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« Nous avons pris Troyes sur le vif, déclare l'auteur ; en l'étudiant de quartier à quartier, de rue en rue. C'était le seul moyen d'atténuer la sécheresse à laquelle certains détails eussent été condamnés. » Autrement dit, le savoir est indispensable, mais il y a mille manières de le distiller :
M. Aufauvre a choisi la plus vivante, celle qui permet de révéler tous les secrets du passé sans forcer la note, au gré d'une déambulation hasardée, d'un élan de plaisir ou de curiosité. Les « débris de maçonnerie gallo-romaine » nous rappellent que les empereurs romains vinrent séjourner régulièrement dans ces lieux (Julien et Antonin, mais aussi Marc Aurèle) et que le trop fameux Attila, vaincu dans les Champs catalauniques (entre Troyes et Châlons), avait envahi le pays au moment où le limes cédait sous les poussées des barbares. Une excursion à Villery, village voisin de Troyes nous apprend que Clovis y reçut Clotilde, la fille du roi de Bourgogne et que ce furent les troupes du fondateur de la dynastie franque qui ravagèrent le pays bien avant les sarrazins et les Normands.
Mais la belle cité champenoise a été aussi, de tout temps, active et industrieuse : pourvue d'un atelier monétaire dès l'époque carolingienne, elle devient la capitale du comté au Xe siècle, grâce aux largesses de Charles le Chauve et à son importance comme évêché et comme centre religieux.
De plus, située au carrefour des routes qui vont de Bruges à Venise et de Paris en Allemagne, elle est le siège de deux des six foires de Champagne qui assurent sa prospérité et favorisent le développement de son industrie textile jusqu'au XIVe siècle. Cette option commerciale et industrielle ne la quittera pas au fil du temps, malgré l'opposition de Louis le Hutin, les destructions des guerres (de Cent Ans et de religion), l'incendie de 1524 qui la dévaste en grande partie et la révocation de l'Édit de Nantes qui fait fuir industriels et artisans protestants.
Autant de coups du sort, de passion ravageuse et d'intelligence constructive qui ont laissé des traces dans tous les quartiers de cette ville qu'Amédée Aufauvre nous fait visiter : la halle à la bonneterie et l'église Saint-Pantaléon, l'hôtel de Chapelaines et Notre-Dame-aux-Nonnains, l'hôtel de ville et la collégiale Saint-Urbain, la superbe cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul et l'ancienne Arquebuse... les portes, les enceintes, les boulevards. Toute une forêt de pierre dans laquelle les lecteurs se retrouvent, émerveillés.
© Micberth
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