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Tatiana Arfel fait preuve d’un joli talent pour nous parler de ses « sœurs ».
Mercredi, Emilienne, tel un robot arpente les couloirs, tape les codes d’accès qui lui permettent d’accéder au vestiaire, enfile sa blouse, sors son chariot et se dirige vers les toilettes rez-de-chaussée femme de la galerie commerciale Horizon.
Travail de peu, travail ingrat. Mais ce travail est une chance dont elle espère qu’elle tiendra quelque temps. Elle devrait être à la retraite, mais elle n’a pas assez cotisé. Elle a vécu, elle rattrape.
Alors Emilienne astique, car il faut toujours faire bien, faire mieux. Elle s’applique à bien nettoyer le miroir.
Toutefois son travail machinal, lui permet de penser à son passé, sa vie tumultueuse, sa vie de battante. Essayer encore, échouer encore, échouer mieux.
Elle a eu raison de s’appliquer au nettoyage du miroir, car elle le sait, c’est un refuge, une halte pour les femmes de tout âge, de toutes conditions sociales qui viennent contempler leur reflet, le reflet de leur vie.
On va voir défiler, en ce mercredi, une petite fille, une prostituée, une femme au foyer, une ancienne danseuse classique et bien d’autres. Elles nous feront sourire, rire, penser, s’attrister, pleurer.
Belle mosaïque de portraits de femmes, si différentes et pourtant si semblables : « Nous sommes toutes des femmes et nous continuons. A nous lever, à marcher, à travailler, à aimer, à danser, à prendre soin des enfants. Nous continuons malgré les viols et les coups, malgré les bannissements et les lapidations. Nous continuons malgré les publicités, malgré les injonctions à être toujours plus, toujours autres. Belles. Jeunes. Maigres. Blanches. Nous continuons malgré les salaires ridicules et les temps partiels, la mainmise sur nos vêtements, nos corps, nos esprits, la négation de nos désirs propres. Nous continuons la route de front. Nous faisons face à tous les miroirs. Miroirs de la maison, du travail, de la salle de sport, miroirs des rues dehors. Miroirs des cabines d’essayage et des loges de théâtre, miroirs-oracles qu’on consulte avant un premier rendez-vous, miroirs brisés, miroirs de sac, miroirs des pochettes brodées, miroirs déformants, miroirs déformés. Nous faisons face aux images figées, aux clichés des mannequins qu’on nous jette en exemple à tous les coins du monde entier. Nous y opposons notre contrepoint réel et vivant. »
Alors Mesdames n’hésitez pas, rentrez dans « La ronde des poupées », tendez l’oreille, Emilienne et ses sœurs vont vous susurrer à l’oreille tous leurs secrets. Messieurs, ne restez pas à l’écart, si vous voulez écouter et comprendre l’autre moitié de votre univers.
Tatiana Arfel est une psychologue et écrivaine française. Elle s’intéresse particulièrement au mal-être psychique et physique lié au monde du travail. Son premier roman « L’attente du soir » a reçu en 2009 le prix Emmanuel Roblès et en 2010 le prix Alain Fournier.
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