"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« La légende des filles rouges » de Kazuki Sakuraba est une saga familiale autour de trois générations de femmes.
Tôko, la narratrice, raconte l’histoire de sa grand-mère Man’yô, de sa mère Kemari et la sienne entre les années 50 et aujourd’hui.
Plus qu’un récit de vie, c’est l’évolution de la société japonaise et la place de l’héritage familial qui sont vraiment intéressants.
Man'yô n’a que trois ans lorsque ‘’ceux de la montagne’’ l’oublient ou l’abandonnent, un jour de 1943, dans la petite ville de Benimidori. Recueillie par un jeune couple, la fillette se distingue par sa peau mate, son incapacité à apprendre à lire et ses dons de voyance. Pauvre mais heureuse dans sa famille d’adoption, elle n’imagine pas un instant que Tatsu, la grande dame d’en haut, l’a choisie pour devenir l’épouse de son fils ainé. Et pourtant, contre toute attente, le mariage est célébré et Man’yô intègre la puissante famille Akakuchiba, les rois de la ville, à la tête des aciéries du même nom. Ils sont ‘’les rouges’’ opposés aux Kurobishi, ‘’les noirs’’ des chantiers navals.
Entre le riche héritier et l’étrange bru, l’union est harmonieuse. Il n’est certes pas l’homme qu’elle rêvait d’épouser enfant, celui qui lui était apparu borgne et volant alors qu’elle n’avait que dix ans, mais elle apprécie son nouveau mari. Le couple aura trois enfants : le très sérieux Namida, appelé à diriger un jour les aciéries, la rebelle Kemari qui prendra la tête d’un gang de motardes et la petite dernière, Kaban, qui se rêvait star de la danse.
Et pendant que la famille Akakuchiba s’agrandit, pleure ses morts et règne sur Benimidori, la société japonaise évolue et les aciéries avec elle.
C’est Tôko, fille de Kemari et petite-fille de Man’yô qui entreprend de raconter l’histoire de sa famille et de la ville, et la sienne aussi.
Un roman très riche qui couvre une période allant de 1953 à 2000 et, outre une saga familiale, est aussi un fabuleux portrait sociologique de la société japonaise. De l’industrialisation à marche forcée d’après-guerre au désenchantement des nouvelles générations, c’est tout un pays que l’on voit courir après le progrès, au détriment de la planète. Tout un pays qui voit dans les usines la chance de sortir de la misère d’après la défaite. Le travail paie. Les ouvriers quittent leurs masures pour des appartements plus fonctionnels, les patrons s’enrichissent. La désillusion viendra avec la modernisation des chaînes de production. Les fils d’ouvriers quittent les campagnes pour Tokyo et ses bureaux climatisés. Ceux qui restent ne veulent pas s’user la santé dans les aciéries. La jeunesse se révolte, se marginalise. Les bandes de voyous pullulent avec pour seul but que de crier leur mal-être à la face du monde. Les filles découvrent que leur corps est un moyen de gagner de l’argent. Quand ces jeunes rebelles rentrent dans le rang, leurs enfants peinent à prendre la relève. Libres de leurs choix, nés dans une société qui ne risque plus rien, ils ont du mal à trouver une cause à défendre, un but à poursuivre.
Entre croissance, bulle économique, choc pétrolier et spécificités de la mentalité japonaise, Kazuki Sakuraba nous promène dans un pays qui s’est jeté avec frénésie dans une course au progrès, abandonnant certaines de ses valeurs pour en créer d’autres, tout en conservant un fond de traditions bien ancrées dans les esprits.
Ces trois générations de femmes attachantes, adaptées chacune aux problèmes de leur époque, sont sublimées par l’écriture de l’autrice qui nous promène entre onirisme et réalité brute, prouvant que le réalisme magique n’est pas l’apanage des auteurs d’Amérique latine. A découvrir absolument.
Rien ne prédestinait Man’yô, abandonnée à sa naissance en 1953 dans la petite ville japonaise de Benimidori, à devenir un jour la Grande Dame du clan Akakuchiba qui règne sur l’industrie de l’acier dans le pays. C’est sa petite-fille Tôko qui entreprend la narration de l’histoire familiale, nous racontant le parcours de cette grand-mère au singulier don de voyance, puis celui de sa mère, chef d’un gang de motardes avant de connaître le succès comme auteur de mangas.
De la reconstruction après-guerre et du miracle économique du pays, à la bulle spéculative immobilière et à la crise économique des années quatre-vingt-dix, puis, enfin, au Japon d’aujourd’hui, c’est la transformation de la société nippone sur le dernier demi-siècle que retrace cette saga familiale au travers du destin de trois générations de femmes. Aux côtés de personnages attachants, souvent étonnants pour un esprit occidental tant le Japon possède de spécificités culturelles, qu’elles soient traditionnelles ou modernes, le lecteur franchement dépaysé se retrouve plongé dans une fresque passionnante, aussi bien pour les aventures vivantes et rythmées de ses protagonistes, que pour la découverte sociologique dont elles sont l’occasion.
Car, tandis que le sort des trois personnages principaux épouse celui de leur époque, nous menant de l’optimisme confiant de la grand-mère dans un contexte de croissance à tout crin du pays, à la désillusion rebelle, puis résignée, de la mère dans une nation en crise, enfin au désarroi de la fille, à l’image d’une jeunesse contemporaine tentée de fuir dans la virtualité un quotidien de plus en plus lourd et sans perspective, nous voilà amenés à vivre de l’intérieur l’évolution des conditions de vie et d’état d’esprit de la population japonaise. Système éducatif et travail, famille et lien social, modes et phénomènes culturels, croyances et aspirations, au final tout converge vers le sentiment diffus d’une société devenue dans son ensemble profondément violente et écrasante pour l’individu, confronté dès le plus jeune âge à une pression et à une compétition sans limite.
Cette passionnante saga familiale se lit avec autant de plaisir que d’intérêt, pour l’attachante histoire de ses trois générations de femmes, mais surtout pour son édifiante immersion sociologique dans un Japon décidément sans équivalent dans le monde.
Man’yo, fille des montagnes à la peau rouge, est adoptée et élevée par un jeune couple d’ouvriers dans la partie basse de la ville de Benimidori. Malgré sa pauvreté et son illettrisme, elle connaitra un destin extraordinaire en épousant l’héritier de la branche aînée de la famille Akakuchiba la plus aisée de la ville, et vivra tout en haut, dans un grand palais. Dotée de dons de voyance, elle permettra le sauvetage de l’entreprise familiale du déclin de l’industrie sidérurgique. Puis ce sera sa fille aînée, Kemari, chef d’un gang de motardes devenue une célèbre mangaka, qui grâce à son succès phénoménal, apportera l’argent nécessaire à la survie de la famille.
La première partie parle de Man’yo, depuis sa jeunesse, en passant par son mariage et la naissance de ses 4 enfants, tous différents, qu’elle regarde grandir.
La deuxième partie relate l’histoire de Kemari, sa fille aînée, qui après une jeunesse turbulente, à la mort de son frère, devra prendre un mari pour succéder à son père à la direction de l’entreprise familiale. Elle deviendra une mangaka célèbre.
La troisième et dernière partie, raconte celle de Tôko, la dernière du clan, fille banale sans histoire, contemporaine du Japon actuel. Elle est pimentée par l’enquête qu’elle mène avec son ami et amoureux Yutaka pour découvrir le secret que lui a confessé Man’yo sur son lit de mort.
Tôko est la fille unique de Kemari, c’est elle qui à travers le destin de trois générations successives de femmes, nous raconte l’histoire de la saga familiale, une histoire qui ne laisse pas indifférent, mêlée de l’histoire de la société japonaise des années 50 jusqu’à nos jours.
Dans « la légende des filles rouges », Kazuki Sakuraba dresse un portrait captivant de l’évolution du Japon au travers d’une petite ville et de ses habitants. Les personnages sont bien croqués, et on ne se perd pas dans les multiples noms ni les différentes périodes. La plume de l’auteure est douce, agréable, le roman se lit facilement, l’histoire s’écoule comme l’eau d’une fontaine. Il y a parfois quelques longueurs et des répétitions, aucun rebondissement, juste une succession de souvenirs pour relater l’histoire ponctuée de magie avec les visions de Man’yo qui nous tiennent en haleine tout au long du récit.
Une belle découverte de l’histoire du Japon avec ses traditions et sa magie.
Je remercie lecteurs.com et les éditions Folio de m'avoir permis de découvrir cette auteure, et plus particulièrement ce roman.
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