"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Sur le bateau, dans les yeux épuisés de ma mère, je vois les bottes françaises, les tirailleurs français, les soldats de la pacification ; dans ceux de mon père silencieux, la traîtrise d'avoir manqué à son pays pour survivre en France. Ils sont vivants et veulent être heureux là-bas, là-bas d'où venaient ceux qui les ont mis à genoux au pied des Aurès. » Dans ses montagnes berbères, Vendredi, l'effrontée, cabriole parmi les chèvres pour faire rire son père adoré et subit à la maison l'oeil redoutable et la main leste de sa mère. Jusqu'au jour où on la marie à un homme qui lui répugne et l'emmène vivre de l'autre côté de la Méditerranée. A seize ans, désespérée d'être enceinte, elle accouche d'une petite fille à qui elle portera un amour étonné et brutal.
Impasse Verlaine, en Auvergne, la fille de Vendredi remplit les dossiers administratifs pour la famille et les voisins, fait des ménages avec sa mère, arrive parfois en classe marquée des coups reçus chez elle. En douce, elle lit Dostoïevski et gagne des concours d'écriture, aime un Philippe qui ne la regarde pas et l'école qui pourtant ne veut pas voir la violence éprouvée.
C'est l'histoire de deux enfances cruelles et joyeuses, l'histoire d'une mère et de sa fille liées par un amour paradoxal. Un récit unique et universel où l'humour côtoie la poésie dans un élan d'une vitalité impérieuse et magnifique.
Prix Livres en Vignes (Bourgogne) ; Prix Rémi Dubreuil du Premier Roman de la SGDL ; Prix ADELF (Langue française) ; Prix des Lycéens et Apprentis de la Région Auvergne- Rhônes-Alpes ; Prix littéraire ENS Paris-Saclay ; Prix du Jury Lire Elire 2020 (Argenteuil) ; Prix Coup de Coeur Coup de Soleil (région Paca) ; Lauréat Festival de Chambéry (Savoie) ; Lauréat Festival de Laval (Mayenne)
Des phrases courtes, percutantes, comme autant de coups de poing. Ceux qui ont martelé le petit corps de la narratrice.
C'est dans un récit haletant que Dalie Farah livre son histoire et celle des femmes de sa famille. Haletant, non pas parce qu'il s'agit d'un thriller. Haletant parce que les segments se lisent dans un souffle. Souffle coupé par la violence omniprésente dans ces lignes.
Violence historique de la présence coloniale en Algérie qui tue les pères aimés, laissant avec les mères abusives. Coups de fouet, coups de manche à balai, coups de savate, coups de pieds, coups de poings. Un cou qu'on essore comme une serpillère. Et des bleus, et des marques, qui traversent les générations.
La narratrice ouvre le roman sur sa mère. Lignes de vie entrelacées avec celles de sa propre mère. Une violence qui coule à flots et qui abreuve chaque femme.
Pourtant, quand on écoute Dalie, quand on la lit, on entend le sourire dans ses maux. L'humour noir bleuté est partout présent. L'amour aussi, même mal dit, mal exprimé, mal compris.
Parce que malgré la violence, il faut bien vivre.
"On peut survivre à tout, quand on survit à sa mère."
Il est bien écrit « roman » sur la couverture, pourtant il s’agit bien d’un récit d’enfance qui puise dans le vécu de l’autrice.
Dalie Farah raconte sa mère, Vendredi, jeune kabyle rebelle mariée à 16 ans à un homme beaucoup plus âgé qui l’emmène en France où il travaille comme manœuvre. Voilà la jeune fille analphabète mais intelligente, confrontée à une autre culture dans un monde inconnu dont elle doit apprendre les codes.
« Vendredi se méfie de la noirceur des nuits auvergnates, elles n’ont pas la franchise des Aurès, elles n’ont rien de la tendresse du douar d’Algérie. »
La première née n’est pas désirée. La fille raconte la mère qui la maltraite et ne sait pas donner de l’affection, Malgré cela, elle va surmonter les humiliations et les brimades en se rattrapant à l’école car savoir lire et écrire lui donne un certain pouvoir :
« A sept ans, je suis le nègre de ma mère »
Une fille ne doit pas sortir mais aider sa mère aux tâches ménagères, et celles-ci commencent tôt le matin et s’avèrent lourdes mais la fille obéit à la mère toute puissante. Elle s’évade grâce à l’école et aux livres qu’elle dévore en cachette et qui lui apporteront la résilience.
Les coups marquent de bleus sa peau et, pourtant, personne ne semble les voir.
Et puis il y a les vacances et la découverte de l’Algérie, cet autre pays tellement différent. Là, l’adolescente maigre doit se faire laver, étriller au hammam où toute pudeur est abolie, ce que la mère terrorisante lui inculque par les coups.
La propreté obsède Vendredi qui ne veut pas que ses enfants soient de « sales arabes » ni que les poux colonisent leur chevelure frisée ce qui donne lieu à de véritables séances de torture au peigne à lentes.
L’adolescente se rebelle et pourtant, elle voit bien qu’en grandissant, elle ressemble à sa mère avec ses formes et sa « tête d’arabe »
« Je hais vendredi toutes les fois où je me renie pour lui obéir »
Un jour, enfin, elle quittera l’appartement HLM de l’impasse Verlaine.
Ce récit est une suite de fragments de vie, d’anecdotes, qui font entrer le lecteur de plain-pied dans l’intimité de cette relation mère fille brutale et sans tendresse. Le talent de Dalie Farah évite l’écueil du pathos et accomplit la prouesse de raconter cette violence quotidienne avec humour et dérision.
Ce récit est raconté d’une plume vive et authentique. Un premier roman étonnant.
Une histoire d'amour comme on peut (ou ne peut pas) entre une mère et une fille. L'humour, souvent noir, et l'ironie rendent supportable la violence omniprésente dans cette lignée de femmes qui subissent leur vie. Jusqu'à la narratrice qui se raccroche aux mots et à la langue française comme à un canot de sauvetage. L'auteur assume une large part autobiographique mais révèle à travers cette histoire une part d'universalité dans les destinées féminines de bien des cultures et dans les rapports mère/fille.
Un très beau premier roman qui retrace une saga familiale racontée par la fille. Elle parle de sa mère et de la mère de sa mère. Une histoire de femme qui commence en Algérie, une famille berbère qui avec la guerre d’Algérie viendra immigrer en France. Vendredi la mère est une belle jeune femme qui sera mariée à un homme de vingt ans son aîné. Ne sachant ni lire ni écrire, mais se débrouillant mieux avec les chiffres, elle sera une figure forte pour la narratrice qui l’aime et en a peur et côtoie plus souvent le pire que le meilleur. La vie dans un HLM en auvergne, la violence familiale au quotidien, la double culture et surtout l’école comme unique point de repaire. L’école qui fera d’elle une enfant de la république. De nombreux thèmes sont abordés mais je retiendrais le rapport mère-fille sur plusieurs générations, l’inévitable reproduction de l’histoire familiale, la construction de la personnalité dans de telles conditions. Une histoire de femmes racontée avec un style franc sans fioriture mais qui se teinte de poésie et des couleurs d’antan. Aucunes pleurnicherie et pourtant, il y aurait de quoi, juste les faits et leurs répercutions et c’est déjà bien suffisant. C’est lumineux d’authenticité et de sincérité. La plume de l’auteure nous fait voyager des années 60 à 80, on passe des montagnes des Aurès à celles de Volvic. Sans oublier un grand sens de l’humour qui est le bienvenu pour faire passer les horreurs vécues. Car comment se construire sans l’amour maternel auquel tout enfant a droit ? Que de résilience dès lors que l’ « On peut survivre à tout quand on survit à sa mère. » L’intervention d’un narrateur qui sait déjà tout apporte une touche de fatalité ou de destiné. Un roman court, qu’on ne lâche plus une fois commencé pour une belle immersion dans le monde de l’enfance. Un lien France - Algérie d’une autre génération à découvrir pour les plus jeunes où à déguster comme une madeleine. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2020/08/06/38427198.html
Amatrice de premiers romans, à la recherche de fraîcheur, de nouveaux univers, d'une pépite, j'ai trouvé tout cela et bien plus dans "Impasse Verlaine", premier roman de Dalie Farah.
C'est l'histoire d'une jeune algérienne, Djemaa ou Vendredi en français car elle est née ce jour-là, donnée en mariage à 15 ans à un manœuvre algérien qui travaille en France, de 20 ans son aîné parce que sa mère, veuve, a trop de bouches à nourrir et parce que Vendredi est trop fantasque, ingérable car éprise de liberté qui est un rêve inatteignable pour une femme dans l'Algérie des années 60-70.
Enceinte de la narratrice, qui a de nombreux points communs avec l'auteur, elle accouche en France en 1973 après avoir essayé de se débarrasser par tous les moyens de son bébé in utéro; la relation mère-fille commence donc sous de très mauvais auspices.
Et cela ne s'arrange pas car Vendredi reproduit le schéma qu'elle a connu avec sa propre mère qui la battait, lui faisait faire tous les travaux domestiques répugnants, l'empêchait même de rêver. Vendredi ne manifeste aucun amour pour sa fille, elle la bat pour un oui et pour un non, elle la traite comme une esclave; une part de jalousie et de honte renforce probablement le rejet car elle est dépassée intellectuellement par sa fille qui, elle, sait lire et écrire et dont elle est dépendante pour tous les actes administratifs de la vie quotidienne. Vendredi vit mal d'avoir quitté son Algérie bien-aimée et le fait également payer à sa fille.
Aucun pathos dans cette terrible et violente relation mère-fille même si on est ému aux larmes par l'attente de la petite fille d'un geste d'amour de sa mère qui ne viendra jamais. Dalie Farah manie à merveille l'humour et l'ironie pour aborder des sujets douloureux comme l'exil, l'identité, la répétition du schéma maternel et bien d'autres.
Il émane de ce roman un incroyable appétit de vivre de la part de la fillette; les mots et la littérature qu'elle dévore en cachette l'aideront à se libérer de cette relation toxique lorsqu'elle comprendra qu'elle court après une chimère en voulant être aimée de sa mère.
Un superbe roman , porté par une magnifique écriture tendre et incisive qui restera encore longtemps en moi.
Je finis par une citation du roman que je livre à votre réflexion : " on peut survivre à tout quand on survit à sa mère".
C’est une histoire de femmes…
C’est une histoire d’algériennes…
C’est une histoire d’amour…
C’est une histoire de haine…
Ça aurait pu être la mienne si chez nous ma mère ne nous avait pas trop tôt quitté…
Ça aurait pu être la mienne si chez nous la haine ne s’était pas déclinée au masculin…
Deux destins, trois femmes et une seule possibilité : l’amour, en dépit des coups et plus que tout.
Des Aurès à l’Auvergne…
De la soumission à la liberté…
De l’ignorance au savoir…
De la haine à l'amour... Tant de phrases, tant de paraboles, tant de bons mots qui me « parlent » dans cette écriture si ataviquement algérienne
Le choix des mots, le gout du beau, la sensualité des phrases, j’ai retrouvé dans Impasse Verlaine la virtuosité d’un roman d’un Kamel Daoud et l’émotion offerte par un film de Yamina Benguigui.
J’ai surligné tellement de passages que ce roman ressemble à un grimoire usé par les années et les expériences.
D’aucun pourrait penser que la violence y est excessive mais toi, moi, nous les enfants de cette génération d’immigrés perdus entre rêves d’une grandeur qui leur a échappée et réalité d’une vie française de labeurs et d'humiliations... oui nous, nous savons qu’elle est malheureusement bel et bien (ou plutôt moche et mal) réelle.
Un champ infini de souvenirs et de questions m’ont assaillie avec ce livre coup de poing que je me suis pris en plein cœur.
Et si mon ogre à moi avait été ma mère plutôt que cet homme sans cœur qui m’a arraché le mien ?
Et si je n’avais pas comme la fille de Vendredi trouvé mon salut dans les livres et l’école de la république ?
Tant de si…
Trop de maux…
Mais une évidence que ce roman qui me laisse émue et remuée au plus profond de mon âme.
Soyons honnête, je ne suis pas sûre qu’il touchera qui ne connait pas ou n’est pas sensible au fait de grandir en tant qu’enfant d’immigrés algériens mais si c’est votre cas alors il ne pourra que vous ravir à n’en pas douter.
La loi "anti-fessée", la narratrice de ce roman aurait certainement voulu qu'elle soit votée beaucoup plus tôt. Elle ne donne pas son nom, on peut soupçonner une large part autobiographique, mais cette femme qui a connu une enfance difficile, s'est forgé un caractère résilient et déterminé, sans ressentir de haine envers les personnes qui l'ont martyrisée, sa mère en particulier.
Ce roman aborde la relation mère-fille au travers d'une transmission particulière, sur fond d'immigration. L'amour maternel se manifeste beaucoup plus violemment que par la tendresse et la douceur.
L'histoire commence d'abord en Algérie, dans les années 50-60 où la narratrice nous raconte les relations entre sa mère, appelée Vendredi, et sa grand-mère. Vendredi est une fille vive, effrontée, elle ne tient pas en place. Adulée par son père, elle assiste impuissante à sa mort d'une manière barbare par des soldats. C'est une enfant à ce moment-là, et sa mère, déjà démonstrative de son amour à coups de poings et de pieds, va renforcer sa violence envers ses filles, qu'elle considère comme des fardeaux, Vendredi étant la plus teigne de toutes. L'histoire continue en France dans les années 70 à 90, à Clermont-Ferrand, impasse Verlaine, où Vendredi, mariée à l'adolescence contre son gré, y élève ses enfants et perpétue la tradition maternelle dans la démonstration d'affection envers sa fille ainée, la narratrice. Cette dernière se fait alors une promesse, celle de quitter l'impasse Verlaine.
L'écriture est percutante, incisive, empreinte d'humour aussi, l'humour caustique de la narratrice à la fois endurante et résignée. J'ai aimé découvrir le portrait de cette femme forte, qui ne s'est pas laissée abattre à l'adolescence, au contraire. C'est tout à son honneur de ne pas déverser de propos haineux à l'encontre de sa mère dans ce roman. Pour elle, ces coups étaient une marque d'amour de la part de sa mère, qui n'a pas su démontrer sa tendresse autrement dans une culture où l'affection ne se manifeste pas par des effusions.
Enfin, je terminerais en rajoutant qu'entre la maltraitance et l'interdiction de la fessée, il y a ce qu'on appelle l'équilibre, la juste mesure.
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Bonjour, il semblerait que vous ayez été également percutée par la même phrase terrible du roman "On peut survivre à tout quand on survit à sa mère".