libre et renonce à rejoindre l'équipe.
Jusqu'au jour où elle va croiser la route de Mia. Entre les deux jeunes femmes c'est peu de dire que le courant passe. Après une nuit torride, June va se laisser convaincre de faire partie de l’aventure.
Disons enfin un mot sur Tomas Grøben à qui on a confié la mission d'explorer la planète sans bouger de chez lui. Il passe ses journées devant Google Earth à scruter la planète dans ses moindres détails.
Et puis il y a Arthur Bailly, le photographe. « Il dit qu’il est là pour ça. Il observe tout ce qu’on ne voit pas, toutes les misères et les flux qu’on s’échange pour deux sacs, toutes les têtes qui tombent en arrière, les quartiers des vagues à l’âme et des regards absents, les mains qui se tendent et prennent, il voit ce qui s’y échange, quelques grammes d’infini, la mer noire derrière, tous les petits trafics sans nom et les rêves qu’on garde serrés dans la paume.»
Pierre Ducrozet a construit son roman en détaillant d'abord l'équipe du projet avant de passer aux missions qu'Adam Thobias leur confie, tout en restant vague sur la finalité des tâches confiées aux uns et aux autres. Une série de photos à faire pour Arthur, une plante, l'Echomocobo, dont l'étude est confiée à Nathan, l'étude du trajet d'un nouvel oléoduc qui passe en Birmanie pour Mia, accompagnée de June.
Au fur et à mesure que les choses se précisent, le récit gagne en densité. Au projet écologique un peu vague du début - enfin changer le monde - viennent se greffer les services secrets et les grandes manœuvres géopolitiques. La dimension globale du projet commence à inquiéter, les fouineurs à devenir gênants. En retraçant la grande histoire de l'or noir, on découvre aussi combien cette matière première a charrié de convoitises, de guerres, de coups bas. Le tout débouchant sur "un bordel international, état d'alerte maximum".
De la fable écologique, on bascule dans le roman noir mêlé d'espionnage, le tout agrémenté de machinations politiques pour s'assurer la mainmise sur les matières premières. Un combat de coqs qui «font avancer les choses vers leur inévitable cours, celui de la bêtise et de la destruction».
Et alors qu'Adam dévoile son vrai visage et le réel but de son «Réseau Télémaque», l’équipe découvre qu’elle a été manipulée. L’épilogue de cette géopolitique de l’écologie vous surprendra sans doute. Mais Pierre Ducrozet aura ainsi réussi haut la main son pari: vous faire réfléchir aux enjeux qui vont déterminer l’avenir de la planète et celui des générations futures.
https://urlz.fr/dJEd
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