"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quand un restaurateur nantais, ex-mafieux marseillais et bien sous presque tous rapports, se prend une balle de 22 long-rifle dans chaque oeil en fumant sa dernière cigarette à sa fenêtre, après une journée bien remplie, c'est contrariant. Si, en plus, la police locale traite l'évènement un peu par-dessus la jambe en se disant « et un de moins ! » sans savoir que la victime était une vague relation « affective » du commissaire Saint-Antoine, ne soyez pas étonnés que ce dernier pète un câble. Que le fils d'un de ses vieux amis, militaire, choisisse la Loire-Atlantique pour finir ses jours, alors qu'il aurait tout aussi bien pu le faire dans sa circonscription, rend le vieux complètement barjot. Pieds et mains liés dans son bureau du Val-de-Marne, qui pensez-vous qu'il envoie sur zone bretonne pour fureter à sa place ? Eh oui : une jeune mère, capitaine en congé maternité à peine remise de son accouchement, un manchot corvéable à souhait, René et sa dame en guest-stars et votre serviteur qui ne sait toujours pas dire non aux caprices du vieux. C'est beau Nantes, même la nuit, mais le contenu n'est vraiment pas à la hauteur du contenant. Les apparences sont trompeuses et nous n'allons pas tarder à le constater en fréquentant ses ruelles et son réputé Hangar à bananes. Rejoignez-nous mais restez prudents...
Cicéron s'ennuie un peu dans sa nouvelle vie. Vanessa vient d'accoucher d'une petite Soledad, ils viennent d’emménager dans un pavillon à Thiais et l'agence d'enquêteurs privés ne lui donne pas assez de travail, tout juste de quoi se payer et payer Momo.
En rendant visite au commissaire Saint-Antoine, icelui lui annonce que le fils d'un ami vient de sa faire assassiner d'une étrange manière : une balle de 22 long rifle dans chaque œil alors qu'il fumait une cigarette à sa fenêtre. Comme le défunt était vraisemblablement du milieu nantais, Saint-Antoine craint que la police ne fasse pas de zèle sur l'enquête. Il demande à Cicéron de tâter le terrain dans la cité des Ducs de Bretagne. Cicé s'y colle, accompagné de Vanessa, de Momo et des inévitables René et Paulette.
Me voici un lecteur heureux : Cicé est dans ma ville et Claude Picq son créateur et biographe se fend d'un prologue sympathique et réaliste sur ses pérégrinations nantaises. Je suis toujours content de lire que l'on aime la ville dans laquelle je me promène régulièrement, soit pour le travail, soit pour les loisirs. Un peu de chauvinisme sûrement, surtout lorsque sans aucune ambiguïté, on en parle comme d'une ville en Bretagne.
Voilà pour mon préambule, venons-en maintenant au roman qui, comme les tous les autres avec Cicé alterne le drôle, le décalé et le un peu plus sérieux, mais pas trop quand même. La touche comique vient évidemment du couple René-Paulette improbable, incroyable, inévitable écrivais-je plus haut.Inévitable parce que bruyant, de mensurations hors du commun et affublé de frusques dépareillées, inadaptées et voyantes, plus un langage très personnel pas très discret.
Le reste de la troupe enquête en douce pour ne pas éveiller les soupçons, ils ne sont officiellement que des touristes qui visitent la ville. Et Cicéron est bien secondé, par Vanessa, sa capitaine de police préférée en congé de maternité et par Momo son associé manchot. Et même, étonnamment, par René et Paulette.
Plongée dans le milieu nantais, celui de la prostitution, de la drogue et des lieux dans lesquels ces secteurs d’activités fructifient pour une intrigue originale et bien menée, très plaisante à lire, comme en général les aventures de Cicéron, même si celui-ci s'assagit. Cicé change, son environnement itou, et ses aventures restent distrayantes et bien menées. Tout pour plaire, avec cette fois-ci le petit plus nantais.
Trompeuses apparences
Dans ce tome 18 (déjà !) si sa petite entreprise connaît la crise, côté vie privée, c’est l’épanouissement, elle exhibe ses trésors satinés…
La bande à Cicé quitte Vitry pour Nantes où le commissaire Saint-Antoine les envoie résoudre le meurtre d’un restaurateur Nantais, ex-mafieux dont il connaissait la famille.
Le commissaire joue toujours avec brio la mauvaise foi.
Cela n’étonnera en rien les lecteurs qui suivent l’actualité, la sécurité à Nantes n’est plus ce qu’elle était.
Mais, pour autant, devait-on punir cette belle ville, en lui envoyant cette délégation de « bras cassés », en l’occurrence de bras amputé, et ce n’est pas le pire. Le couple René et sa poulette a dû laisser un souvenir plus qu’impérissable, heureusement Cicéron et sa capitaine de compagne sont là pour rehausser le niveau.
L’enquête avance par de multiples péripéties, et j’aime particulièrement les détails donnés par l’auteur sur les subtilités de la vie quotidienne, qui nous montrent combien il est à l’écoute et pas du tout déconnecté des réalités comme le sont nos gouvernants.
Mais l’action est toujours accompagnée d’une réflexion hautement philosophique :
« Mais lui flanquer une bastos entre les deux yeux, ça serait bien son style. […]Simon Kerballec ça te dit quelque chose ? Le type qui n’a plus ses yeux pour pleurer. Vous vous souvenez de Marceau, le mime plus blanc que blanc ? Eh bien vous avez la référence pour imaginer la tête de René. Des images insupportables lui passent par la tête. Il voit sa Poulette transformée en boule de bowling avec juste des trous à la place de ses yeux de biche hyperprotéinée. »
Habituée à truster les hauts de classements, Nantes est réputée entre autres pour sa qualité de vie, son réseau de transport en commun ou bien encore son offre éducative, disent les réseaux bien informés, mais vous lecteurs de cet opus, vous aurez le privilège de vivre l’envers du décor et entre frissons (de toutes sortes) et fous rires incontrôlés et incontrôlables, vous aurez pris des vacances à peu de frais.
Claude Picq fait dire à Cicéron que « le rire est un langage universel » alors mon conseil, si comme moi vous ne lisez pas selon les injonctions de listes de lectures d’été, d’hiver etc. vous trouverez une saveur à chaque fois renouvelée à ces histoires drôles et bien écrites. Faire rire est toujours plus difficile que faire peur en étalant de l’hémoglobine à longueur de page.
Ne nous privons pas de ce privilège alors que le monde marche sur la tête.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/08/25/les-rescapes-de-lile-de-nantes/
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