"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sur le pont du transatlantique qui doit le ramener de Calcutta en Europe, le narrateur est brusquement arraché à sa rêverie par la présence quasi fantomatique d'un autre passager, qui se décide, lors d'une seconde rencontre, à lui confier le secret qui le torture... « Amok [...] est l'enfer de la passion au fond duquel se tord, brûlé, mais éclairé par les flammes de l'abîme, l'être essentiel, la vie cachée.» Romain Rolland Préface de Romain Rolland. Traduction d'Alzir Hella et Olivier Bournac. Révision de la traduction et postface de Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent.
A Calcutta, sur le pont de l’Océania, navire en partance pour le continent européen, le narrateur rencontre un homme « dans un état psychique terrible » qui décide de lui confier le lourd secret qui encombre sa vie.
Il est médecin, de nationalité allemande, expatrié en Malaisie, isolé. Confronté à la demande d’une patiente , une femme blanche issue de la haute société coloniale, le visage dissimulé derrière un voile d’automobiliste, hautaine, froide, refusant de se laisser examiner, il a refusé d’accomplir l’acte demandé quand bien même il serait largement rémunéré, se laissant porter par l’expression de son propre désir.
Une histoire passionnelle à laquelle sont liés, remords, honte, culpabilité, décuplés par l’état de folie dont cet homme est atteint.
Si ce n’est pas tant l’histoire en elle-même qui marque, le « scenario » empreint d’une profonde mélancolie qui, sans donner envie de refermer le livre, conditionne littéralement le lecteur pour apprécier pleinement le sens des lots, leur justesse, la psychologie des personnages, tout ceci dans un style impeccablement travaillé, offrant un moment de lecture inoubliable.
Après "vingt-quatre heures de la vie d'une femme", on retrouve dans "Amok" des similitudes de construction du récit, l'emploi du double narrateur, mais on ne se lasse jamais.
La définition de Amok : Brusque accès de folie sanguinaire, observée chez les Malais.
Dans un lieu clos le paquebot Océania, le narrateur, qui a pu avoir une cabine à la dernière minute, va recevoir les confidences d'un autre voyageur.
Dans une atmosphère propice aux confidences, puisque les deux hommes ne se connaissent pas, qu'ils se rencontrent à la faveur de la nuit, noire et étrange au milieu de l'océan, donc nulle part, va se dérouler une histoire pour le moins déconcertante, angoissante.
Le confident est un médecin colonial en fuite, qui déclare "au contraire, je suis heureux, pour une fois, de n'être pas seul. Je n'ai pas prononcé une parole depuis dix jours. A vrai dire, depuis des années...et c'est une chose si douloureuse de garder tout en soi, précisément peut-être parce que cela étouffe..."
Stefan Zweig brosse une succession de tableaux noirs, très noirs qui découpent cette confession en feuilleton.
Cela intensifie le récit, cet homme crève littéralement de remord et sa fuite ne le protège pas au contraire.
Sept années passées en Malaisie, comme médecin et être affecté de cette langueur qui atteint tout occidental perdu dans ces contrées, qui étouffe de solitude et du manque de civilisation. Chacun se noie à sa façon, dans la drogue, la débauche ou plus simplement dans l'alcool.
Et un jour une femme occidentale, vient à lui et il devient Amok.
Une femme, hautaine, désagréable, qui a besoin d'aide mais qui ne demande pas, elle exige, elle joue d'elle-même et de son pouvoir pour faire plier ceux qui sont sur sa route, car elle connaît l'âme humaine, et elle joue le rôle du chêne face au roseau.
D'abord il refuse et à l'instant où elle tourne les talons, il est pris d'une folie réparatrice, il n'a de cesse de la rattraper...
Mais lorsqu'il y parvient il est trop tard. Il doit garder le secret...
Secret, remord , démon tissent le fil ténu de l'histoire.
La dernière ligne est un point d'orgue magistral, qui montre tout le talent stylistique de l'écriture de Zweig. Il use de la ponctuation comme autant de bémol et de dièse dans la maîtrise d'une langue brillante, qui donne une ampleur à la narration et qui rend le lecteur funambule.
Un bonheur de retrouver cet écrivain, il me tarde de voir le jeu d'Alexis Moncorgé...
Voici une nouvelle qui monte en intensité comme une contagion et qui nous emmène dans les abîmes d'une passion destructrice.
L'environnement de ce médecin déprimé qui vit tel un ermite, apparaît comme moite, chaud, poisseux et sombre. La vie n'a plus d'intérêt pour lui dans un pays qu'il n'aime pas.
Ses seuls compensations sont l'alcool et les femmes "jaunes" qu'il méprise. Voilà qu'un jour se présente en consultation une européenne froide, distante et désagréable. S'engage alors entre eux un rapport de force plus que singulier.
Je pourrais avec beaucoup de plaisir disserter sur ce qui m'a semblé provoquer la folie de cet homme tant j'ai adhéré à l'écriture de Stefan Zweig. Cependant, ce n'est pas l'objectif premier de cette critique... Je ne vais donc pas en dévoiler d'avantage, car cette nouvelle bien qu'intense est assez courte. N'hésitez pas à la découvrir, c'est encore une fois du très bon Zweig !
Un recueil de 3 nouvelles sur un même thème, l'amour absolu et destructeur. Portraits poignants d'hommes et de femmes dont les vies seront détruites par le coup de foudre ou conditionnées par des amours impossibles ou non partagés.
extraordinaire récit. Puissant (surtout si on le lit chez soi, la nuit à haute voix) Je le conseille fortement
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Une des oeuvres majeures de Zweig, probablement celle qui l'a fait connaitre au public (1922) et reconnaitre comme étant un immense écrivain. Un must!