"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quand je pense que j’ai lu ce livre pour la toute première fois à l’âge de huit ou neuf ans, l’ayant emprunté à la bibliothèque de l’école, sans la moindre difficulté, alors qu’il est désormais « destiné » aux collégiens de douze à quinze ans, je me demande bien ce que lirons nos jeunes dans quelques dizaines d’années …. Il n’y a pourtant rien de bien compliqué dans Mon amie Flicka : le vocabulaire employé est tout à fait abordable, et l’histoire elle-même est fort simple ! On s’étonne que les enfants ne lisent plus de romans : mais comment voulez-vous qu’ils « s’entrainent » si on ne leur propose plus que des petits récits illustrés de moins de cinquante pages jusqu’à leur entrée au collège ? Je me souviens de ma maitresse qui, lorsqu’elle nous emmenait à la bibliothèque municipale, nous obligeait à prendre « au moins un roman de plus de cent pages » pour nous faire oublier les albums « premières lectures », et ce dès le CE2 ! Mary O’Hara a écrit un roman pour enfants : donnons-le donc à lire aux enfants, nom d’un petit bonhomme en mousse !
Ken a dix ans, la tête dans la lune, et un rêve indestructible : avoir un poulain rien qu’à lui, qu’il dresserait comme un grand, et qui deviendrait son meilleur ami. Mais son père refuse catégoriquement de lui donner un poulain : il casse tout, il perd tout, et voilà qu’il va redoubler sa classe pour avoir rêvé en classe au lieu de rédiger sa rédaction ! Heureusement, sa mère parvient à convaincre le capitaine Mc Laughlin que leur fils cadet a besoin de prendre confiance en lui, de réussir quelque chose pour devenir un « grand garçon ». Ken a donc une semaine pour choisir son poulain parmi tous les yearlings du ranch. Mais voilà que Ken s’entiche de Flicka, une jeune pouliche sauvage et indomptable comme l’était sa folle-dingue de mère et son rebelle grand-père. Le petit garçon parviendra-t-il à apprivoiser l’intrépide Flicka, là où tout le monde a échoué ?
Hier comme aujourd’hui, beaucoup d’enfants peuvent se retrouver dans le portrait de Ken : un petit garçon rêveur, que l’école n’intéresse guère, et qui préfère jouer dans la nature que faire ses devoirs ! Mais aussi un petit garçon qui, malgré sa maladresse et son insouciance, tente désespérément de rendre son père fier de lui, d’accomplir ce que ce dernier lui demande, mais qui échoue continuellement, sans jamais baisser les bras mais avec un découragement toujours plus grand. Difficile d’atteindre les idéaux que les parents font peser sur les enfants ! J’ai beaucoup d’affection pour le petit Ken, si plein de bonne volonté mais qui ne parvient pas à lutter contre sa propension à rêver tout éveillé, contre l’attrait irrésistible des nuages qui passent et des feuilles qui dansent en tombant de l’arbre. Son obstination est vraiment touchante : il n’imagine pas sa vie sans un poulain, un poulain qu’il aimerait plus que tout, et qui l’aimerait plus que tout. Pour Ken, comme pour beaucoup d’enfants – et quelques adultes ayant gardé leur âme d’enfant –, Amitié rime avec Inconditionnée : son poulain et lui seront les meilleurs amis du monde, sinon rien.
Et voilà que Flicka surgit dans sa vie, s’impose à lui, elle la pouliche indomptable, issue d’une lignée de vrais sauvages, « bons à rien », « dingos » … mais aussi la fille du meilleur étalon du ranch, le plus fier et intelligent. On lui prédit de grands malheurs, et surtout un échec profond : pour ces éleveurs du Wyoming, un cheval « dénoué de bon sens » est forcément un mauvais cheval, bon à abattre, pour ne pas qu’il « contamine » la lignée par son sale caractère. Quand on aime les chevaux aussi intensément que Ken aime son poulain – celui qu’il voit dans ses rêves –, c’est vraiment dur de lire ce genre de propos, de savoir qu’il n’y a pas si longtemps, on n’hésitait pas à mettre une balle dans la tête des chevaux trop « sauvages ». C’est une triste et terrible réalité que Mary O’Hara nous décrit ici, sans jamais chercher à cacher ou atténuer la dureté des événements : elle ne fait que relater ce qui constituait le quotidien des véritables ranchers du Wyoming. Les bons moments comme les moins bons, les moments de grâce – les fières galopades des poulinières accompagnées de leurs frêles et majestueux poulains – comme les jours sombres – la castration des jeunes mâles.
Mais surtout, elle nous raconte cette formidable histoire d’amitié entre un petit garçon insouciant et une jeune pouliche récalcitrante. Entre un petit garçon et une jeune pouliche qui ne rêvent que de liberté. Bien que cette rencontre tarde à arriver – le début pourrait être caractérisé de « longuet » … s’il n’était pas aussi intéressant ! –, elle constitue le cœur même de ce premier tome, où Ken et Flicka apprennent à se connaitre et à s’aimer. Car c’est bien connu : les plus terribles épreuves cimentent les amitiés les plus solides. Gravement blessée, incapable de se débrouiller seule, Flicka ne doit son salut qu’aux bons soins de Ken, qui refuse de voir la vérité en face et est le seul à croire qu’elle peut s’en remettre. C’est ainsi que la pouliche, élevée jusqu’alors par sa mère, une jument haïssant les êtres humains, apprendra à offrir sa confiance à ce petit homme si attentionné. Et c’est ainsi que Ken, garçonnet étourdi, rêveur et insouciant, grandit sans même s’en rendre compte, et prend conscience des conséquences de ses actes, même ceux qu’il croyait « anodins » …
En bref, vous l’aurez bien compris, je suis sous le charme de ce petit roman, à la fois tendre et dur, à la fois captivant et intéressant. L’espace de quelques centaines de pages, j’ai voyagé, voyagé dans un ranch où cohabitent des dizaines de chevaux et quelques humains, dans un ranch où les rêves d’un petit garçon se transforment enfin en réalité. J’ai été émue par cette belle histoire d’amitié et de loyauté entre un petit garçon et une jeune pouliche, j’ai été attendrie par l’amour que Nell donne à ses deux garçons, j’ai été touchée par Rob, ce père sévère mais bienveillant qui ne sait plus que faire avec son cadet. J’aime beaucoup la plume de Mary O’Hara, qui ne se contente pas de raconter une histoire : elle nous invite à la vivre, à marcher aux côtés de Ken et de Flicka, à partager le quotidien de cette famille de ranchers, à admirer les vertes prairies du Wyoming comme si on y était … Et le plus incroyable, c’est qu’on y est, finalement : il suffit de se laisser porter par cette belle histoire joliment narrée qui n’attend plus qu’à faire rêver les enfants … et aussi les plus grands !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2019/12/mon-amie-flicka-mary-ohara.html
Je n'ai pas accoché avec cette histoire lu au collège.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !