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Fin août 1572. À Paris, des notaires dressent des inventaires après décès, enregistrent des actes, règlent des héritages. Avec minutie, ils transcrivent l'ordinaire des vies au milieu d'une colossale hécatombe. Mais ils livrent aussi des noms, des adresses, des liens.
Puisant dans ces archives notariales, Jérémie Foa tisse une micro-histoire de la Saint-Barthélemy soucieuse de nommer les anonymes, les obscurs jetés au fleuve ou mêlés à la fosse, à jamais engloutis. Pour élucider des crimes dont on ignorait jusqu'à l'existence, il abandonne les palais pour les pavés, exhumant les indices d'un massacre de proximité, commis par des voisins sur leurs voisins. Car à descendre dans la rue, on croise ceux qui ont du sang sur les mains, on observe le savoir-faire de la poignée d'hommes responsables de la plupart des meurtres. Sans avoir été prémédité, le massacre était préparé de longue date - les assassins n'ont pas surgi tout armés dans la folie d'un soir d'été.
Au fil de vingt-cinq enquêtes haletantes, l'historien retrouve les victimes et les tueurs, simples passants ou ardents massacreurs, dans leur humaine trivialité : épingliers, menuisiers, rôtisseurs de la Vallée de Misère, tanneurs d'Aubusson et taverniers de Maubert, vies minuscules emportées par l'événement.
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Jérémie Foa, historien surdiplômé, publie ce qu’il ne faut surtout pas prendre pour un nième ouvrage sur le massacre de la Saint-Barthélémy. Ce qu’il veut c’est partir du bas, traquer ces « vies minuscules » comme disait Pierre Michon, ces petits, ces protestants anonymes, qui à partir du 23 août 1572 vont être massacrés. 3000 à Paris, 30 000 en France dans les semaines qui suivent.
Son propos n’est pas de savoir pourquoi les huguenots sont massacrés. Ordre du Roi ? De la Reine Catherine ? Influence des Guize ? Ce n’est pas l’objet de ce livre même si ces noms sont évoqués. Il prouve néanmoins à quel point les deux frères du roi, Anjou et Alençon ont un rôle majeur dans la tuerie, via leur innombrables obligés.
Ces pages reflètent un travail de bénédictin conduit plusieurs années par son auteur, fouillant et refouillant les archives. Jérémie Foa fait œuvre d’archéologiste de papier pour redonner visage et nom à ceux qui ne furent tués au nom du catholicisme que parce qu’ils confessaient la « nouvelle opinion ». Les actes notariés seront sa principale source, ainsi que les archives de la prison de la Conciergerie. On pourrait s’attendre à un ouvrage aussi docte que pesant et ennuyeux, que nenni. Les morts reviennent à la vie avec chacun leur histoire. Comment ont-ils été dénoncés, comment ont-ils été tués, embrochés, étripés, saignés et pour finir, afin que le crime disparaisse avec la victime, trainés jusqu’à la Seine (ou la Saône) et enfin noyés en cette vallée de misère la bien nommée qui descend au fleuve non loin de Saint Germain L’Auxerrois ? Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils à Paris en ces derniers jours d’août où l’on vient de célébrer le mariage de Marguerite de Valois avec Henri le Béarnais devenu catholique pour la circonstance ?
On comprend au fil des pages et des histoires, de Marye, d’Antoinette, de Pierre Feret et sa femme Marie Passart que les protestants sont repérés au sein même de leur famille et de leur quartier. Ce massacre qui, à Paris, ne fait que commencer n’est pas prémédité mais tout est prévu depuis plusieurs années. Les huguenots ont pris l’habitude d’être dénoncés, rançonnés, envoyés en prison, puis libérés contre monnaie sonnante. On toque une fois de plus à leur porte, ils ouvrent, sans armes, sans chercher à se défendre.
Mais le tocsin de Saint Germain l’Auxerrois a sonné ; cette fois-ci ceux qui viennent les prendre, les mêmes que d’habitude, vont les assassiner
Le droit de massacrer arrivera en septembre en province. Lyon, Toulouse, Rouen, Bordeaux… même méthode : le huguenot est un voisin, un cousin, un beau-frère, il ne va pas à la messe, il a fait baptiser son dernier bébé au temple, elle s’appelle Rachel ou Sarah. Facile de savoir qu’ils sont de la « nouvelle opinion ».
Jérémie Foa semble peiner à trouver au sein du peuple de France quelques humains auxquels aujourd’hui on donnerait le nom de Justes, qui témoignent que leur voisin va à la messe et se comporte en bon catholique. C’est le témoignage qui vaut sauf-conduit en ces temps de fureur religieuse. 4 pages seulement relatent ainsi quelques sauvetages.
Grâce aux recherches minutieuses, s’attachant à tous les détails, un aspect du massacre est particulièrement glaçant : les massacrés sont démembrés, visages écrasés crânes assommés, bref ce ne sont plus des êtres humains ce ne sont plus que des morceaux. Et les assassins veulent qu’il en soit ainsi.
Temps sombres.
Une recherche remarquable pour un ouvrage nécessaire.
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