Des idées de lecture pour ce début d'année !
Quand le cadavre d’une jeune fille est retrouvé, la quiétude d’un hameau est chamboulée. La police doit récolter le témoignage de tous les habitants afin de trouver le coupable.
Cette enquête policière n’est pour Mathilde Beaussault qu’un prétexte pour s’introduire dans le monde paysan. A travers les interrogatoires, le lecteur découvre la vie de ces agriculteurs, aux habitudes et aux pensées particulières. En entrant dans leurs chaumières, on assiste à la dure existence que vit cette population. En parallèle de l’affaire, Marguerite, la simple d’esprit nous montre aussi, avec ses yeux d’enfants, les ravages de la précarité, du travail éreintant et la résilience que possèdent ces gens face à leur destin.
L’autrice nous convie également au quotidien de la communauté. Dans ce milieu reculé, se jouent de guerres de propriété, des histoires de jalousie, de vengeance, des secrets du passé. Les interactions reposent beaucoup sur les rumeurs et sur les préjugés, dont les femmes et les filles sont souvent les cibles. Dès lors, le drame survenu devient le détonateur qui fait exploser tous ces mécanismes malsains. Les langues se délient, les secrets refont surface, non sans égratigner chacun d’entre eux. Cette atmosphère sombre, étouffante s’épaissit petit à petit jusqu’au final qui tourne à la tragédie.
Ce court roman, le premier de Mathilde Beaussault, est une belle réussite. Sa plume est de grande qualité et possède un style original, jouant avec une multitude de parenthèses (un peu déstabilisant dans les premières pages) pour préciser les dires. Elle nous plonge sans concession au fin fond de cette campagne profonde et nous offre un roman noir et social qui, grâce à son authenticité, vous ouvrira les yeux sur une autre réalité. Je suis donc ravi d’avoir fait la connaissance de cette nouvelle autrice à fort potentiel. Je serai présent pour le prochain !
https://leslivresdek79.com/2025/01/27/991-mathilde-beaussault-les-saules/
Un bourg de Bretagne, pas un du bord de mer mais un de la Bretagne profonde; Marie, 17 ans, a été retrouvée étranglée; c'est la fille unique du pharmacien. Marguerite, 10 ans, mutique, que la plupart considère déficiente, a vu quelque chose mais ses parents, fermiers, ne veulent pas entendre parler de ce qui ne les regardent pas.
L'enquête autour de la mort de l'adolescente n'est que le prétexte de ce roman social noir, bâti sur l'opposition entre deux mondes au sein du même bourg, ceux du haut, les riches et ceux du bas, les péquenots, les pauvres. Ces deux mondes s'évitent, se méprisent, se jalousent, ne cherchent pas à se connaître. Les non-dits, les rancoeurs, les ragots, les commérages tiennent lieu de lien communautaire. Mathilde Beaussault nous décrit avec maestria l'atmosphère déprimante d'un bourg qui se meurt, le microcosme des villageois, refermés sur eux-mêmes et la violence latente engendrée par les frustrations.
La terre est au centre de ce roman; celle qu'on convoite, celle qui permet de s'agrandir et donc de survivre, celle qui crée les pires inimitiés et mènent à la vengeance, celle qui est rachetée par celui qui a de l'argent mais ne l'exploite pas. Petite-fille de paysan, j'ai retrouvé l'atmosphère de mon enfance quand mon grand-père parlait avec ferveur et amour de ses terres.
Le roman aborde également le thème de la différence avec Marguerite, maltraitée et harcelée par les élèves, tout juste supportée par les enseignants et même ses parents et la façon dont elle vit cette situation, se retranchant dans son monde.
Le style de l'auteure est très imagé ce qui permet de voir ce qu'on lit, les personnages prennent vie devant nos yeux sous la plume de l'auteur, avec leur langage spécifique. Il y a du Franck Bouysse dans cette peinture d'une France rurale qui se meurt et qui recèle une violence sous-jacente mais ce n'est en aucun cas une imitation, l'auteure ayant sa propre patte.
Ce primo-roman, très maîtrisé à la fois dans l'intrigue et les personnages, est remarquable. Mathilde Beaussault est sans aucun doute un nouveau talent à suivre.
#LesSaules #NetGalleyFrance
Dans le prologue, Marie, jeune fille de 17ans, se prépare pour un rendez-vous amoureux, un peu de rouge à lèvres mais trop car « il » trouve ça « un peu pute », un chemisier blanc sagement déboutonné, une jupe rouge très courte. Marie est belle. Elle a déjà pas mal d'expérience en matière de garçon, « surtout pour faire chier ses parents. Pour quitter l'oeil de Cerbère du père et cracher aux yeux nostalgiques de sa mère qui voulait la menotter à ses robes rose bonbon de petite fille modèle pour l'éternité.» Ce qui lui vaut une mauvaise réputation. Là, c'est la première fois qu'elle est amoureuse. le lendemain, elle est retrouvée morte, étranglée, au bord de la rivière sous les nombreux saules pleureurs qui la bordent, à deux mètres de chez elle, dans un hameau breton loin de l'océan.
Evidemment, le roman est centré sur l'enquête pour démasquer le meurtrier de Marie, la fille du pharmacien. Il y a des suspects, des témoins, des interrogatoires qui succèdent. Si on est attentif aux détails et habitué à la mécanique des polars, il est assez aisé de trouver le coupable avant la mitan du récit. Mais cela n'a en rien gâché mon plaisir car plus qu'un classique polar, Les Saules est un roman noir rural parfaitement maitrisé qui fait la part belle aux personnages.
En quelques phrases, Mathilde Beaussault a l'art d'amener direct le lecteur au coeur de la vérité de chacun, notamment à travers leurs dépositions. L'autrice a eu l'excellente idée de les retranscrire sans indiquer les questions de l'inspecteur, juste leurs réponses enchaînées, ce qui crée des sortes de monologues, des flux de pensée qui se transforment en instantané de leur ressenti dévoilé au grand jour.
Les personnages féminins sont particulièrement réussis ( la mère de Marie, la femme de ménage, la tenancière du bar ) mais celle qui prend la lumière, c'est Marguerite : inoubliable fillette, voisine de Marie, celle qui sait mais qui est mutique et que tout le monde prend pour une simplette. Mal poussée, négligée par ses parents éleveurs porcins, elle suçote en permanence la manche de son pull, habits trop petits, mal coiffée, martyrisée par ses camarades à l'école.
Le rythme est lent, lancinant, Mathilde Beaussault prend le temps de poser une atmosphère rude qu'elle parsème de quelques scènes ultra sensibles, presque poétiques, qui n'apporte rien à l'intrigue mais concourent à attacher le lecteur aux personnages et à créer, malgré tout, une urgence à découvrir la suite des événements. J'ai particulièrement aimé celle-ci, lorsque la mère de Marguerite prend la peine de laver sa fille qui a été recouverte de sable après un énième harcèlement :
« L'eau emporte les grains de sable récalcitrants. On évacue les mauvais souvenirs, en silence. La fille sourit à sa mère. C'est un sourire qui raconte la beauté d'un amour qui pulse à la manière du coeur d'un oiseau effrayé. La mère qui évite toujours les yeux des humains plonge dans ceux de sa fille. Elle lui sourit, gauchement, presque tristement. On dirait qu'elle a oublié comment on sourit et qu'il lui manquera le reste de sa vie pour l'apprendre. Leur menton saillant vacille, l'émotion assise derrière leurs yeux se tient tranquille depuis trop longtemps pour sortir à l'air libre. Il est des amours qu'on ne dit pas. »
Progressivement, se dessine une intrigue au réalisme âpre qui dépeint un microcosme villageois avec authenticité : ses rancoeurs recuites, ses mesquineries, ses frustrations, ses secrets, liés au quotidien difficile d'agriculteurs en mode survie et surtout à la défiance entre deux mondes « celui du pharmacien, des mains propres et des cuticules blanches, un monde qui s'érige en défenseur de la nature. Celui des paysans, des mains calleuses et des ongles noircis, un monde qui survit en nourrissant grassement l'humanité ».
Dans les cinquante dernières pages, la densité romanesque s'intensifie pour faire basculer le récit en une tragédie rurale, avec des ramifications surprenantes. Un premier roman d'atmosphère fort réussi. Auteure à suivre assurément.
Ce pourrait être un polar mais c'est plus que cela.
L'important ce n'est ni la victime ni le coupable, l'important c'est le village avec ses silences, ses rancœurs, ses luttes de classe, ses vengeances, son omerta et ses non dits et......pourtant ...
De beaux portraits de femme enrichissent ce roman
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Si certaines sont impressionnantes et effrayantes, d'autres sont drôles et rassurantes !
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."