"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Aussi brute qu'alambiquée, à la fois bouillonnante et paisible, tour à tour fougueuse et sereine. Contrasté dans tout ce qui fait la beauté d'une plume nouvelle, le style d'Oussama Bentaleb frémit de l'effervescence du jeune homme et répond déjà de la sagesse du plus ancien. Riche d'idées et de partage, il nous offre un foisonnement de pensées, de réflexions et de sentiments qui témoignent de son âme déjà bien érodée. Sous couvert d'une fausse naïveté, son propos n'en est que plus sincère. Appel universel à l'espoir, au contentement et à la satisfaction, il met en relief certains sujets qui lui tiennent à coeur et lui apparaissent d'une nécessité décisive. Prônant la méditation, l'auteur se fait médiateur : de manière poétique, imagée et bien vivante, il joint la douceur stylistique à la réflexion.
Je suis tombée d’emblée sous le charme de la plume de l’auteur dont la maitrise de la langue française est indéniable et très agréable. En découvrant son jeune âge (17 ans), je dois d’ailleurs dire que j’ai été fortement impressionnée par la maturité de son écriture et sa manière de tirer le meilleur parti des mots pour soutenir sa réflexion et étayer ses pensées.
De manière parfois éthérée, parfois plus ancrée dans la réalité, il nous invite ainsi à le suivre dans le cheminement de ses réflexions et de ses raisonnements. Pour ce faire, il use d’un procédé simple, mais original et surtout très efficace pour rendre la lecture rapide et fluide : dans chaque chapitre, il part d’une citation d’un écrivain ou d’un penseur pour se livrer ensuite en quelques pages. Je connaissais certaines des citations quand j’en ai découvert d’autres, mais elles partagent toutes un point commun, celui d’être particulièrement inspirantes. A cet égard, j’ai retrouvé avec plaisir les propos maintenant bien connus de Rabelais (Science sans conscience n’est que ruine de l’âme) ou encore de Montesquieu (Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste). Bien que datant d’une autre époque, elles gardent une sorte d’intemporalité et d’universalisme qui leur permettent toujours de faire écho en nous et de questionner nos sociétés.
Les différentes citations du livre semblent avoir été choisies avec soin et permettent à l’auteur d’introduire naturellement sa réflexion sur des sujets divers et variés : la question de la vie et de la mort, la notion de bonheur, la relation au travail et le culte de la performance, le sens de la vie, la question de la femme au sein de la société, la liberté, le concept de démocratie, la relation ou plutôt la non-relation entre sagesse et âge… La pluralité des thèmes abordés, de manière souvent philosophique, permettra à chacun de se sentir concerné à un moment donné. Pour ma part, j’ai lu avec intérêt les propos de l’auteur, en essayant de me débarrasser du carcan de mon éducation et de ma personnalité, pour me recentrer sur sa pensée. Une « objectivité » dans ma lecture qui ne m’a pas empêchée par la suite d’analyser les propos de l’auteur sous le prisme de mes convictions. C’est ainsi que si je me suis retrouvée dans certaines de ses idées, d’autres m’ont moins convaincue. Mais ce qui est certain c’est qu’Oussama Bentaleb réussit, à travers le fruit de sa réflexion, à nous faire réfléchir et à nous pousser à suivre le chemin parfois sinueux de nos pensées. Il en résulte de ce travail d’introspection et de réflexion, un débat intérieur intéressant qui vous confortera dans vos idées ou au contraire, vous poussera à les bousculer ou, du moins, à les remettre en perspective.
J’ai apprécié ce recueil de pensées à l’écriture riche, mais je pense qu’il ne conviendra pas forcément à tous les lecteurs. Ses qualités que j’ai, en partie, exposées plus haut pourront être autant de défauts pour certains. L’auteur ne cache pas son attrait pour les « intellectuels » et cela se ressent automatiquement dans sa manière d’aborder les différentes problématiques qu’il expose. Cela peut plaire comme déplaire voire horripiler si vous êtes un adepte des textes concrets. Je le conseillerais donc plus volontiers à des personnes aimant les auteurs au style complexe qui aiment à manier les mots de manière à les rendre source d’inspiration, de réflexion, mais aussi d’interrogation. Le lecteur se retrouve ainsi parfois dans la position de s’interroger sur ce qu’il lit, l’agencement très imagé des mots lui demandant de prendre le temps de bien en saisir le sens et la profondeur. En cela, je trouve le titre très bien choisi, le texte appelant au silence et à prendre un certain recul pour se l’approprier. Le livre dégage en outre une aura de sérénité qui offre au lecteur un moment hors du temps qui n’est pas sans rappeler ce que l’on peut ressentir devant le bleu apaisant de grandes étendues d’eau.
Enfin, la seule chose qui m’a un peu moins convaincue dans ce livre est qu’en privilégiant le « nous » au détriment du « je », qui me semble préférable dans le cadre d’un essai, l’auteur prend le risque de tomber parfois dans la généralisation faisant de son cadre de réflexion un cadre universel.
Pour conclure, je garderai de ma lecture de Mer en silence le sentiment d’être allée à la rencontre d’un auteur à l’esprit affûté dont la maturité n’a pas attendu l’âge, mais surtout d’un amoureux des livres, de l’écriture et de la pensée. Si vous aimez les textes bien écrits, riches et empreints de philosophie qui vous poussent à réfléchir, ce livre devrait vous plaire.
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