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De la caisse où elle était assise, sereine et vaguement souriante, Fernande avait vu entrer le couple et elle avait compris tout de suite qu'ils venaient pour la première fois. Ils étaient très jeunes tous les deux, vêtus de neuf des pieds à la tête comme de nouveaux mariés qu'ils étaient sans doute, et, la porte franchie, ils s'étaient efforcés de cacher leur surprise et leur hésitation.
Auguste Mature est Auvergnat. En 1913 il a fait l'acquisition d'un petit bar qu'il a exploité entre les deux guerres comme un authentique « bougnat », proposant des produits de sa région natale. Après la Deuxième Guerre mondiale, Antoine, le fils cadet de retour de camp de prisonniers, s'est associé à son père et le bistrot est devenu peu à peu un restaurant réputé du quartier des Halles, obtenant même ses deux étoiles au guide Michelin.
La mort d'Auguste à 78 ans, comme un artiste sur scène, sur le lieu pour lequel il a consacré quasiment toute sa vie, prend tout le monde de court. Antoine prévient ses frères, Ferdinand, l'aîné, juge d'instruction, et Bernard, le plus jeune.
Dans la soirée, le grand frère et sa femme Véronique, ainsi que Nicole, la fiancée de Bernard, se retrouvent autour de la dépouille de l'ancien, la discussion s'orientant très rapidement, à l'initiative de Nicole, sur la succession. L'entrée en scène du petit frère, avec son tempérament agressif, son éternel besoin d'argent, son alcoolisme, ne fait qu'envenimer une situation déjà tendue, chacun ayant découvert qu'Auguste et Antoine étaient riches. L'espoir d'avoir une part du magot du père éveille la cupidité, nettement déclarée de Bernard et Nicole, un peu plus retenue de Ferdinand et Véronique. Comme personne ne sait ce qu'Auguste a fait de son argent, se rajoute à l'ambiance délétère la suspicion du reste de la famille envers Antoine.
Simenon fait une peinture sombre, cynique, mais d'une grande finesse d'une famille qui se déchire alors que l'enterrement du père n'a pas encore eu lieu. C'est tout l'art de l'auteur, de mettre en scène dans un de ses « Romans durs » des gens que l'on pourrait qualifier d'ordinaire, ne se démarquant pas vraiment du commun des mortels, et de proposer un récit d'une violence, contenue mais des plus extrêmes, décortiquant sans concessions l'évolution de relations humaines dégradées par l'attrait de l'argent, dans un psychodrame familial marqué par la rancœur et la désillusion.
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