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Comment le Qatar est-il devenu une grande puissance jusqu'à accueillir l'un des plus importants événements sportifs au monde ? Grâce à l'or noir et au gaz naturel, mais aussi en exploitant le travail de millions d'immigrés souvent venus d'Asie et d'Afrique. Une main-d'oeuvre prise dans les rouages des réseaux de migration qui soutiennent un vaste système d'esclavage contemporain. La construction des stades de la Coupe du monde n'est que la face visible de l'iceberg de l'économie des pays de la péninsule Arabique qui repose sur le travail de cette masse silencieuse et anonyme.
Sous-titré « Coupe du monde 2022 au Qatar, les coulisses d’un esclavage contemporain », ce document ne se limite cependant pas à une enquête sur le sort des travailleurs migrants exploités, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive, sur les chantiers de construction des stades de foot.
L’enquête est certes centrée sur le Qatar et sa « Zone industrielle » où les travailleurs sont parqués dans des « logements » indécents, mais elle balaie un spectre plus large, qui s’étend à toute la zone du Golfe, et à toutes les catégories de travailleurs (hommes, femmes, secteurs de la construction, de la sécurité, du petit commerce, du travail domestique et même celui de la chair à canon dans des guerres sales, en Lybie par exemple). Le livre décrit les conditions de travail épouvantables, les logements insalubres, la nourriture inadaptée, l’eau insuffisante et polluée (au point de provoquer des insuffisances rénales souvent mortelles à terme). Il montre aussi toute la pression qui pèse sur les migrants, dont les salaires sont très souvent le seul moyen de subsistance pour toute leur famille restée au pays, la pression et les (fausses) promesses d’enrichissement facile qui les poussent à quitter leur pays, à enchaîner deux ou trois boulots ou les heures supplémentaires pour gagner un peu plus, qui les empêchent de rentrer chez eux avant d’avoir gagné suffisamment d’argent, sous peine de déshonneur. Cette migration apparaît particulièrement cruelle pour les jeunes femmes, souvent très mal informées, recrutées par des agents véreux, et qui atterrissent, dans le pire des cas, dans des réseaux de prostitution. Et qui, quand elles parviennent à rentrer dans leur pays, enceintes ou avec un enfant né d’un viol, sont abandonnées à leur sort, sans ressources, reniées par leur famille et le poids des traditions.
Accidents, maladies, suicides, maltraitances physiques et mentales, solitude, séparation d’avec la famille pendant des années, humiliation, déshumanisation, telles sont les conséquences de la misère dans les pays d’origine de ces migrants, du sud-est asiatique à l’Afrique de l’ouest.
A cet inventaire, les auteurs ajoutent des témoignages plus ou moins hypocrites de dirigeants et d’entrepreneurs du Golfe ou de diplomates (coincés entre la real politik et les droits humains), et ceux, désabusés et impuissants, de membres d’ONG qui aident les migrants sur place ou une fois rentrés au pays, ou de politiciens des pays d’origine, conscients à la fois des enjeux humains et des retombées économiques positives générées, dans leur propre pays, par l’afflux d’argent des migrants, qui permettent parfois la survie ou le développement de toute une région (cf l’exemple du Kerala).
Pour ce livre, les auteurs ont interrogé une soixantaine de travailleurs et de membres de leurs familles à travers différents pays. Une enquête menée dans des conditions logistiques compliquées et dangereuses, sans compter les risques pris pour leur propre sécurité et surtout celle de leurs fixeurs locaux et des personnes interrogées dans les différents pays du Golfe. « Informer, mais à quel prix ? », se demandent les auteurs. Quoi qu’il en soit, cet ouvrage est un document nécessaire, qui fait prendre conscience que cet esclavagisme moderne va bien au-delà d’une question d’offre et de demande de travail.
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Dernière réaction par Jean-Thomas ARA il y a 3 jours
Dernière réaction par Yannis Fardeau il y a 5 jours
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