"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont déclenché une guerre en Afghanistan contre le régime taliban, suspecté de soutenir Ben Laden, le cerveau des attentats. Les Américains ne sont pas les seuls à débarquer dans le pays, mais s’appuient sur une coalition internationale, dont la France fait partie. Sur place, l’armée française a besoin de traducteurs et embauche donc des dizaines de “tarjuman” (“traducteur”, en langue dari), ainsi que des chauffeurs, des cuisiniers et d’autres petites mains pour la logistique et la manutention. Ces Afghans, qui deviendront parfois de vrais soldats, s’engagent aux côtés des troupes alliées par conviction, contre le régime taliban, dans l’espoir de contribuer à un avenir meilleur pour leur pays. Quitte à se faire mal voir des intégristes.
A partir de 2012, la France se retire progressivement de la coalition et d’Afghanistan. Peu embarrassée de loyauté, elle abandonne sur place les autochtones qui l’ont aidée, sans se préoccuper de leur sécurité. Car ces tarjuman et leurs familles sont désormais potentiellement en danger de mort, considérés comme traîtres par les talibans et autres intégristes.
Ce roman (ou plutôt document) graphique fait suite à l’enquête sur place des deux auteurs, journalistes, et retrace le parcours de trois de ces tarjuman, depuis leur engagement auprès de l’armée française jusqu’au dédale politico-administratif pour obtenir un visa et le statut de réfugié en France.
Il ne faut pas s’attendre à beaucoup d’originalité dans le style ou la forme : on se contente de raconter sans chercher la belle phrase, c’est factuel et terre à terre. Le dessin aussi est sobre, en noir et blanc, pas particulièrement séduisant. On sent bien que l’intention des auteurs est de dénoncer l’attitude honteuse de la France, qui aura accordé des visas au compte-goutte, vis-à-vis de tous ceux qui lui ont pourtant rendu de précieux services en Afghanistan, parfois au péril de leur vie. On ressent aussi leur consternation et leur indignation (louable et nécessaire) face à cette trahison et ce scandale humanitaire. L’Histoire repasse les plats, ce ne sont pas les harkis qui diront le contraire.
Publié en février 2020, cet ouvrage est à nouveau cruellement d’actualité (mais pourquoi cela ne s’arrête-t-il jamais?), et ce qu’il dénonce ne se limite sans doute pas à la France.
La Boîte à Bulles a eu une riche idée pour nous aider à y voir plus clair sur la situation afghane, mettre à disposition des lecteurs 2 albums qui nous éclairent. (lien en commentaire)
Celui-ci date de 2020 et parle des traducteurs afghans employés par l’armée française et laissés pour compte au moment du désengagement de la France en 2012.
Le récit suit le chemin et la vie de 3 « tarjuman ». Il s’agit d’un travail journalistique, des photos viennent même apporter une touche réelle au récit tracé dans un noir et blanc semi-réaliste bienvenu. De leurs débuts, leur engagement, on suit ensuite leurs différentes missions dont certaines clairement périlleuses. Ces traducteurs deviennent de véritables soldats, armés et entrainés.
Cette situation ne sera évidemment pas bien vue de tout le monde et ne manquera pas de les mettre en danger une fois l’armée française désengagée. Quelle solution pour eux ? Demander le statut de réfugié, un nouveau parcours du combattant…
Au final, un album riche en enseignements et profondément humain, un grand merci à la Boîte à Bulles !
la bd reportage est à la bande dessinée ce que le film documentaire est au cinema permettant de mettre en lumiére des questions sociétales ignorés du grand public.
C est le cas du triste sort réservé aux traducteurs afgfans ayant servi dans les rangs de l armee française jusqu en 2012 .En pliant bagage et en se retirant de Kaboul , les troupes tricolores les ont " oubliés " sur place , les laissant seuls face aux menaces de represailles. La naivété des dessins de traducteurs afghans n enleve rien à la violence de l attitude de la patrie des droits de l homme
sur les 800 ressortissants afghans qu elle a employé , la France n en a acceuilli que 250 à la fin du conflit. Qader n a pas eu cette chance , il est mort dans un attentat suicide le 20 octobre 2018
Voilà une enquête qui dénonce avec énormément de justesse un véritable scandale, celui de l'abandon par l'Etat français des traducteurs afghans.
Ceux-ci, souvent devenus des soldats "à part entière" seront néanmoins sacrifiés lorsque l'armée française quittera l'Afghanistan. Une trahison qui condamnera nombre d'entre eux (et de leur famille et proches) à un sort tragique, entre vengeance des talibans et exil forcé.
On l'a compris, on ressort de cette lecture avec la boule au ventre, pourtant les auteurs n'en rajoutent à aucun moment, les faits étant exposés sobrement et clairement. Le dessin, rond et efficace, est au service du récit et là aussi n'appuie pas sur la violence ou le pathos, alors qu'il y aurait sacrément matière à le faire...
Une lecture instructive et de qualité.
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