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Depuis Piero della Francesca et Brueghel l'Ancien, Sant'Elia et Le Corbusier jusqu'à Metropolis et Blade Runner, la bd, Schuiten et Peeters, les peintres, dessinateurs et autres architectes visionnaires n'ont cessé d'imaginer des cités utopiques et dystopiques qui dépassent les réalités sociétale, anthropologique et architecturale de la condition humaine (si ce n'est le manhattanisme qui, partiellement, les réalise).
Les artistes, régulièrement, s'emparent de ces territoires de l'imaginaire et livrent leur version du rêve, ou du cauchemar, d'une société réglée. Louis Loup Collet, plus jeune que Platon et les illustres prédécesseurs de la perfection idéale, propose, avec Le monde Lectol, sa version de l'utopie.
Le monde lectol, ce sont des dessins de grand format, déposés dans une caisse en bois, qui ouvrent une fenêtre sur le monde de demain, ou, plus précisément, sur la ville de Lausanne juste avant l'an 2550, à l'ère biobotique. Par biobotique, on entend l'aptitude de l'être humain à créer à son idée des organismes inexistants dans la nature. Les dessins de la caisse sont tout ce qui reste de la ville en 2550, après sa destruction. Ils offrent une représentation minutieuse de Lausanne et de la nature qui l'environne, des pages d'explication sur les organismes biobotiques en langue inconnue ainsi qu'un plan de la ville.
Avec Le monde Lectol, Louis Loup Collet crée un monde cohérent. Au regard s'offre un monde bizarre, peuplé d'êtres humains dotés d'un don divin qui leur permet de contrôler ce monde. Pourtant, ce monde, précisément parce qu'il n'est que fragments, livre les métonymies d'un monde parfait et harmonieux, paradoxal en ce qu'il est prospectif et nostalgique.
Il y a quelque chose du Codex Seraphinianus de Serafini dans Le monde Lectol. Le langage qui y est pratiqué ainsi que la symbiose entre machines et organismes nous échappent. Demeurent l'incroyable beauté, des gigantesques tableaux à la plume, qui représentent des architectures puis, progressivement, des paysages, somptueux et éternels, remplis de vides pleins.
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