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Behzâd, enlumineur figuratif né au XVe siècle dans le royaume centrasiatique de Hérât (actuel Afghanistan), reste le plus grand nom de toute l'histoire de la peinture musulmane d'Orient : maître incontesté de cet art dit de la «miniature persane» et personnage mythique qui aurait insufflé son style à l'illustration de tous ces manuscrits exquis copiés pour les sultans d'Istanbul, d'Ispahan et de Delhi. Reconstituer le catalogue de l'oeuvre authentique de Behzâd demeure donc une exigence centrale pour rédiger l'histoire raisonnée de l'art figuratif d'une civilisation entière. Ce livre, visuellement très riche, va plus loin qu'une pure critique de la forme. Son étude poussée des peintures de Behzâd et de ses disciples dégage, pour la première fois, l'ensemble du langage allégorique caché dans ces images gemmées : avec le sens précis de chaque personnage, geste, fleur, bijou, arme, rocher, arbre ou animal. En outre, nombre des calligrammes introduits à dessein par Behzâd dans ses décors d'architecture, jamais déchiffrés jusqu'ici, se révèlent être des textes de Maître Djâmî (1414-1492), l'autorité religieuse la plus éminente et la plus respectée du monde islamique de l'époque. Or, les vers de Djâmî cités par le peintre signifient l'approbation totale, par un haut clerc de l'Islam, de l'art même de l'enluminure figurée. Les implications de cette connivence entre un peintre de cour et le plus célèbre théologien musulman de son temps sont révolutionnaires, car elles renouvellent notre compréhension du rôle paradoxal dévolu aux arts figuratifs, dans le contexte d'un islam traditionnel que l'on a cru longtemps sévèrement hostile aux images. Ce livre, véritable déchiffrage de hiéroglyphes visuels, en restitue le propos et s'inscrit donc de manière délibérée dans la lignée des travaux d'Émile Mâle sur le symbolisme de l'art médiéval chrétien. L'histoire de l'iconographie islamique accuse un bon siècle de retard sur l'étude du Moyen Âge byzantin ou occidental. Or, la peinture de Behzâd, comme celle de ses grands contemporains russes ou flamands, reste tout autant chargée de sens : car la «miniature persane», comme sa soeur gothique, est bien un art sacré.
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