Et si on composait un texte nous aussi ?
Jean provoque accidentellement un incendie dans sa cuisine. Lorsqu'il se rend compte que le feu progresse, il assiste en spectateur à la destruction de sa maison, puis décide de la quitter définitivement. Il se rend à Paris et s'installe à l'hôtel, sans aucune perspective, se contentant de jouer des petits rôles dans des films de seconde zone pour gagner sa vie. Rétif à tout projet d'avenir, il se laisse porter là où le vent le pousse. Un jour, dans le métro, il croise France Rivière, une actrice autrefois célèbre. Elle lui propose de venir s'installer chez elle en attendant qu'il trouve un appartement. Embarqué dans la vie de cette femme, Jean rencontre son fils, Charles, un jeune homme qui sort de l'hôpital psychiatrique. À la demande de France, Jean veille sur lui. Il lui semble alors que sa vie pourrait retrouver un sens...
Et si on composait un texte nous aussi ?
Et vous, quels sont vos coups de cœur dans la liste ?
Un acte manqué ? Jean, acteur de seconde zone, vient de mettre le feu chez lui. Il abandonne alors sa maison aux flammes et part sans se retourner. Oui, mais pour quoi faire ? et comment va-t-il vivre ?
Il squatte quelque temps sur les canapés de quelques connaissances, puis rencontre France Rivière, une actrice, qui l’invite chez elle. Le lecteur suit alors l’étrange voyage de cet homme qui renie ce passé qu’il a laissé partir en fumée, mais qui ne semble pas se construite de nouvel avenir. Voilà donc un roman étonnant, avec lequel j’ai eu n peu de mal à accrocher, mais qui nous pousse peut-être à nous demander ce que nous attendons de cette vie et si nous en sommes satisfaits.
Un incendie ravage accidentellement (?) la maison de Jean, acteur de seconde zone. Pendant que les flammes ravagent son domicile, il décide de s'en aller, changer de vie et se laisser finalement aller et emporter par les évènements, par la vie.
Je dois bien l'avouer: je me suis ennuyé. Le roman eut été plus long je crois que je me serai arrêté avant la fin. Certes il y a de l'humour à froid avec un côté pince-sans-rire. Mais je ne sais pas quoi dire que j'ai refermé ce livre avec un certain soulagement et le bonheur de pouvoir en ouvir un autre.
Ce jugement est peut-être un peu rude, j'en conviens. Cependant, parfois on se dit que certains livres ne sont pas faits pour nous.
Que faire lorsque l’on a involontairement mis le feu à sa maison en voulant cuisiner un cageot de courgettes livré par erreur ? Le commun des mortels appellerait les pompiers. Pas Jean Enguerrand, le personnage principal du nouveau roman de Christian Oster, qui préfère laisser sa maison brûler et partir à Paris, muni de quelques affaires. S’ensuit alors une période d’incertitude, d’errance et de survie où Jean, acteur de profession, va aborder son existence de manière dépassionnée, tel un automate, vivant à travers un filtre. Très vite, il n’est plus en prise avec le monde réel.
Dans son travail ou sa vie personnelle, le narrateur laisse le hasard guider ses choix et apparaît comme un anti-héros, qui semble flotter au-dessus des choses, comme s’il était conscient de sa condition de personnage de fiction : « J'ai remarqué que je me dédoublais, que je me mettais à distance tout en dialoguant avec moi. Je me suis parlé comme de loin. En même temps je sentais un rapprochement possible. Au pis, si je restais dans l'incapacité de me réunir, je me tenais compagnie. ». Ses rencontres, comme celle de France Rivière, une actrice célèbre chez laquelle il va s’installer à Paris, sont marquées par ce détachement, par cette passivité vis-à-vis des évènements.
Au final, le narrateur est attachant et le lecteur se laisse volontiers guider par la petite musique du récit. Assurément loufoque mais plein de charme, ce roman au style élégant démontre l’absurdité de certains de nos choix, interroge nos renoncements et porte sur le monde un regard amusé, empreint d’une douce ironie.
L'oeuvre de Christian Oster se poursuit, unique en son genre tant sa prose froide, répétitive et distante est reconnaissable à mille lieux. Inégale, elle est parfois restée un peu trop lointaine du lecteur mais régulièrement Oster nous désarçonne par la sensibilité inattendue qu'elle peut dégager et transmettre. C'est le cas avec ce nouveau roman tout à fait remarquable, dans lequel un acteur de "second plan" met incidemment le feu à sa maison, en profite pour brûler également une partie de son passé et vivre de rencontres parfois improbables. Au fil des jours entre deux identités, il se laisse porter par les évènements jusqu'à se retrouver à Tokyo sans bagages, pour mieux revenir à une mélancolie profonde, pudique. La Vie Automatique est un roman aussi triste qu'attachant.
Sur la dune reste selon moi le meilleur de roman de Christian Oster. La partie japonaise de la Vie automatique l'égale en truculence
Un cageot de courgettes livré par erreur, la décision - peut-être prise trop rapidement - de cuisiner les dites courgettes, une contemplation un peu prolongée du paysage… et la maison brûle !
« C’est sur la route de la gare que je me suis vu tout à coup comme un homme qui n’a plus de maison. J’ai pensé à contacter mon assurance, c’est-à-dire que j’ai eu une sorte de passage lucide, et puis, ça m’a quitté et j’ai envisagé ma vie telle que je l’avais perçue une demi-heure plus tôt, à savoir d’un œil sec, avec devant moi un vide sans contours, au bord de quoi je n’avais nullement le projet de me pencher. En tout cas, je me suis réfugié dans cette vision en me disant que c’était plus simple et même plus raisonnable, en définitive : dans ces conditions, j’avais en face de moi la vérité, ou plutôt j’avais la vérité près de moi, qui m’accompagnait et qui, faute de me tenir chaud, me consolait avec sa clarté. »
Avant, le personnage observait le monde extérieur, maintenant, il se regarde lui-même, se dédouble d’une certaine façon : de personne, il devient personnage.
Quant à nous, lecteurs, nous entrons dans la fiction…
Donc la maison brûle et Jean Enguerrand s’en va, en profite, comme on dit, pour tourner la page, tout laisser derrière. En un mot : disparaître. S’effacer. Pas se suicider, ce n’est pas l’idée que Jean se fait de la vie, même s’il constate autour de lui un immense vide et qu’il sait pertinemment qu’il serait dangereux « de s’y pencher ». On a plutôt l’impression qu’il est soulagé. Plus léger. Il prend le train pour Paris, cherche à « s’organiser » (l’instinct de survie ?), à se loger, à durer encore dans ce monde étrange qu’il voit sans voir, qu’il traverse sans y participer vraiment, à la recherche d’une certaine forme de disparition, d’effacement. « En fait de paysage urbain, c’est ma vie que j’ai revue, le trou noir du passé comme balayé par un stroboscope, et je me suis dit que c’est tout ça que j’aurais dû pouvoir laisser brûler, s’anéantir, et que la maison n’avait été qu’un début. Beaucoup de travail encore, me suis-je dit. L’oubli est un long chemin, me suis-je également dit. »
Pourquoi ? Que s’est-il passé ? S’est-il d’ailleurs forcément passé quelque chose ? Que veut-il oublier ? Nous ne le saurons pas vraiment. Une amie, F., qui est partie avec la voiture. Le vague sentiment d’avoir vécu, ce qui n’est déjà pas si mal. La prise de conscience d’un vide sidérant et d’une solitude extrême alors que les années ont passé et que l’on n’est plus tout jeune. Oui, ce doit être cela ou quelque chose de proche. « J’avais fait en sorte que s’efface l’essentiel, et, en un sens, même si j’avais laissé derrière moi des traces plus que voyantes, il ne s’agissait que de traces, précisément, comme on en laisse après toute tentative d’effacement. Et il y avait quelque chose, me suis-je dit, dans mon comportement, d’un désir de disparaître. »
A défaut d’exister, Jean a conscience qu’il faut jouer à exister, « avoir l’air de » : « J’avais besoin de cette fiction-là. » dit-il « de n’importe quelle fiction, au fond, pour autant que rien ne fût vrai. » Il faut vivre « automatiquement », sans trop penser, sans trop participer, sans trop s’impliquer, en se laissant porter par le hasard. Observer, de loin, tout ce cirque, aurait pu dire Beckett, cette agitation vaine et illusoire.
Acteur de troisième zone, Jean passe sa vie à être spectateur de lui-même et des autres : « J’ai remarqué que je me dédoublais, que je me mettais à distance tout en dialoguant avec moi. Je me suis parlé comme de loin. En même temps je sentais un rapprochement possible. Au pis, si je restais dans l’incapacité de me réunir, je me tenais compagnie. » De l’intérêt de se dédoubler…
Sur la ligne 6, Jean va rencontrer une vieille actrice France Rivière, gloire des années 60, qui va l’inviter à partager sa maison... Pour Jean, c’est l’arrivée d’une fiction dans sa vie, comment dire, d’une sorte de divertissement qui va lui permettre de se détourner un peu du vide qui n’est jamais bien loin. Ah, les délicieux dialogues avec France Rivière… Je ne résiste pas au plaisir de vous en citer un exemple : « Ma maison a brûlé et je ne suis pas près d’y revivre. Je suis désolée, a dit France Rivière. Ça ne me manque pas beaucoup, ai-je dit, je n’avais plus rien à envisager dans cette maison. En tout cas, je ne mourrai plus dans celle-là. Et vos affaires ? a demandé France Rivière sans relever la remarque. Je n’ai pas besoin de grand-chose, ai-je dit. Moi non plus, a-t-elle dit. Je vis dans cette pièce, je mets trois robes. C’est plutôt les chaussures. Ah, les chaussures ai-je dit. Vous aussi ? a-t-elle dit. Non, ai-je dit. Mais je sais que c’est parfois compliqué. Je n’en ai personnellement qu’une paire. Ce que je voudrais, c’est me racheter une écharpe. » Comme une impression d’assister à une pièce de théâtre où chacun ne dit pas plus que ce qu’il a à dire et où les mots disent bien plus que ce qu’ils sont censés exprimer.
Le fils de l’actrice, un certain Charles, sort d’un asile psychiatrique. Ce personnage étrange va attirer Jean au point que ce dernier se sentira presque investi d’une mission et qu’il le suivra partout, même assez loin. Pourquoi cet attachement inattendu à cet homme, espèce de double de Jean ?
Lire La vie automatique , c’est se plonger dans l’atmosphère des romans de Modiano : un sentiment insaisissable s’empare de nous, un mélange d’absurde, de noirceur, de profonde tristesse, de regard amusé et distancié sur l’existence.
J’y ai lu le malaise profond d’un homme qui, inapte à la vie, profite de l’accident pour fuir, s’évaporer, oubliant le passé et pensant le moins possible à l’avenir, tentant de supporter le moins mal possible un présent un peu vide, s’intéressant un peu aux autres parce qu’il faut bien donner la réplique pour avoir l’impression d’exister sur la grande scène du monde…
On finit par trouver sympathique cet homme détaché, espèce d’antihéros moderne qui, comprenant « qu’il est difficile de marcher longtemps sans s’inventer des buts », finit plus ou moins volontairement par s’attacher, se rendant compte soudain, qu’en présence de l’autre, il s’« intéresse davantage à ce qui va se passer, quoique modérément, mais [qu’il s’] y intéresse. ».
Comme quoi, finalement tout n’est jamais perdu… Peut-être est-ce là au fond le sens de ce roman…
Lireaulit: http://lireaulit.blogspot.fr/
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