Un roman empreint d’un souffle poétique
Alors que la Seconde Guerre mondiale vient de s'achever, femmes et enfants allemands sont exposés à l'avancée de l'armée soviétique victorieuse en Prusse-Orientale. Dépossédés de leurs biens, craignant pour leur vie, ils endurent la faim et le froid, tandis qu'autour d'eux tout n'est plus que désolation. Leur unique espoir est de gagner la Lituanie voisine pour trouver à se nourrir : malgré la menace omniprésente des soldats russes, certains enfants décident d'entamer le périlleux voyage. La forêt sombre et inquiétante devient alors l'un des seuls refuges de ceux que l'Histoire appellera les « enfants-loups ».
Dans ce roman bouleversant, Alvydas lepikas fait revivre plusieurs de ces destinées en s'inspirant du témoignage de deux survivantes. À ce terrible hiver, dont on sent presque la morsure du froid, il prête une poésie et une beauté aussi inattendues que fascinantes, qui confèrent à ce livre une force irrésistible.
Un roman empreint d’un souffle poétique
Une belle surprise que ce roman pioché dans ma liseuse pour contribuer au bonus du mois, ET à la validation d'un nouveau pays, dans le cadre du challenge Globe Trotter :)
Belle surprise, d'autant plus que l'action de ce roman se déroule dans les premiers jours qui suivent la défaite de l'Allemagne dans la seconde guerre mondiale, thème éculé s'il en est.
Dans un petit village de Prusse Orientale où ne restent que des vieillards, femmes et enfants allemands, l'armée d'occupation russe prend sa revanche. Expulsant les familles de leurs maisons pour y installer officiers et soldats, soldats avinés chassant les filles à peine nubiles, faim et froid accablent les survivants.
La seule ressource, la fuite à la recherche de nourriture, dans la Lituanie voisine, juste au-delà du fleuve Niemen.
On suit ainsi plusieurs enfants, bravant le froid, la rudesse du transport en wagon de marchandises, cachés au creux de cargaison de charbon, mendiant sur les marchés ou recueillis par des familles attentionnées, voire devenus sauvages, des enfants-loups survivant de baies et d'écorces dans les forêts !
Un roman émouvant, des enfants plein de ressources, devenus adultes bien trop jeunes.
Un roman écrit après avoir recueilli les témoignages de ces anciens enfants-loups, ou du moins de ceux qui ont accepté de se confier.
Un très court roman, qui restera longtemps dans ma mémoire.
Qui aurait-dit qu'un roman à la couverture si colorée aurait révélé un contenu d'une noirceur si terrible ? L'auteur lituanien, Alvydas Šlepikas, a choisi de mettre en lumière ces enfants-loups, ces enfants allemands laissés pour compte partis en Lituanie quémander un bout de pain, quelques jours de travail, l'espoir peut-être d'une vie nouvelle, et meilleure. Alvydas Šlepikas explique son projet dans la postface, précisant qu'il s'appuie sur le témoignage d'une vieille femme qui fut jadis l'un de ses enfants, l'un des rares qui aient survécu. Mais le traumatisme est toujours aussi vivace et après avoir témoigné la dame s'est enfermée dans un silence définitif. L'auteur signe ici son premier roman, il ne s'était à ce jour consacré qu'au théâtre, à la poésie et au cinéma. C'est une première réussie, incarnée par un récit absolument terrifiant de la première à la dernière phrase, ça a été un coup de coeur pour moi. Et également pour nombre de ses lecteurs lituaniens, car il est le livre le plus lu l'année de sa parution en 2012 et été réimprimé à six reprises. À l'étranger, il est l'un des livres issus de ce pays balte qui se vend le mieux (source : literature.britishcouncil.org). Quelle découverte !
Quelque part avant la rivière du Niémen, on se met à suivre le terrible destin de ces Allemands survivants pris en étaux par les troupes soviétiques qui sont venues sauver le pays, et se venger par la même occasion de ce que la Wehrmacht a fait subir aux leurs. Si eux sont peut-être ceux qui ont le moins soufferts, et tout est relatif puisque les maris, les frères, ou les pères, sont envoyés à la guerre, en France ou ailleurs, nous sommes à l'heure où la rupture du pacte germano-soviétique de non-agression se paie. Chèrement, durement, impitoyablement. Les hommes ne sont plus là mais les épouses et les enfants s'acquittent de la dette. Et si tant est que vous soyez bravache, que vous ayez le meilleur d'être une femme sur laquelle un soldat ait envie de s'approprier, l'espérance de vie de chacun est courte.
En m'attaquant à ce roman, j'ai eu l'impression de pénétrer un territoire inconnu, celui de ces Allemands persécutés et de leurs enfants-loups, les Wolfskinder, ceux dont on ignore totalement l'existence, dont le souvenir a tellement été occulté par la censure soviétique que l'on a peine à croire qu'ils ont existé. Ce sont aussi ceux qui ont peu intéressé parce que forcément il y avait d'autres victimes de cette guerre à pleurer. J'y ai lu pour la première fois à des scènes que je n'avais encore jamais eues l'occasion de croiser : quelques familles, un village, mais derrière tout cela, des expulsions sauvages, des mères courage qui se griment en veille femme pour affronter le soldat ennemi, des enfants au ventre tordu par la faim, des pères absents et sans doute d'une absence inéluctable. Tandis que le soldat rode et veille, la menace du viol et de la mort devient de plus en plus réelle.
La Lituanie, dans tout cela, est semblable à un eldorado, là où la misère est moins criante, moins aiguë, moins pressante, là où le lait, le lard et le pain sont disponibles en abondance, croient-ils. de l'autre côté de la frontière, les rares civils expulsés de chez eux se meurent à petit feu, rongé par une faim inassouvie, encore davantage affaiblis par les coups de l'occupant soviétique, ou à grand coup d'explosion. Les mères se sacrifient pour leurs enfants, les enfants quittent le foyer pour chercher, manger, boire, ramener, après tout plus personne n'a rien à perdre. Mais si les Lituaniens semblent s'en sortir un peu mieux que les Allemands, la situation n'est guère fameuse, la Sibérie n'est pas si loin. Suivre l'errance de ces enfants sans patrie et sans famille est un crève-coeur, j'ai choisi de lire ce roman sur plusieurs jours, j'aurais pu le finir plus rapidement. J'y ai vu de jeunes morts-vivants qui traversent fleuves et forêts pour se faire méchamment rejeter et mourir de faim dans l'ultime espoir d'une rencontre qui ne viendra jamais. Des êtres mus par la faim le froid et le manque d'affection, dans le souvenir d'une vie agréable, prêt à se faire adopter par n'importe qui, n'importe quand, n'importe où.
L'auteur nous tient la tète sous l'eau jusqu'à la fin, laquelle laisse le lecteur sur une absence de réponse. À lui donc de se faire sa propre idée, si toutefois une réponse il y a. Cette histoire a beau être une fiction, on sait pertinent qu'elle couvre une réalité bien laide, volontiers cachée jusqu'ici. Les bas-fonds d'une société complètement pulvérisée ou même les enfants n'y ont plus leur place. On croyait avoir atteint les fins fonds de l'horreur avec l'Holocauste, on pensait avoir enfin touché la fin de la guerre avec la capitulation de l'Allemagne, son désarmement et sa dénazification, mais si la Normandie a bien été libérée par les armées américaines et anglaises, ce coin d'Europe à mi-chemin entre l'est et le Nord a été laissé à l'abandon de la haine aveugle et revancharde de l'armée rouge. Des familles allemandes modestes, sans père, prises entre cette accusation coupable d'avoir appartenu au mauvais camps, qui elles, ne peuvent pas fuir en Argentine et qui vont payer pour ce troisième Reich insensé.
Il n'y a rien qui a de sens dans cet après-guerre, ce n'est pas encore le temps de la reconstruction, mais dans ce coin du monde pris dans cette neige collante et épaisse, ou les dépouilles jonchent les rues à côté des grenades et bombes laissées à l'abandon, il y a comme une odeur de prolongation belliqueuse, qui ne se joue pas entre des nations, mais entre les habitants et les occupants. le meilleur comme le pire, la solidarité côtoie l'individualisme, le courage se mêle à la peur et la lâcheté, chacun fait ce qu'il peut. L'oppresseur est russe, désormais, et celui-ci qui s'est voulu sauveur face au nazisme, prend volontiers le visage du tortionnaire sanguinaire, j'ai par exemple été frappée par l'existence de ces exterminateurs russes en Lituanie: le terme s'il est clair, il est encore plus choquant, le processus de déshumanisation entamée par le régime national-socialiste a laissé des restes très laids derrière lui.
Alvydas Šlepikas a réussi là un premier roman parfait, à mon sens. Rien à enlever, rien à ajouter. Je suis d'ailleurs bien étonnée de ne pas en avoir entendu parler, à côté des récits sans fond qui ne tournent qu'autour des personnalités égocentrées et sans intérêt de certaines et certains déjà trop médiatisés, ce titre aurait mérité une vraie place. Je remercie les Éditions J'ai Lu de m'avoir permis de découvrir ce titre passé à travers de ce tsunami de publications sans fin. Si vous en souhaitez en savoir plus sur cette page de l'histoire, et si avez la curiosité de lire ce que sont devenus ces enfants-loups, je ne peux que vous conseiller l'excellent reportage en cinq parties de Sept Info, en complément du roman, évidemment.
Après la débâcle de l’armée du Reich, l’armée Rouge investit la Prusse-Orientale. Elle est sans pitié pour les populations qu’elle chasse vers l’ouest. Le discours qui était tenu aux soldats soviétiques afin de les encourager était alors « Tuez tous les allemands. Et leurs enfants aussi. » (Ordre de l’état-major soviétique 1945-1946).
A la frontière avec la Lituanie à partir d’avril-mai 1945, femmes et enfants allemands souffrent de faim et de froid, ils risquent leur vie à chaque instant. Impossible pour les familles de rester ensemble, souvent les mères ont été réquisitionnées pour travailler, les pères ont disparu. Des milliers d’enfants, souvent orphelins, doivent trouver par eux-mêmes le moyen de survivre, malgré la grande famine qui sévi alors. Ils sont connus sous le nom de Wolfskinder ou enfants-loups. Ils n’ont qu’un espoir, atteindre en prenant le train ou en passant par les forêts la Lituanie tout proche, se proposer dans les fermes, travailler et quémander pour ne pas mourir de faim.
Heinz est un de ces enfants. Il a déjà franchi la forêt, il est de retour avec un peu de nourriture pour sa famille, ses sœurs, sa mère, et l’amie de celle-ci. Mais les soldats sans pitié rodent, il doit repartir. Tout comme ses sœurs qui tenteront à leur tour de survivre en s’enfuyant. Seuls le plus souvent, car impossible d’accueillir plusieurs enfants, ni de leur donner à manger. Les Lituaniens ne sont pas très accueillants, et lorsqu’ils le sont, ils craignent tant de déplaire au régime soviétique et d’être envoyés en Sibérie, que leur aide est parcimonieuse. Alors Heinz, comme Renate à son tour, devra errer de maison en maison. Ils deviennent cette main d’œuvre corvéable à merci qu’ils offrent en échange d’un repas, d’un morceau de pain, d’un abri. Puis il faut reprendre la route et marcher de village en village, seul, loin des siens, sans espoir de les retrouver un jour.
Ce roman qui met en lumière cet épisode bien sombre de l’après-guerre tient presque du mauvais et dramatique conte de fées. De ceux auxquels on ne veut pas croire et qui font frissonner de terreur. Une fois de plus s’il était besoin de la démontrer, les enfants sont affamés, exploités, parfois violés ou assassinés, souffrant de froid, de manque d’éducation, les premières victimes de la guerre et de la folie des hommes.
chronique complète en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/04/20/a-lombre-des-loups-alvydas-slepikas/
Ces enfants allemands devenus lituaniens
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Un court roman à mi-chemin entre un témoignage et une fiction historique. L'auteur lituanien s'est inspiré de ce pan de l'Histoire méconnu par beaucoup. En tout cas, je ne connaissais pas du tout ce "fait-divers".
Tout de suite après la défaite allemande en 1945, une petite partie du pays, appelée la Prusse-orientale (aujourd'hui le territoire de la Pologne et la Russie), se retrouve envahie par les soldats russes. C'est un hiver très rude, la famine est dans tous les foyers. Ces citoyens allemands regroupant essentiellement les femmes et les enfants (leurs hommes partis en soldats) sont bien obligés de survivre. La Lituanie n'est pas loin, il y a juste à traverser le fleuve et puis l'immense forêt. Plusieurs milliers d'enfants encore jeunes fuient et se retrouvent de l'autre côté. La survie avant tout, obligés de travailler dur dans les fermes lituaniennes pour un quignon de pain, une litière de paille dans une grange pour dormir et se réchauffer.
Aujourd'hui, quelques survivants racontent leur périple.
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Dans ce roman, deux familles vivent l'enfer sur terre. On suit d'abord les deux mères dans leur recherche de nourriture. Soumises au bon vouloir des conquérants, elles subissent violence et cruauté. Ensuite leurs enfants à travers la campagne lituanienne, leur lent et douloureux voyage à travers la forêt où les loups ne sont pas les plus féroces.
D'ailleurs, ces enfants sont dénommés "enfant-loup" pour la connotation avec ces animaux sauvages et présumés dangereux.
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Une lecture bouleversante qui montre toute la cruauté des conquérants. Une nature hostile avec un hiver rigoureux. Rajoutez à cela une poésie des mots, aussi funèbre soit-elle. Une narration assez fouillis, sautant d'un personnage à un autre permet de visionner en "grand angle" toute cette noirceur. Un texte sec pour raconter l'innommable.
Voilà un roman dur mais nécessaire encore une fois pour ne rien oublier.Puissant!
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Je me suis procurée un témoignage d'une femme survivante ayant passé une partie de sa vie dans un goulag russe. "Enfant-loup" d' Ingeborg Jacobs
La Prusse-Orientale fut séparée du reste de l’Allemagne par le couloir de Dantzig, qui permettait à la Pologne, d’avoir un accès à la mer Baltique. Composée d’une majorité d’Allemands, cette province - vers les années 1946-1947 - allait devenir le théâtre des exactions de l’armée russe.
« Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise sifflait ; sur le verglas dans des lieux inconnus. ».
Les habitants ont faim, ils ont froid…Que faire pour nourrir sa famille, nourrir ses enfants ; quand le peu qui reste de bétails faméliques, de denrées est dévolu aux membres de l’armée soviétique. Armée qui se réserve le droit de justice expéditive, de chasser les habitants de leurs demeures, de viols, enfin : le droit de vie et de mort ! Une armée dont il ne faut attendre aucune pitié…
Le salut, la traversée du fleuve, le Niémen, vers la terre d’espoir – la Lituanie -, la terre où l’on trouve de quoi se nourrir, non pas d’être rassasié mais remplir son ventre qui crie famine, l’espoir de vivre une journée de plus, rien que cela, non pas vivre mais survivre ! Quitter ces sentiments de détresse, de lassitude, dans ce morne ciel brumeux, cotonneux ; car qui voudrait d’un monde où il n’existerait plus que le vent, le froid, la mort et la faim…
Le récit « A l’ombre des loups », demeure un scénario bien sombre, mais d’une triste réalité ! En effet des milliers d’enfants, les enfants-loups « Wolfkinders », se retrouvent perdus, seuls et surtout livrés à eux-mêmes…Et font leur possible, soit de faire des allers-retours, soit de rester définitivement en Lituanie. Se nourrir et rapporter une maigre pitance à leurs familles restées en Prusse-Orientale.
Période pendant laquelle les gens deviennent des loups. Alvydas Slepikas, nous relate une partie d’histoire douloureuse de cette région, peu ou prou connue. Avec un souffle poétique et une indéniable syntaxe pour nous faire vibrer et ressentir, à notre tour, le souffle de l’horreur et de la misère. Sévices que vont subir des dizaines de milliers d’enfants allemands.
Face au traumatisme de l’histoire, un devoir de mémoire face à l’indicible, devrait inciter l’être humain à éviter l’amnésie, lui qui a tendance à ignorer, toujours…
Les loups auront de tout temps leurs places à l’ombre des forêts !
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