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« - Ce n'est pas une jungle, ce camp, dis-je à Omid quand il rentra, à la nuit tombée, le manteau mouillé. - C'est quoi, madame, une jungle ? - Une forêt dense, avec des lianes et des fourrés, des oiseaux et des animaux. - Une jungle, c'est un endroit seulement pour les animaux. Et le camp, c'est une jungle, madame. Je vous le dis. - Va te sécher. Je vais faire du thé. » Calais est une ville frontière. Entre la France et l'Angleterre. Entre eux et nous. Les nouvelles de ce recueil donnent la voix aux espoirs comme aux craintes qui s'élèvent de part et d'autre des barbelés. C'est l'histoire de Sébastien, Calaisien converti à l'islam, qui a décidé de vivre au milieu des réfugiés. De Dlo et Jan qui se cachent dans un camion frigorifique à destination de Douvres, au milieu d'une cargaison d'oranges. De Ghostman, qui joue les passeurs vers l'Angleterre... Avec humour, intelligence et beaucoup d'humanité, Brèches aborde des questions d'aujourd'hui qui ne peuvent plus être ignorées
Olumide Popoola est une autrice germano-nigériane. Annie Holmes est autrice, réalisatrice et productrice. Elles vivent toutes les deux à Londres et, dans le cadre d'une résidence, elles ont écrit sur la "jungle de Calais", ce recueil de nouvelles qui ont toutes comme point d'arrivée ou de départ ce lieu.
Comme d'habitude, chez Belleville, un soin particulier est apporté à la couverture qui est une photo gracieusement offerte par Bruno Serralongue.
Le ton de l'ouvrage n'est pas pessimiste contrairement à ce que nous pourrions redouter. Les deux autrices dressent des portraits de jeunes gens -souvent- qui ont tellement vu et vécu de tragédies pour en arriver là, qu'ils sont prêts à tout pour s'en sortir et vivre enfin. Elles ne font pas l'impasse sur les difficultés avec les habitants de la ville, ni sur celles qui existent dans le camp. Ces histoires ont pour énorme avantage de nous présenter des personnages, des individus réalistes parce que sûrement copiés sur des garçons et des filles que les deux autrices ont rencontrés ce qui nous change des chiffres et statistiques. N'en déplaise à certains, ils ne sont pas des tueurs, des violeurs ou des délinquants, mais des jeunes gens qui ont fui leurs pays et ont voyagé dans des conditions effroyables, mais ces "certains" ne liront pas cet ouvrage qui risque trop d'humaniser ceux qu'ils préfèrent nommer du terme générique de migrants.
"J'aimerais que tu sois là, dit-elle à son père intérieur. Franchement, si tu voyais le comportement de ces gens, tout le respect qu'ils ont les uns envers les autres, tu cesserais de parler comme tu le fais tout le temps." (p.69)
Difficile de faire ressortir une nouvelle ou un personnage du lot, parce qu'ils sont tous forts, mais j'avoue une petite préférence pour :
- Enquête : une calaisienne vieillissante accueille chez elle un frère et une sœur avec beaucoup de méfiance, puis le temps fait son œuvre
- A bientôt : un vieux britannique très ordonné et à cheval sur les principes de la loi donne des cours d'anglais gratuits à un jeune homme tout juste débarqué
Un recueil à lire et faire lire pour un regard différent sur tous ces gens obligés de fuir leurs pays. Important dans cette période d'élections où le parti et les idées extrêmes n'ont jamais eu autant d'exposition médiatique ni jamais autant rencontré d'approbation de la population. Beurk !
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