"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Je suis noire, mais belle, fille de Jérusalem, comme les tentes de Kédar, comme le pavillon de Salomon. Ne prenez pas garde à mon teint noir ; c’est le soleil qui m’a brulée. »
Le Cantique des cantiques.
L’Alcazar poétique !
Ce kaléidoscope d’une beauté inouïe, scindé en cinq fragments est un recueil perpétuel qui restera gravé dans le marbre.
Vibrant, transcendant, maîtrisé à l’extrême, « Seins noirs » résistera à jamais aux tempêtes de sable en plein désert, l’oubli ne sera pas.
Écrire ainsi relève du génie. Watson Charles est doué, très.
Seins noirs, Étreinte, Corps, Abîmes, Étincelle, macrocosme devenu.
« J’aimerais être cette pluie qu’apporte l’oiseau
Avec son grand sourire de géranium...
Les enfants sont repris le chemin de halage
Et le ciel comme un grand puits est attelé à leurs cheveux. »
Lucide, sensible, souveraine , l’écriture est un miroir d’opale. Watson Charles délivre ses traversées en pleine mer parabolique, les exils ressacs. Le langage d’un corps féminin qui se retourne à contre-sens. Les dérives, le radeau de la Méduse de Géricault. L’infini miracle de l’espoir, perle d’écume sur le sein noir enivré d’attente et de fièvre.
Litanies, chants, rais de lumière, livre d’heures. Ode certifiée, mélancolique car trop belle. L’émerveillement retient son souffle. La pudeur du sage assigne à écouter encore et encore cette voix chapelet qui égrène les poèmes au rythme de ses pas. Tant ils sont cercles et béatitudes.
« Je dirai aux enfants
Que l’aube est une feuille
Que l’on jette au plus près des rivières…
Les murs des églises battaient en moi
Comme ce pain dur dans la bouche du paysan…
Et tu m’as toujours dit : la nuit est une ville en triangle
Mais aussi l’ombre qui se défait. »
L’endurance loyale, l’absence ébène, poésie salvatrice, théologale, terre broyée, promesses tressées et vertueuses. Ne jamais oublier le passage de l’écluse symbolique.
« Dis aux pélerins
Que mon souffle
Est fait de chant
Et de sang d’Afrique. »
Les souffrances, les épreuves annoncées au tableau noir des jours. Craie blanche, le regard puise à la source.
« Seins noirs » l’apothéose, marée-basse, le tragique-empreinte, la solitude-mère. Poète céleste, ces hommes qui manient bellement les légendes avec leurs poches trouées d’étoiles. J’entends encore leurs voix sur les rives du fleuve s’adressant aux vivants. »
Watson Charles est le poète de la quête. Il rassemble l’épars égaré au sommet des interrogations, des considérations, des turbulences. L’exil aux abois, ce recueil est un flambeau qui vaut mille vies.
« Je contemple les rives jusqu’au ciel dominé. »
Une merveille de complétude. Incontournable, un edelweiss à flanc de rocher, une marelle entre ciel et terre. Un homme debout et la certitude de lire en grand. Ce recueil est beau à pleurer et c’est bien. Rédempteur et majestueux. Publié par les majeures éditions Æthalidès. À noter : Watson Charles a reçu la mention spéciale du jury du prix Senghor du premier roman francophone et francophile en 2021 pour Le ciel sans boussole.
Le ciel sans boussole
Jackson et Rodrigue, Jackson et Rosemène, Jackson et Haïti
Jackson et Rodrigue sont compagnons d’infortune, liés par les galères mais aussi une amitié indéfectible, qui les liera jusque dans la maladie et la mort
Jackson et Rosemène s’observent, se reconnaissent et vivront une belle histoire d’amour, contrariée par le refus de la vie de leur donner un enfant
Enfin, Jackson et Haïti tentent de s’apprivoiser mais l’une aura toujours le dessus sur l’autre
« Si l’on ne meurt pas en prison ou fusillé par le régime, alors on crève de faim »
Dans ce roman, la chaleur colle littéralement les émotions à la peau
Au travers de la vie de Jackson, c’est le portrait d’Haïti qui se dessine, les luttes sociales, l’impunité, l’injustice, la misère et malgré cela l’amitié, l’amour, la poésie de la rue
« Le jour prend une couleur de tristesse »
Watson Charles est poète, ce livre est son premier roman. On retrouve la délicatesse de son style, qui apporte toute sa densité à l’île que l’on voit s’animer au fil des pages, les chants, les odeurs, les corps, la nuit
L’ambiance et la ville sont des personnages à part entière et s’animent sous la plume de l’auteur, dressant un tableau haut en couleurs et en émotions
S’égarer loin de soi-même, les dentelles d’une île meurtrie, ses enfants perdus, sable mouvant. L’endurance perd sa boussole, le ciel efface la craie des chemins, ils sont ici :
« Leurs silhouettes, tels des fantômes, marchent sur la route poussiéreuse et caillouteuse. »
Île qui n’enfante que douleurs et plaies, le vent foudroie l’appel des survivances. « Le ciel sans boussole » est un cri dans la nuit noire. Un livre majestueux, manichéen. Dualité écartelée au fronton des volontés. Jackson et Rodrigue, table de jeu accrochée aux espérances. Gagner de l’argent, déambulation perdue d’avance.
« Le temps sur le ruban noir de l’asphalte et sur les chaises en formica. » « Au fond de la salle un homme gesticule, crie, raconte des histoires anciennes, le temps des bordels, le temps où l’on faisait la guerre aux Camoquins. »
Rodrigue est malade. Trop pauvre pour être soigné. Attendre l’ultime, porte d’entrée à l’hôpital, l’agonie lui jette des cailloux à la figure. Rodrigue l’ami,
« Ses yeux se ferment graduellement comme un soleil qui s’éteint. »
Jackson est perdu dans la nuit noire. Haïti ravagée, les habitants baissent les yeux, armes contre fleurs, pain contre quête de l’or. Watson Charles écrit avec force et courage, loyauté, la poésie sensible, le plein d’un livre dont Haïti, son peuple est mémoire vive. On ressent l’épars assemblé, rien ne doit rester invisible, Haïti est une couverture de laine déchiquetée. Jackson qu’on aime de toutes nos forces, plus de maison, plus de port. L’hospitalité a perdu sa pierre angulaire. Les injustices pour sac à dos, loterie gagnée, espoir, la banque le rejette comme un chien : corruption.
« -Écoute-moi bien vermine, je ne vais pas te garder dans ce trou à rats. Je préfère que tu crèves dehors. »
Échec et mat, case prison, liberté, perdition, la boussole s’affole. Il quitte la ville. Revoir sa sœur Léane. Imaginer les accolades, la fraternité qui pardonne tout. On ressent la quintessence des vraies valeurs. Oublier l’avant, recueillir Jackson, sans attente de retour. La magnanimité borde ses enfants. Jackson voit le ciel, le cerf-volant qui l’attire comme un aimant : Rosamène.
« Il n’arrive pas à dormir, c’est parce que son image angélique vient hanter ses nuits. »
Et là les amis, le céleste passionnel ravive la boussole et la toile de fond, plein-sud et phare en bord d’île. Le travail de Jackson est pénible, titanesque. Rocher de Sisyphe, mains écorchées vives, et air vicié. Retenir ses frères des batailles qui brisent les carreaux.
« Il lui explique que ses camarades ont l’intention de faire la grève et qu’il prépare tout cela avec eux. »
Jackson va affronter les diktats, pot de fer contre pot de terre, abattre les cartes envers et contre tout. Rosemène se doute, prend peur. Jackson est l’emblème des opprimés. Le Gavroche d’une île en proie aux viols, aux vols, aux pillages. Lui, le battant, broyé par ses années de labeur à l’usine, corps qui flanche comme un roseau. Le ciel sans boussole tremble, prend froid malgré la chaleur intense. Bouleversant, les larmes sont l’hymne de la beauté de ce grand livre. L’idiosyncrasie d’un peuple qui a tout perdu. Un homme pourtant, ici, dans le profond d’une histoire de haute contemporanéité, ne met jamais le genou à terre : Jackson, notre frère universel. Magistral, piédestal d’une littérature signifiante. Les chapelles d’une trame qui retourne la terre, messagère et mémorielle, un flambeau dans le sombre des doutes, un soldat qui déserte les mouvances. Une boussole pour demain. Collection Lachésis, publié par les Éditions Moires.
Comme une porte que l’on entrouvre subrepticement, ivre de secrets. Laisser les rais de cette lumière bercer les poèmes. Maux sur les mots, fraternité et sel enlacés sur l’aura qui se donne sans retenue, l’heure est grande. « Le chant des marées » est l’espoir qui ne peut se nommer. Trop beau, trop grand. Attendre le moment de l’hospitalité heureuse qui encense la clef des délivrances. Le pays dérive, s’éloigne des visions empreintes d’humanité. Le froid attise les verbes et les sanglots renforçant la beauté du dire qui s’épanche. Cueillir à pleines brassées « La mémoire d’une île… Si j’ai encore à te dire le passage. De la mer je l’écrirai. » Moissons verbales, grandeurs des cimes, vagues qui croisent l’encre salvatrice. Orée, plénitude allouée. « Pour un grand jubilé/Et les sources les plus secrètes/ Sont comme des ressacs. » Comprendre le filigrane salvateur, les cris arrachés à la terre-mère. Retenir la ferveur d’une marée abandonnée dans un exil où le tout est abyme et sanglots. La nostalgie s’amplifie, chant des marées mélancoliques. Les voix éteintes, résurrections grammaticales. Les marées sont des sanglots accrochés à la vague qui frappe et ne lâche rien. Le néant se voudrait tempête. Mais la grandeur gagne le rivage. Rime avec cette gestuelle qui prie sur un papier que l’on retourne. Watson Charles est un poète. Un homme debout. Un passeur, un éclaireur qui force la douleur à mourir. Il annonce la rédemption des souffrances. Ecrit les larmes d’airain et les chants du rappel des marées à jamais. D’une beauté infinie. Publié par Les Editions Unicité. A lire, relire, apprendre par cœur les poèmes où le mémoriel est roi.
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