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Rédigés au front par les Poilus eux-mêmes entre une attaque, un bombardement et une alerte aux gaz, ou écrits au repos entre deux montées en lignes, soigneusement calligraphiés ou laborieusement dactylographiés, puis amoureusement décorés, et illustrés malgré le froid, la pluie et la fatigue qui brouillent la vue et engourdissent les doigts, avant d'être dupliqués à la gélatine, ronéotés ou imprimés avec des moyens de fortune, les " JOURNAUX DE TRANCHÉES " apparaissent dès la fin de l'année 1914, à la faveur des temps morts que la " guerre de positions ", succédant à la " guerre de mouvement ", impose à des soldats qui " tuent le temps en attendant d'être tués ".
Publier un journal c'est, pour ces soldats égarés en enfer, oublier un instant la guerre, les poux, les rats, la pluie et la boue du gourbi, évoquer la " vie d'avant ", renouer par la pensée avec la famille et tous les êtres chers. C'est aussi reconquérir leur dignité, lutter contre l'anonymat, vaincre, le temps d'un cri, l'oubli et la mort qui rode.
Rigolboche, L'Écho de Tranchéesville, La Roulante, Le Poilu déchaîné, le Canard du boyau, L'Écho des gourbis, Marmita, La Guerre joviale. des centaines de titres apparaissent bientôt, rivalisant d'invention, de créativité, de dérision, d'humour noir - cet humour qui, on le sait et ils le prouvent, est " la politesse du désespoir ".
Certaines de ces " Feuilles bleu horizon " ne compteront qu'un numéro. D'autres tiendront jusqu'à l'armistice. D'autres encore, comme le fameux Crapouillot, survivront à la guerre, perpétuant " l'esprit poilu ", ce mélange de cynisme rigolard, de fraternité pudique, de verve gouailleuse qui, dans l'enfer des tranchées, aidait les hommes à supporter l'insupportable.
Ephémères ou durables, inconnus ou célèbres, grinçants ou poétiques, artistiques ou naïfs, les Journaux de Tranchées nous amènent à porter un autre regard sur la Grande Guerre. Ils nous rapprochent aussi des Poilus, ces soldats que l'on voit aujourd'hui sous les traits ridés des " anciens combattants " mais qui, souvent, eurent vingt ans aux Éparges, à Douaumont ou au Chemin des Dames.
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