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Mme Riccoboni privilégie la voix féminine dans les Lettres de Sophie de Vallière : Sophie écrit toutes ses lettres à son amie Hortense. La voix masculine n'est entendue qu'indirectement. Ce choix de monodie à la voix féminine domine dans les romans de l'auteure, mais elle explore le concept des confidents masculins dans les Lettres de Fanni Butlerd entre autres. Le développement de l'oeuvre épistolaire de Mme Riccoboni, allant d'un premier roman monodique raconté par une femme abandonnée par son amant vers un dernier roman polyphonique où la voix masculine a une présence importante, en passant par un nombre croissant de personnages comme dans les Lettres de Sophie de Vallière, suit la course de la fiction épistolaire du XVIIIe siècle en général.
Le roman retient certains motifs familiers de l'oeuvre de Mme Riccoboni, mais en introduit également de nouveaux. Sophie est orpheline, comme par exemple Ernestine et Jenny. Comme Ernestine, Sophie épouse l'homme de son choix, mais à la différence de Jenny, dont les origines sont connues, Sophie poursuit une quête d'identité pour résoudre le mystère de sa naissance. Au portrait de Madame de Sancerre qui est veuve, une situation de famille offrant des avantages distincts aux femmes surtout par rapport aux femmes mariées, Mme Riccoboni ajoute le personnage de Madame d'Auterive dans les Lettres de Sophie de Vallière, veuve heureuse et indépendante qui se trouve au centre d'un réseau épistolaire international. Une nouvelle addition aux destins féminins décrits par l'auteure est le personnage d'Henriette de Monglas, une amie de Sophie qu'elle avait rencontrée au couvent et qui prospère dans un mariage blanc avec un mari âgé, ami de son père. Le travail de Sophie constitue un motif important. Sophie rencontre Henriette pendant qu'elle travaille à la maison de la parente d'Henriette. Ayant été rejetée par la famille de Madame d'Auterive, Sophie se rend compte qu'elle doit gagner sa vie et alors elle se met à broder, d'abord chez une marchande de rubans et ensuite auprès de la parente d'Henriette. Le travail des femmes n'est pas un thème peu familier dans l'oeuvre de Mme Riccoboni : Ernestine qui, venant d'une famille pauvre dont le père était absent et la mère travaillait, a toujours su qu'elle aurait à travailler pour survivre, peint des miniatures. Sophie en revanche a passé dix-sept ans parmi la noblesse et doit commencer à travailler, ce qui est très difficile pour elle. Étant actrice et auteure et gagnant non seulement sa vie mais aussi celle de son mari et de sa mère, Mme Riccoboni considérait le concept de la femme qui travaille comme tout à fait familier.
LES MANUSCRITS Pour établir cette édition critique nous nous sommes servie de la dernière édition du roman à être revue et augmentée par l'auteure, qui se trouve dansle quatrième tome des oeuvres complettes [sic] de madame Riccoboni publiées par Volland en 1786. Nous en avons modernisé la ponctuation et l'orthographe et nous l'avons comparée à sa première édition datée de 1772 mais publiée en 1771 par Denis Humblot: il y avait peu de modifications signifiantes et elles faisaient surtout partie du domaine de l'orthographe et de la ponctuation. Par exemple, entre 1771 et 1786 «fidelle» a été changé en «fidèle» et «Élisabeth Sophie» est devenue «Élisabeth-Sophie». Il n'y avait pas beaucoup de changements de signification: là où c¹est le cas, nous donnons les deux variantes. Une différence formelle entre les deux éditions constitue la mise en page: la première édition consiste en deux parties de 208 et 190 pages respectivement, tandis que l'édition de 1786 a 402 pages numérotées consécutivement. La rupture dans la première édition a lieu entre les lettres XXXIX et XL.Suivant le texte original, nous avons gardé les italiques pour indiquer la citation, un outil dont Mme Riccoboni se servait abondamment, et pour souligner des mots (IIIe lettre: «une si charmante créature n'est pourtant rien aux yeux d¹un monde rempli de vains, d¹absurdes préjugés»). Souvent les mots en italiques ne peuvent pas être des citations exactes (première lettre: «vous me parlez de ma tante, hélas!»), mais nous avons opté néanmoins de ne pas «corriger» le texte («vous me parlez de [ma] tante, hélas!») pour ne pas rendre l'édition incompréhensible. Dans les notes en bas de pages, nous avons marqué d'un astérisque les erreurs présentes dans le texte de 1786; si l'erreur n'existait pas dans la première édition, nous l'avons indiqué en donnant la variante correspondante correcte. Les erreurs corrigées ni dans la première édition ni dans celle de1786 ont été marquées d¹un astérisque et mises dans les notes en fin de texte.
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