"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'argument premier de ce récit relève du fantastique. Les dix épisodes qui le constituent se jouent de toute linéarité ou chronologie. Ils convoquent des dizaines de personnages - on y découvre, entre autres, un membre d'une secte apocalyptique auteur d'un attentat au gaz sarin dans le métro à Tokyo, deux amoureux fans de jazz au Japon, une femme qui parle à un arbre au sommet d'une montagne sacrée en Chine, ou encore l'esprit d'un gangster Mongol qui voyage de corps en corps - , et explorent le système complexe de la causalité au sein d'un groupe d'individus de tous bords, éparpillés aux quatre coins du monde. Ainsi chaque histoire a-t-elle des implications sans lesquelles les autres ne sauraient exister.
La force de ce texte tient à son absence volontaire d'homogénéisation ; tour à tour histoire d'amour, thriller post-guerre froide, ou roman d'anticipation, il trouve son unité dans sa thématique même : une réflexion sur le hasard et les moyens de le contrer. Au fil de la lecture, on est alors invité à traquer les réapparitions d'éléments qui semblaient au premier abord insignifiants, à guetter « l'éternel retour » des personnages et des objets susceptibles d'infléchir le cours de la narration.
David Mitchell avec brio mène cette polyphonie où viennent se mêler voix humaines ou d'outre-tombe, voix perdues dans l'éther du cyber ou investissant des machines. Le lecteur apprendra vite à tendre l'oreille pour déceler la clef de cette oeuvre singulière qui s'inscrit dans la lignée de Jorge Luis Borges ou Yukio Mishima.
Encore un inclassable... Plusieurs genres en un seul, se présentant sous la forme de dix récits de longueur inégale, intitulés d'un nom de lieu, en particulier d'Asie. Dans chaque récit un personnage-narrateur différent qui partage avec nous sa vision du monde, d'où il est: un terroriste terroriste à Okinawa, un vendeur de disques à Tokyo, un trader à Hong Kong,... D'un récit à l'autre, un lien aussi ténu qu'un appel téléphonique ou un contact visuel les réunit, réjouissant la lectrice (ou le lecteur) perspicace qui le repère. En Mongolie, on découvre l'existence d'un fantôme-narrateur et pourtant le roman ne devient pas fantastique pour autant. Bien au contraire, il acquiert ses lettres de vraisemblance et accrédite tout ce qui précède. Certains critiques classent ce livre dans la science-fiction, pourquoi pas? Mais les éditions de L'olivier ne publient pas ce genre de littérature d'habitude. On pourrait aussi évoquer les nombreux contes (dont plusieurs versions de "Ils sont trois à se soucier du sort du monde") qui traversent ce drôle de livre. Mais mieux vaut-il dépasser la question du genre pour savourer ce roman-monde dont le principe est un peu semblable à celui de Mauvignier dans "Autour du monde" et pour lequel j'avais inventé le genre de "romonde".
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