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« Et si on les publiait enfin, tous ces textes ? » lance Cabu à son interlocuteur, l'éditeur Jean-Paul Liégeois. La scène se déroule dans une brasserie parisienne le 3 janvier 2015. Depuis deux heures, la conversation roule sur tous les écrits hétéroclites que Charles Trenet a semés dans la presse au hasard de son inspiration et de son humeur ... À la fin de l'après-midi, le projet a pris tournure : ce sera « un gros livre », Cabu y glissera des dessins ; et le troisième convive du jour, Vincent Lisita, un autre passionné de Trenet, devra fouiller les archives publiques ou privées et les fonds des bibliothèques pour retrouver tous ces textes. Un nouveau rendez-vous est pris pour le 9 janvier. Il n'aura pas lieu : le 7 janvier 2015, Cabu a été assassiné dans les locaux de Charlie Hebdo.
La vie qui va est exactement l'ouvrage dont Cabu avait rêvé. Il rassemble l'essentiel de la production littéraire « hors chansons » de Trenet : des centaines de textes de tonalités et de genres divers, nés au fil du temps et de la plume, presque tous parus dans des journaux. Ils constituent une « oeuvre parallèle » du Fou chantant, une oeuvre restée jusqu'à maintenant insaisissable et inaccessible du fait de son éparpillement. On y trouve pêle-mêle des « contes surréalistes », des écrits sur la poésie ou le cinéma, des souvenirs de jeunesse, ainsi que le récit de sa période d'emprisonnement aux États-Unis à Ellis Island en 1948 pour une présumée « affaire de moeurs ».
À Perpignan, quand il était enfant, le petit Charles avait le droit d'assister aux soirées littéraires et musicales qu'organisait souvent son notaire de père. C'est là qu'il rencontra son pygmalion : le poète-journaliste local Albert Bauzil qui lui ouvrit toutes grandes les portes de la revue qu'il dirigeait, Le Coq catalan. Et c'est dans les pages de cette publication que Trenet fit paraître son premier texte : c'était en 1925, il avait 12 ans ! Entre 1925 et 1941, Charles Trenet donnera au Coq catalan reportages, chroniques cinématographiques, textes en prose et poèmes. Par la suite, pendant des années, il enrichira cette « oeuvre parallèle » dans les colonnes d'autres périodiques. Il ira même jusqu'à dire ou lire de façon impromptue dans des émissions de radio ou de télévision tel ou tel texte qu'il venait tout juste de terminer...
On retrouve dans La vie qui va tout ce que Cabu et ses innombrables admirateurs aimaient dans les chansons de Trenet : « La vie tendre, grave et légère ».
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