"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Tout ce qui comptait, c'était ce petit garçon."
Henry et son fils Junior dorment dans leur pick-up et se lavent dans les toilettes dans McDonald's.
Avant, ce jeune père avait pourtant un toit au-dessus de sa tête, un boulot, une vie de famille et l'espoir des jours heureux. Mais l'Amérique ne pardonne pas.
Henry a tout perdu et se bat pour son enfant.
Demain, il a un entretien d'embauche.
Il peut s'en sortir. Il doit s'en sortir.
Abondance est le roman de la nouvelle Amérique sauvage, celle des laissés-pour-compte et de l'essence trop chère, où la vie ne tient qu'à quelques dollars. Par sa prose et la finesse de son regard, Jakob Guanzon nous offre l'inoubliable et pudique chant d'amour d'un père prêt à tout pour son fils.
Un premier roman social, une plongée dans l’Amérique des laissés pour compte, une épopée avec un regard tout aussi terrifiant. Un sombre tableau avec une belle tendresse paternel. Un récit poignant, tendre, bouleversant et déchirant. L'auteur dépeint le combat quotidien de ceux qui vivent avec une poignée de dollars et pour montré cela il débute chaque chapitre par des chiffres. Des flashbacks, la colère, des personnages profonds, un livre puissant émotionnellement.
"Un sursaut dans la poisse des temps difficiles, une bouffée de fumée de noyer au loin dans la toundra. Finira-t-il comme tous ces inconnus bouffis de leurs privilèges : le regard vide dans les embouteillages, ronchonnant dans la queue au supermarché, avachis sur leur caddie ? Se fondra-t-il dans ce troupeau blasé ?"
"Comme dans la lunette d'un sniper, il se regarda pleurnicher à l'arrêt de bus. Elle l'avait oublié, l'avait planté, l’avait laissé attendre en ce jour dont il avait cru au sujet duquel il n'avait pas douté une milliseconde qu'il serait prodigieux pour tous les deux. Bien sûr, il s'était montré un peu insistant avec elle, mais au nom de la passion. Un peu dur avec Junior, au nom de l'éducation. Il était désolé. Il essayait. Mais que pouvaient-ils espérer de plus ? Il était une hyène en cage, tout juste libérée, affamée, la bave aux lèvres, que l'on venait de tranquilliser et qui avait succombé, et avec le sourire. Son museau s'allongea, aspirant de l'air pour un hurlement ou un rire, mais à la place, il bâilla. Sa langue passa sur ses lèvres et sur ses dents, toucha une canine et décoinça un morceau de saucisse. Il l’avala."
Un roman bouleversant sur la précarité d’un père et son fils. L’histoire se déroule aujourd’hui aux États-Unis, elle raconte leur quotidien difficile mais aussi la société de consommation dans laquelle nous évoluons.
A sa sortie de prison où il a purgé sa peine, Henry se retrouve seul à l’âge de 26 ans pour élever son fils de 8 ans Junior (la mère étant partie). Précarité, difficultés du quotidien pour manger, la vie dans la voiture, les mauvais choix, le manque de chance aussi, Henry lutte chaque jour.
Car leur quotidien c’est : compter en permanence, se laver dans les toilettes du MacDo, les nuits dans la voiture….. mais Henry a un entretien d’embauche, peut-être un signe d’espoir ?
Sans patho, l’auteur nous dresse un portrait de la précarité avec une telle justesse, un ton juste et à la fois rempli de tendresse et d’espoir. C’est glaçant et puissant !
Un très bon roman ! À lire !!!!!!
Sept mois qu'Henri et son fils dorment dans un pick-up.
Aujourd'hui Junior a 8 ans. Ni ballon, ni banderole, ni bougie, ni gâteau ou bande de copains pour l'occasion. Avec seulement 89,43$ en poche, c'est compliqué pour Henri. Mais il a tout calculé. Il a juste assez pour offrir à son fils un McDo et une nuit dans un motel où ils auront une salle de bain et pourront dormir dans un vrai lit, ce qui lui permettra aussi d'être présentable pour son entretien d'embauche du lendemain, cet entretien qui laisse entrevoir le bout du tunnel.
Chaque chapitre, intitulé par une somme en dollars (celle qu'Henri a en poche au moment du récit), nous retrace la vie de galère d'Henri, alternant présent et passé, nous révélant ainsi progressivement sa vie antérieure et les évènements qui se sont enchaînés pour que, de la maison parentale, il soit passé à un mobil home avec Michelle, sa copine junkie et mère de Junior, pour se retrouver finalement seul avec son fils dans un pick-up à squatter les parkings de supermarchés en essayant de garder un peu de dignité à coup de bouts de savonnettes.
Dès le début, le ton est donné. Jakob Guanzon nous embarque dans la spirale infernale de cette descente vers la pauvreté consécutive au chagrin, à l'alcool, la drogue, la malchance, aux mauvais choix, …
Malgré ses erreurs passées, c'est poussé par l'amour qu'il porte à son fils qu'Henri entame son chemin vers la rédemption et traverse les épreuves, parfois de façon maladroite mais toujours dans le seul et unique but de leur offrir un bel avenir et un foyer.
Mais la rédemption est-elle possible dans cette Amérique pour ceux qui n'ont pas un sous en poche? Dans ce pays où l'abondance de produits dont regorgent les supermarchés est à portée de vue mais pas à portée de main? Où le moindre cent ou dollar dépensé pour un infime plaisir engendre des conséquences désastreuses?
Impossible de s'empêcher de tourner les pages de cette histoire déchirante et dévastatrice avec la boule au ventre et l'espoir qu'Henri et son fils entrevoient des jours meilleurs.
Un premier roman d'une extrême puissance émotionnelle au style remarquable dont je suis ressortie complètement bouleversée et qui me poursuivra longtemps.
"Viscéral et déchirant" : c'est l'une des critiques inscrites sur le rabat de ce roman, émise par Publishers Weekly, qui synthétise parfaitement mon ressenti sur le premier roman de l'auteur américain Jakob Guanzon, l'un des titres de cette rentrée d'hiver de La Croisée. Il prend aux tripes, et ce, dès le début, j'ai vite compris que je n'oublierai pas cette lecture de sitôt. J'ai lutté contre moi-même plusieurs fois pour ne pas sauter des chapitres et aller directement lire la toute fin pour me rassurer sur l'avenir des personnages. J'ai vaillamment résisté à la tentation et éviter de me gâcher le plaisir de la découverte.
Il faut dire que ce que l'on peut prendre pour incipit ou préface donne le ton : les titres des chapitres à venir y figurent sous forme de liste. Pas n'importe quels titres, mais une liste de chiffres, ou plus exactement de sommes en dollars, semblable à la colonne, actif ou passif, d'un bilan comptable. Ou ce qu'il appelle lui-même, dans ses remerciements en fin de livre, des chapitres-bugets. Au vu des chiffres, autant vous dire que s'il est question d'abondance, ça ne concernera pas le niveau de vie des protagonistes. D'un côté de l'histoire, en effet, Henry est fils d'un immigré philippin, qui a du laissé ses rêves de professeur au placard au profit de petits boulots mal payés. La vie est rude pour la famille et le père s'endurcit encore davantage avec la maladie de sa femme. Henry part à la dérive, s'accroche à l'argent et aux plaisirs faciles. De l'autre, il y a la vie actuelle d'Henry, accompagné de son fils, obligé de compter chaque cent qu'il a en poche, chaque centilitre d'essence que sa voiture brûle, qu'il a en poche pour pouvoir entretenir son fils, le nourrir, l'accompagner à l'école. Une première partie des chapitres va mettre la lumière sur la raison pour laquelle Henry et son fils sont dans une telle situation de dénouement.
La vie d'Henry est un mélange de mauvaises circonstances et de mauvais choix. Vivre chichement dans une société qui nous propose tout et son infinie déclinaison, il est difficile de rester insensible, et le mal-être d'une vie au milieu de parents qui ont dû renoncer à leur rêve les uns après les autres pour élever leur fils dans de bonnes conditions n'arrange pas les choses. Abondance il y a bien dans ce roman, d'abord de cette société qui vous propose de consommer tout et n'importe quoi, à n'importe quelle heure, sans aucune restriction. Toute forme de drogue inclus, sous forme solide, poudreuse, solide, liquide, à piquer, sniffer, avaler, fumer. Jakob Guanzon entraîne son personnage, et sa compagne, dans les bas-fonds de la solitude et du désespoir, de la souffrance, de la recherche ultime de quelques grammes de plaisirs. L'histoire d'une chute qui n'en finit plus, dont l'ultime fond se nomme la prison, au fond d'un ravin dont il est bien dur de ressortir après. La plume de l'auteur transperce cette mince couche d'aveuglement naïf pour aller gratter toute la croûte de la misère et de l'indigence qui amène cet homme à tirer toutes les ficelles possibles pour gagner un sou pour nourrir son fils, le soigner et lui permettre d'être présentable à son entretien d'embauche. Pas de subterfuge pour rester dans un aveuglement naïf, dans une ignorance satisfaisante, l'auteur secoue son personnage dans tous les sens, pas la moindre voie de secours opportune, son héros se débat pour revenir dans la bonne voix est un chemin de croix sans fin.
Ce roman nous colle à la peau à travers ses phrases et les descriptions de ces moments, effectivement, jusqu'à sentir la sueur acide pleine de désespoir de Henry, les cheveux gras de son fils qui n'a pas connu la mousse d'un shampoing depuis un certain nombre de jours. Jusqu’à la rage et la colère désespérées dans lesquelles il dépense ses dernières forces. Sans parler des moments moites d'extases frelatées et synthétisées des psychotropes dont il se bourrait régulièrement jusqu'à en attendre l'étourdissante autodestruction. Le malaise est prégnant d'un bout à l'autre du livre, et quand ce n'est pas Henry qui le transmet, c'est la mère de son enfant, qui n'est pas loin de se dissoudre dans les effluves de sa toxicomanie. Contrairement à ce que chante l'Autre, la misère n'est pas plus belle au soleil, le manque d’hygiène causé par l'impossibilité à avoir un accès à une eau potable n'est pas beau à voir. Le chapitre liminaire expose la visite au MacDonald's pour fêter l'anniversaire du fils, et résonne avec l'ultime scène du roman, marque avec force l'impuissance combinée à la frustration du père à offrir une stabilité et une normalité à la vie de son fils. Une stabilité qu'il va chercher à la force d'une volonté forcenée que lui attribue sa responsabilité de père.
Si l'auteur mène son personnage au bout de ses possibilités, dans un brin de folie, de violence et de désespoir, on referme le livre avec une fin, tout comme le roman dans sa globalité, qui ne fera que davantage titiller le lecteur. (...)
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