"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Début des années trente, Texas. Rien ne semble avoir bougé depuis la guerre de Sécession. Le Klan domine. Les lynchages demeurent. Harry, treize ans, fils du représentant local de la loi, s'émancipe de ce monde qui le choque en s'isolant dans les marais. Il y croise, dans les méandres endormis, celui que tout le monde dit être un monstre insaisissable, un esprit de la nuit. Harry est fasciné. Il a trouvé, près des traces de cet Homme-Chèvre, le cadavre d'une femme noire bâillonnée avec des barbelés. On parle d'un « ambulant », serial killer d'une époque démunie devant ce type de crimes imputés au Mal sans qu'il n'y ait de véritable enquête. La population blanche ne s'inquiète pas. N'importe quel Noir fera l'affaire. Jusqu'à ce que les cadavres changent de couleur de peau...
Le sang du bayou
Texas, dans les années 30. Une femme est découverte dans un bayou, violée, mutilée et assassinée. C’est une prostituée noire, autant dire personne. A cette époque, la ségrégation bat son plein et si l’esclavagisme a été aboli, dans les faits, la population noire n’a aucune place dans la société du Sud des Etats-Unis. Dans ce coin paumé de l’East-Texas, c’est le coiffeur qui occupe la fonction de constable. Il n’y a pas de sheriff, il faut dire qu’il ne se passe jamais rien à Pearl Creek. Et le constable, Jacob, lui est un « honnête homme », il ne se contente pas des explications vaseuses et alcoolisées de Doc Stephenson, comme quoi cette fille aurait été attaquée par une panthère… ou peut-être par un « hobo », un vagabond, qui aurait fait son mauvais coup et serait reparti aussi sec par le premier train… Jacob emporte le corps de la malheureuse là où une ébauche d’autopsie pourra être pratiquée, et fait appel au docteur Tinn, un noir… Puis une seconde femme est retrouvée, dans le même état… et une troisième… Cette fois, c’est une femme blanche.
Par la magie des mots, Joe Lansdale téléporte le lecteur en 1935, la Grande-Dépression a ruiné l’économie américaine, et dans les états du Mid-West, les tornades et les pluies diluviennes ont jeté des millions de pauvres hères sur la route, destination Californie. Certains se sont arrêtés au Texas ; mais les conditions de vie y sont rudes. L’auteur décrit magnifiquement cette Amérique des oubliés, cette époque où le Klan était omniprésent et où un simple soupçon conduisait à lyncher un noir innocent. Personne ne se considérait comme raciste, c’était comme ça, les blancs et les noirs ne se fréquentaient pas… du moins, pas officiellement.
Car à travers ce polar noir, Lansdale lève le voile sur les relations troubles entre blancs et noirs. Alors que chaque communauté vit de son côté, Jacob n’hésite pas à transgresser les règles : il fait appel aux connaissances de Doc Tinn pour l’aider dans son enquête ; il tient tête au Klan ; Jacob et Harry, son fils, vont pêcher avec Moses, un vieux noir (en réalité métis) . Harry quant à lui, aime aller voir la vieille Miss Maggie, dont on dit qu’elle aurait au moins cent ans, Miss Maggie qui lui raconte les histoires et les légendes des marécages, où le Diable peut faire de vous un Ambulant et où vit l’Homme-Chèvre. D’ailleurs Harry l’a vu, et il est persuadé que c’est lui l’assassin de ces pauvres femmes.
L’auteur a pris le parti de faire raconter l’histoire par Harry : Harry est un très vieil homme aujourd’hui, il vit dans une maison de retraite et il attend la mort. Harry se souvient de ces années là, lorsqu’il avait 12-13 ans, de tout ce qui s’est passé. Il se souvient de ses parents, de sa grand-mère un peu fantasque mais terriblement attachante, de sa sœur Tom qui le suivait partout, de leur chien Tobby.
Plus qu’un polar (il est d’ailleurs possible que les amateurs de polar soient un peu déçus par l’intrigue policière, mais je pense que ce n’était qu’un prétexte pour l’auteur) ou un roman noir, ce livre est une peinture sans aucune concession sur le Sud des années 30.
Une très belle fresque.
Prix Edgar Poe du meilleur roman 2001.
Ce livre m'a fait plongé au coeur des années 30 en plein Texas ... J'ai vraiment voyagé grâce à la plume subtile de l'auteur. Il s'agit bien d'un Thriller avec ses meurtres, son suspens et ses retournements de situations ... Il m'a permis également de mieux comprendre la mentalité des gens à cette époque ^^ Jusqu'où le racisme peut mener ... (appartenance au KLAN, suicide, meurtres, ... ). Les personnages principaux sont très attachants et on a qu'une seule envie c'est de les voir progresser dans leur enquête ! Une fois de plus, à vos lectures !!! ;)
Une atmosphère moite où la ségrégation raciale bat son plein.
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J'ai fait une lecture commune avec un autre challenger du Multi-défis 2019 , @juten-doji . Une discussion à mi-parcours sur notre ressenti, on a tout de suite adhéré à cette histoire sombre bien addictive. Certes , il est assez dense mais une fois passé les 100 pages, l'auteur nous a hameçonné !
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Pour ma part, je le classifierais comme roman d'atmosphère, d'ambiance très bien rendue de terreur et de mystère. Un côté surnaturel aussi. Avec des croyances d'un autre âge, le vaudou et ses légendes.
Et puis roman noir bien sûr avec une intrigue bien linéaire et classique, avec une composante historique et sociologique (la ségrégation raciale des états sudistes dans la période de la Grande Dépression).
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Le narrateur se remémore ses souvenirs au couchant de sa longue vie. Des faits étranges et inoubliables se sont passés durant son adolescence. Dans ce Texas humide des années 30 , où le racisme envers les Noirs est encore très prégnant, il va découvrir un cadavre mutilé de femme Noire. Et à partir de ce moment bien précis, les ennuis arrivent pour lui et son père shérif.
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J'ai beaucoup apprécié le décor authentique et bien décrit de cet environnement où la terreur est présente (le Ku Klux Klan sévit et laisse peu de place à la justice). J'ai de suite pensé à l'histoire de La ligne Verte de Stephen King où la loi punit John Caffey, un Noir innocent qui se trouvait sur le lieu d'un crime au mauvais moment et n'avait aucune défense.
Rien de plus émouvant quand cette histoire sordide et triste est racontée à travers les yeux d'un enfant.
Une galerie de personnages bien étoffés et dont la psychologie intime a été restituée au fur et à mesure du récit. On assiste aux débuts de la criminologie où le mot "sérial killer" n'a pas encore été évoqué. Où la justice se faisait à "la tête du client". Et c'est carrément flippant. C'est une fiction mais le récit bien maîtrisé m'a laissé une forte impression de réel.
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J'ai encore deux romans de cet auteur dans ma bibliothèque, ils ne feront pas "long feu".
Quelle bonne lecture! Le portrait d’une Amérique rurale des années 30. Le KKK régnant en maître au delà des lois, conservateur d'une justice d'avant guerre de sécession. Une justice en faveur et au service des blancs, ignorant et méprisant la communauté noire.
Ce roman a tout pour plaire. Son contexte politico-social. Son environnement. Ses personnages, tous aussi attachants les uns les autres et un tueur en série des plus dérangé. Un histoire hautement addictive.
Cela démarre puissamment. Deux enfants, Harry treize ans et sa petite soeur, perdus, errent dans les marécages de l'East Texas ; ils sentent la présence inquiétante de quelqu'un ou quelque chose qui les suit, transformant leur périple en terreur nocturne : est-ce le fameux Homme-Chèvre ? Un « ambulant » ( un mort maudit qui a vendu son âme au diable ) ?
La force de l'irruption du fantastique se heurte rapidement à la découverte très terre-à-terre du cadavre atrocement mutilé d'une femme noire dénudée.
Harry sera nos yeux durant toute le roman selon le principe de l'analepse : c'est un Harry âgé de plus de quatre-vingt ans qui livre aux lecteurs ces souvenirs d'enfant sur cette enquête menée par son père, constable local ( sorte d'officier de police ), durant la Grande Dépression des années 30.
Tout est passionnant dans ce grand roman d'apprentissage proche de Ne Tirez pas sur l'Oiseau moqueur de Harper Lee : un père, ce héros, progressiste, vacillant dans un Etat sudiste et raciste où le Ku Klux Klan sévit comme acteur omniprésent du quotidien. Vouloir la vérité et découvrir le coupable de ce meurtre, c'est considérer qu'une vie noir vaut autant qu'une vie blanche, c'est nier le ségrégationnisme, c'est défier le Klan. le père ne cédera rien et en assumera les conséquences sous les yeux de son fils qui cherche à se construire dans ce monde complexe et violent.
Si l'enquête en elle-même est somme toute assez prévisible dans sa résolution, le final est d'une rare intensité sur les traces de la Nuit du chasseur : un fleuve, la nuit, deux enfants, un tueur.
Un polar profond, poisseux, résolument sombre.
Génial lu en 2 jours
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