"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
" En août 1920, après trois ans de séjour en Sibérie, je pus enfin rentrer en Europe. Une réhabilitation de la personne morale des souverains russes s'imposait. C'est le drame de toute une vie que je vais essayer de décrire, tel que je l'ai tout d'abord pressenti sous les dehors d'une cour fastueuse, tel qu'il m'est ensuite apparu pendant notre captivité, alors que les circonstances me permettaient de pénétrer dans l'intimité des monarques. Le crime d'Ekaterinbourg n'est en effet que l'aboutissement d'une cruelle destinée. La maladie du grand-duc héritier domine toute la fin du règne de Nicolas II. J'ai cherché dans ce livre à faire revivre, tels que je les ai connus, l'empereur et les siens, m'efforçant de rester toujours impartial. " Tandis que Payot s'apprête à fêter son centenaire, voici réédité un puissant témoignage de son cru qui n'avait pas reparu depuis les années 1920 mais auquel ont puisé nombre d'historiens. De septembre 1906 à mai 1918, le Suisse Pierre Gilliard (1879-1962) a en effet côtoyé toujours plus intimement le tsar Nicolas II, son épouse Alexandra, leurs quatre filles et leur fils Alexis. Devenu en 1909 le précepteur officiel du tsarévitch, il a développé une pédagogie originale avec ce garçon hémophile et trop gâté. Mais surtout, c'est en démocrate qu'il a observé les erreurs politiques d'un couple d'autocrates manipulé par Raspoutine, alors même que la tourmente de l'histoire renforçait davantage l'affection du Suisse pour les parents aimants qu'ils étaient et leurs cinq enfants. Cette dualité est l'un des pivots de son livre, qui a aussi l'immense avantage de raconter de l'intérieur les années d'avant le massacre plutôt que le massacre lui-même, sur lequel on a déjà tellement écrit.
Séparé des Romanov quelques semaines seulement avant leur exécution à Ekaterinbourg, Pierre Gilliard eut bien du mal à regagner la Suisse avec la gouvernante des filles du tsar, Alexandra Tegleva, qu'il épousa peu après. Il fut ensuite très impliqué, comme accusateur, dans l'affaire de la fausse Anastasia sur laquelle il publia un autre livre chez Payot.
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