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Curieusement, si l'un des courts principaux du stade Roland Garros porte le nom de Suzanne Lenglen, elle n'y a pourtant disputé aucun match officiel. Les Internationaux de France (ou plutôt à l'époque les Championnats du monde sur terre battue) se jouaient du côté de Saint-Cloud ou du Racing et ce n'est qu'avec l'épopée fantastique des "Mousquetaires" et leur victoire en Coupe Davis qu'un espace capable d'accueillir les foules qu'ils déplaçaient a été construit à l'emplacement actuel. Ce que raconte cette biographie passionnante n'est pas seulement la fulgurante carrière de cette championne morte à 39 ans, mais surtout ce que le tennis français lui doit.
Car elle aura marqué les annales de ce sport, autant par ses performances que par sa personnalité. Elle a tout inventé. Le bébé champion, le père entraîneur et manager, le star system. C'était l'époque où le tennis était encore l'apanage des Anglais, un sport amateur et bourgeois car nécessitant d'avoir les moyens. On jouait à Saint-Cloud, au Touquet ou sur la Côte d'Azur. Le gazon était roi, les vrais galons se gagnaient à Wimbledon. Suzanne Lenglen y a gagné en simple et en double entre 1919 et 1926, son âge d'or. Les matchs duraient en moyenne une demi-heure et son style faisait fureur autant que ses tenues ou les gorgées d'armagnac qu'elle avalait en cas de coup de mou. Voilà pour l'anecdote. Son existence de météore est fascinante. Mais l'intérêt de ce récit composé par un véritable passionné est aussi de revenir sur l'histoire du tennis à un moment clé. Les lieux, les noms qui ont façonné la légende, le rapport à l'argent et au professionnalisme sous l'influence des Américains. Une question essentielle pour élargir le spectre et aller vers la démocratisation de ce sport. L'essor qui conduira à la construction des stades que l'on connaît à présent, à Wimbledon et à Roland Garros ou même à Forrest Hills. Suzanne Lenglen a tout de même foulé les terrains de Roland Garros, dans le cadre de son activité d'entraineur, après la fin de sa carrière de joueuse due à une santé trop fragile.
Pas besoin d'en faire un roman, la vie de Suzanne Lenglen est un roman et son biographe se met à son service avec élégance. J'ai adoré revisiter des lieux connus, imaginer la silhouette de la championne arpentant les environs de la Porte d'Auteuil emmitouflée dans l'un de ses manteaux extravagants. Une vraie réussite.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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