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Nos sociétés modernes considèrent l'égalité comme une valeur centrale. La lutte contre les discriminations, il faut s'en féliciter, gagne tous les jours du terrain. Et pourtant les inégalités dans la répartition des richesses ne cessent de se creuser. Comment expliquer ce paradoxe ? Notre désir d'égalité s'est-il affaibli, au point que ce qui nous apparaissait comme injuste ne nous choque plus ?
Dans une passionnant enquête philosophique, Florent Guénard montre que la relation psychique à l'égalité est complexe. Si dans les sociétés égalitaires (comme celles des chasseurs-cueilleurs), on désire l'égalité en elle-même, à la fois parce qu'elle structure les relations entre les individus et parce qu'elle est source de considération pour chacun, dans les sociétés inégalitaires comme les nôtres, cette passion n'a pas disparu mais a changé de ressort : c'est pour soi-même qu'on aspire à l'égalité, parce que la comparaison des niveaux de vie joue beaucoup pour notre sens de la dignité. L'inégalité de richesse se traduit par des blessures d'amour-propre qu'il faut prendre au sérieux. Les émotions réactives qui en naissent expliquent une grande part de nos aspirations sociales - et témoignent que la réduction des écarts de revenus et de patrimoine n'est pas une simple option politique, mais une nécessité historique profonde.
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