"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
À seize ans, Sam est un junkie, un accro, un drogué d'Internet et des jeux vidéo. Pour le sevrer de l'écran et sauver son âme, ses parents ont décidé de l'envoyer à Nice, en pension chez Martha, sa grand-mère, qui coule une retraite paisible, sans ordinateur ni télévision ni portable. Arrivé là-bas, Sam n'a rien d'autre à faire que de lire, réviser son bac de français et jouer du piano tout en se faisant dorloter par sa grand-mère. Comme cure de désintoxication, on a connu pire, et Sam admet qu'il n'est pas vraiment malheureux. Juste terriblement en manque des moyens de communication que des milliers d'années de progrès technique ont mis à la disposition de l'homme moderne. Mais ça, comment le faire comprendre à Martha.
Un jour, quelque peu exaspérée par la sempiternelle demande « j’veux un livre avec pas beaucoup de pages » des collégiens qui défilaient au CDI, têtes basses, semblant porter tout le poids du monde sur leurs épaules, poussés par une professeure de français les obligeant à lire un roman chaque semestre, la documentaliste, aidée de quelques élèves, a complétement remanié le CDI … Les ouvrages n’étaient ainsi plus classés par ordre alphabétique du nom de l’auteur, mais par taille. Il y avait les « 1-50 pages », les « 50-100 pages » et ainsi de suite … Je ne vous raconte pas le temps que cela nous a pris pour tout mettre en place, et pire encore, pour tout remettre en ordre une fois la semaine passée ! Mais nous nous étions bien amusés, et j’en garde un excellent souvenir … Il n’empêche que cette « opération choc » me laisse aujourd’hui un drôle d’arrière-gout : c’est assez désolant de se dire que la plupart des jeunes ne choisissent pas un livre selon son résumé mais selon son nombre de pages ! Du coup, ils tombent sur des livres qui ne leur correspondent pas, et sont confortés dans l’idée que la lecture, c’est nul, alors que s’ils avaient pris la peine de chercher un livre qui pouvait leur parler, ils l’auraient très probablement apprécié …
Les livres, Sam n’aime pas du tout cela. Malheureusement, cette année, il ne pourra pas y échapper : ses parents ont décidé de l’envoyer en pension chez sa grand-mère, ancienne institutrice, pendant toute son année de première afin de préparer son épreuve de français et son concours de piano, et cela sans son téléphone portable, son ordinateur, ni même la télévision ! Certes, mieux vaut se faire dorloter par sa mamie, excellente cuisinière, plutôt que d’être envoyé dans une vraie cure de désintoxication numérique, mais tout de même : une année entière sans moyen de communiquer avec le monde, sans moyen de communiquer avec sa chère Mona, quelle perspective terrifiante ! Alors, Sam tente de transformer sa geôlière involontaire (il sait bien que ce n’est pas la faute de sa grand-mère, qui n’a pas eu son mot à dire et qui se retrouve du jour au lendemain avec un adolescent empiétant sur sa routine) en alliée : jour après jour, il tente de la convaincre d’acheter un ordinateur. Il est loin de se douter que derrière son refus catégorique, Martha n’est pas loin de se laisser tenter par cette machine aux milles et unes possibilités …
Ayant moi-même un adolescent complétement drogué à l’informatique à la maison, je peux vous dire que j’étais plutôt intriguée par la thématique de ce roman, et fort curieuse de voir comment l’autrice allait mettre cette addiction en scène … Et pour tout avouer, même si j’ai globalement apprécié le récit, je reste un peu sur ma faim, et donc quelque peu déçue. La faute, probablement, à la brièveté de ce roman : afin de tenter de toucher son public – les jeunes du même âge de Sam, dans la même situation de dépendance vis-à-vis des smartphones et autres écrans –, l’autrice a veillé à ce que son roman reste assez court pour ne pas décourager ces pauvres êtres incapables de lire plus de 5 pages d’affilée sans défaillir d’ennui … C’est fort honorable, et tout à fait compréhensible, mais le revers de la médaille, c’est que le récit manque un peu de profondeur. Il y a ce petit arrière-gout d’inachevé, car l’autrice n’a pas pu aller au fond des choses pour coller à cet infernal cahier des charges du « petit roman » : l’histoire est survolée plus qu’autre chose, tout va très vite, tout va trop vite. Et c’est vraiment dommage, car le potentiel était bel et bien là !
En effet, j’ai été très touchée par la relation entre Martha, cette grand-mère qui se retrouve du jour au lendemain avec un grand dadais au beau milieu de son salon, et Sam, cet adolescent qui a le sentiment que ses parents se sont débarrassés de lui comme on jetterait une vieille chaussette trop difficile à rafistoler … Il y a beaucoup de tendresse entre eux, une tendresse discrète et maladroite, mais une tendresse indéniable. Car Sam n’en veut pas à sa grand-mère, il a bien compris que ses parents ne lui ont pas véritablement laissé le choix, il a bien compris également qu’elle ne veut que son bien lorsqu’elle le bassine avec ses maudits poèmes de Baudelaire ou de Rimbaud auquel il ne comprend rien ! Et puis, contrairement à ses parents qui le poussent à bosser son piano sans véritablement s’y intéresser, elle, elle l’aime l’entendre jouer, et il aime jouer pour elle. Et Martha, elle, n’en veut pas à son petit-fils : c’est un gentil garçon, serviable et plein de bonne volonté, il a juste besoin d’être guidé un peu dans la vie pour réussir à avancer … et il a sans aucune doute aussi besoin de ses bons petits plats ! J’ai énormément apprécié cette facette du récit, c’est tout doux, ça fait beaucoup de bien au moral !
Je suis bien plus mitigée sur la fameuse thématique de l’addiction numérique, et de l’inévitable « basculement » de Martha que promet déjà le résumé. Je trouve que cette vieille dame se laisse trop facilement convaincre, tenter, qu’elle se laisse également bien trop vite entrainer, happer. Alors certes, je comprends le pourquoi du comment : il fallait que Martha devienne rapidement accro pour que Sam puisse rapidement s’inquiéter – pourquoi diable Mamie est-elle toujours ailleurs, oubliant même de préparer le repas ? est-elle malade ?! – afin qu’il puisse ensuite mettre en cause ces « machines infernales » dont il était lui-même complétement droguer auparavant. Mais justement : la ficelle est trop grosse, et donc le poisson ne se laisse pas attraper. C’est tellement flagrant que c’est l’effet voulu que ça ne marche plus. De même, le rebondissement final – où Martha se rend finalement compte que pour renouer avec ses anciens camarades de classe, rien ne vaut de vraies retrouvailles dues au hasard de la vie que des réseaux sociaux sans âme – a beau être sympathique, il est tellement « moralisateur » qu’il ne fait plus vraiment « naturel ». Et c’est vraiment ce que je reproche au roman : le message prend le pas sur l’histoire, alors que celle-ci avait beaucoup de potentiel !
En bref, vous l’aurez bien compris, ce ne fut ni un coup de cœur ni une déception : juste une lecture sympathique qui fait passer un agréable moment de lecture. Martha et Sam sont deux personnages assez attachants même si on n’a pas réellement le temps de bien les connaitre et donc de les apprécier pleinement. Quant à l’histoire, elle est tour à tour drôle et émouvante, mais manque un peu de profondeur pour être véritablement marquante : on la lit, on l’apprécie, puis on passe à autre chose. A vouloir faire court pour ne pas décourager son public cible, l’autrice a fait trop bref, et le lectorat dans son ensemble n’y trouve pas son compte, reste sur sa faim alors qu’il y avait vraiment de quoi offrir quelque chose de vraiment exceptionnel en creusant un peu plus ! Il n’empêche que c’est un roman pétillant et rafraichissant qui donne le sourire : quel régal que de lire les dialogues entre cette grand-mère et son petit-fils, c’est à la fois hilarant et attendrissant ! Je ne le déconseille pas, au contraire, car c’est un livre qui donne le sourire, mais je conseille vivement de ne pas s’attendre à beaucoup de crédibilité et de profondeur pour ne pas être déçu !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2021/01/immie-susie-morgenstern.html
Une grand-mère comme Martha, on en a tous rêvé !
" iM@mie " est l'un des nombreux romans pour la jeunesse de Susie Morgenstern, publié en 2015 aux Editions l'Ecole des loisirs.
Sam, seize ans, vit à Paris avec ses parents et son petit frère Zack. Ses parents sont totalement submergés par leurs activités professionnelles et manquent de temps pour "cadrer" leur adolescent. Accro aux jeux vidéos, ses parents n'ont donc plus d'autres choix que de l'envoyer - le temps d'une année scolaire - chez sa grand-mère, qui ne possède aucun écran chez elle, à Nice.
p. 11 : " - Maman, est-ce vraiment trop te demander que de sauver ton petit-fils ? Son cerveau est en train de se dissoudre dans l'électronique. Y a-t-il d'autres priorités pour toi ? "
Institutrice retraitée, Martha est bien dans sa petite vie bien tranquille et n'est pas spécialement très enthousiaste à l'idée d'accueillir un ado à la maison !
p. 17 : " Martha sent que sa vie va changer, pas forcément en mieux. "
En plus, elle ne comprend pas pourquoi sa fille et son gendre se déchargent si facilement de leurs rôles de parents...
Mais Martha aime son petit-fils, et se dit que de le couper de son environnement pourrait lui être favorable.
p. 12 : " De tous, celui qui apprécie le plus sa cuisine, c'est son Sam adoré, déjà 1,90 mètre, 16 ans, cheveux brun clair. Quand ils sont longs, un vrai mouton bouclé. Une douceur dans le regard. Un garçon tendre et affectueux. Quand il joue du piano, c'est toute son âme qui lui coule dans les doigts. Un brin philosophe, aussi. Mais quel fainéant ! "
Finalement elle concède à lui faire une place dans son quotidien. Passionnée de littérature, elle espère également lui transmettre ce goût pour la lecture.
p. 43 : " Laisse le poète te conduire. Il te sert un cocktail, bois-le à petites gorgées, savoure-le. Laisse-toi emporter, griser. Tu verras, tu vas te mettre à ressentir ses émotions. "
Mais avant cela, ils doivent faire l'acquisition d'un piano ! Eh oui, Sam, en plus d'être lycéen est un pianiste surdoué. Bon, le plus difficile ne sera pas d'en trouver un, mais de lui faire de la place dans le salon de Martha...
Ferme mais bienveillante, pour le bien de son petit-fils, elle alterne entre révisions pour le bac de français et préparation de bons petits plats.
p. 75 : " - Quand même, mamie ! Ne pas boire et être privé de toute communication avec le monde extérieur, qu'est-ce qui me reste ?
-L'oxygène. Tu as le droit de respirer et de lire. Il t'es permis de vivre. "
Malgré quelques petits accrochages, Sam est heureux chez sa grand-mère. Elle est si attentionnée envers lui ! Elle l'accompagne même chez un vendeur informatique pour lui expliquer sa passion pour cette technologie. Très curieuse, Martha y retournera seule...
Ce roman est une véritable bouffée de bonheur ! Susie Morgenstern exploite ces liens intergénérationnels avec douceur, poésie et amour, et permet ainsi, à la lecture de ce livre bien qu'un tantinet utopiste, de dédramatiser certaines situations. D'une écriture très fluide, ce roman est à mettre absolument entre toutes les mains : ados, parents, grands-parents...
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