"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Grégoire Furnier, jeune homme de vingt-trois ans, postule pour le prestigieux corps des Attendeurs. La fonction vient d’être créée afin de lutter contre les temps d’attente provoquant de fâcheuses pertes d’efficacité jusqu’au sommet de l’État. Le concours se déroule dans les locaux de l’École supérieure de l’Attente. J’ai vite enchaîné les pages, totalement pris par la découverte de ce sujet décalé et rafraîchissant.
A l’École supérieur de l’Attente (EsA), on apprend à attendre, pas pour soi mais pour les autres. « L’Attendeur a la faculté exceptionnelle de prendre en charge, à l’avance et à distance, le temps qu’une autre personne devrait passer à attendre inutilement [...] L’Attendeur prend en charge une partie de l’espace-temps d’autrui consacrée à l’attente improductive. » Cela peut être utile à un malade qui attend une greffe, un ministre qu'un orage risque de retarder, une victime d’une catastrophe appelant des secours... L’Attente avec un grand A est une science complexe « aux confins de la mécanique des fluides immatériels et de la psychologie des singularités. » J’ai découvert ce qu’était le TRAP, le Taux de remplacement d’Attente pondéré. Il y a même un appareil permettant de mesurer ce taux. Autant dire que ce Trapomètre® est très utile pour évaluer les progrès réalisés...
A ce stade j’étais conquis, ne pouvant m’empêcher de penser à la drôlerie de cette formation totalement antinomique avec les grandes écoles pourvoyeuses d’élites en tout genre (Polytechnique, Sciences Po, ENA…). Einstein n’y avait pas pensé mais Fabien Maréchal a inventé ce nouveau concept… En littérature, quand il est bien présenté, l’invraisemblable peut mener au vraisemblable et à une réflexion utile. Par exemple concernant notre rythme de vie de plus en plus stressant… où l’attente, l’ennui, ne rien faire, ne pas être productif doivent être absolument proscrits au bénéfice de l’efficience, anglicisme très à la mode et multi-utilisé dans les formations.
J’ai vraiment aimé les pages racontant le déroulement du concours (quel régal !!!), puis l’accueil à l’école avec le décorum, les personnages hauts en couleur, la caution de scientifiques pontifiants, aux raisonnements d’une grande virtuosité creuse. Grégoire se révèle avoir de fortes dispositions à l’attente et intègre vite le corps prestigieux des Attendeurs de première classe (il n’y a pas encore d’autre classe mais cela ajoute au prestige…).
Après un début de carrière prometteur, Grégoire est impliqué dans une étrange affaire qui donne lieu à une tempête médiatique. Il est licencié. La suite du roman nous embarque avec lui dans une histoire d’espionnage délaissant un peu le ton de départ. Pris au jeu, j’attendais (moi aussi, mais sans être un spécialiste de cette discipline...) un développement crescendo jusqu’à la fin. J’avais ressenti cette frustration là avec Hervé Le Tellier et son Anomalie, brillante mais un peu creuse. Le paranormal ici devient diffus, les actions à distance de l’Attente pas toujours convaincantes. Retour à une narration charmante sans atteindre le niveau d’entrée (très élevé...). Reclus dans son immeuble, Grégoire décide de mettre ses capacités au service d’anonymes : un groupe de jeunes désœuvrés, une ado et sa mère victime d’un mari violent, un vieux voisin… Heureusement la fin est enlevée et mérite qu’on aille au bout de cette drôle d’aventure !
Fabien Maréchal a travaillé en presse locale et pour National Geographic. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages chez des éditeurs indépendants (dont Dernier avis avant démolition, finaliste des prix Hors Concours et Boccace).
S’intéresser à la production de petites maisons d’édition apporte souvent un grand plaisir ! On y trouve des textes d’une grande liberté. J’apprécie beaucoup Le Chant des Voyelles, maison d’édition qui m’a déjà procuré de très belles rencontres. En premier lieu avec sa fondatrice, Élisabeth Motsch, et son magnifique roman Ivres de joie, avec Estelle Granet auteure de L’écho d’un instant. Estelle Granet que j’ai eu le plaisir de rencontrer à nouveau lors de la superbe exposition Manouche au château de Tours, aussi Pour qui brûlent nos âmes de Kabira Beniz.
Un grand merci à Elisabeth Motsch pour l’envoi de ce roman accompagné d’un message si sympathique avec une présentation qui fait sonner le chant des voyelles : « C’est un roman charmant et plein d’humour qui devrait colorer un peu cet automne incertain. » 32 voyelles en hommage à l’élégance du roman ! Alors si vous avez envie de colorer un peu ces jours gris, n’hésitez pas !
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