"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Tokyo, 1936. La ville est en émoi : le corps nu d'un homme vient d'être retrouvé dans une chambre d'hôtel. Son sexe a été tranché. Sur sa cuisse, une déclaration d'amour écrite en lettres de sang: "Sada, Kichi, ensemble pour toujours". Très vite, une femme est arrêtée et avoue son crime. Elle s'appelle Abe Sada. Son procès déchaîne les passions. Dans un Japon impérial aux moeurs contrôlées, sa légende ne fait que commencer.
Dans ce roman intense, fruit d'une documentation minutieuse, Arnaud Guigue nous révèle la vie hors norme de la geisha qui a inspiré le film L'Empire des sens.
" Un personnage de femme fascinant. Une histoire déchirante. " Leïla Slimani
Le premier titre de littérature de la collection Komon.
Du côté asiatique de la rentrée, on retrouve le récit de cette histoire vraie que la professeur agrégé en philosophie Arnaud Guigue a reconstitué, motivé par sa passion pour le Japon, et qui est paru chez Les Arènes ce jeudi 22 août. C’est également le premier titre de littérature de la collection Komon de la maison d’édition, « une collection de livres (récits de non fiction ou romans) proposant un accès immédiat au Japon ». Direction le Japon des années trente, avec l’un des faits divers qui a le plus marqué le pays, sans compter la meurtrière qui a commis le crime. La vie de la geisha Abe Sada, avant Arnaud Guigue, a inspiré le long-métrage franco-japonais, L’Empire des Sens, sorti en 1976 et qui est passé par le festival de Cannes.
Abe Sada est née en 1905 à Tokyo dans une famille nombreuse de très modeste condition : c’est après le viol qu’elle subit et que le silence forcé dans lequel sa famille la pousse qu’elle va commencer à mener une vie effrénée, accumulant les relations. Devant le comportement incontrôlable de leur enfant, dont ils plus honte qu’autre chose, les parents la vendent à une maison de Geisha. Elle tente de survivre péniblement en devenant ensuite prostituée, elle attrape la syphilis, se met à fréquenter un homme important tout en tombant amoureuse de l’un de ses clients. Marié, père de deux enfants, elle sait que l’homme qu’elle aime ne sera jamais totalement disponible pour elle et dans la folie de la femme qui a parfaitement conscience qu’elle sera toujours reléguée au second plan, elle tue son amant lors d’une nuit d’amour, coupe ses attributs sexuels et les emporte avec elle dans sa fuite. Laquelle fuite connaîtra une fin, elle sera arrêtée le 20 mai 1936 puis jugée – elle obtiendra une peine relativement légère – et emprisonnée, relâchée quelques années plus tard. Elle tentera de refaire sa vie sous un nom d’emprunt, y parviendra un moment, mais la réalité la rattrapera plus tard. Elle finira par disparaître et mourir, dans un lieu et à une date inconnus de tous, comme un ultime pied de nez à cette société japonaise qui s’est délectée des moindres faits et gestes de sa vie, les analysant, les condamnant ou les admirant même.
Autant vous dire que ce livre est passionnant d’un bout à l’autre et pourtant, je n’apprécie plus vraiment la lecture des faits divers. Surement, que l’on doit cela au contexte du meurtre, le Japon et l’univers des geishas, l’image clichée que l’on porte tout de la femme japonaise en kimono. La geisha, dont la traduction littérale est » une personne qui pratique les arts » occupait traditionnellement le rôle de dame de compagnie, et pour certaines d’entre elle la prostitution. Si l’imagerie traditionnelle propose des représentations très raffinées, la réalité des quartiers aux maisons closes s’en éloigne et c’est ce que nous démontre le récit biographique d’Abe Sada. Si la majorité du livre porte sur le meurtre et ses mobiles, il pose avant cela un regard éclairant sur la condition féminine dans le pays nippon, sur l’évolution de la société depuis les années trente, et la façon dont l’honneur a porté cette société aux dépens de l’humain. Ce que je retiens en premier lieu, c’est comment Abe Sada, à peine adolescente, violée, a du porter seule le fardeau du traumatisme de son viol, totalement tu derrière la peur du déshonneur familial, et envoyée à l’abattoir des femmes exploitées sexuellement comme en France, on envoie son collégien à son stage de troisième. L’auteur ne propose d’explication simpliste quant à la réaction impulsive et disproportionnée de la jeune prostituée, et surtout le fait d’avoir gardé le pénis tranché sur elle jusqu’à son arrestation. La voix populaire, les autorités l’ont fait à sa place, forcément parce que personne n’écoutait les femmes, encore moins les meurtrières.
Sada ne soupçonnait pas la déflagration qu’elle avait déclenchée. Le corps d’un homme retrouvé mort et émasculé avait de quoi sidérer l’opinion. Mais lorsque le public avait appris que le meurtrier était une meurtrière et qu’il était probable que celle-ci avait emporté le sexe de la victime, une étape avait été franchie dans l’horreur. La coupable était dangereuse, c’était une déséquilibrée. Ne risquait-elle pas de récidiver ? Ce crime était une première dans l’histoire du Japon. Des femmes castratrices, il y en avait déjà eu, mais elles ne s’étaient pas enfuie avec les organes génitaux de leur victime.
C’est un récit que j’ai lu avec beaucoup de fluidité et de plaisir, la fin de vie de la geisha est un peu frustrante comme pour tous ceux qui sont attachés à son histoire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son destin a dépassé sa propre personne, que nombre d’écrivains ou de réalisateurs s’en sont servis et l’ont enrubanné de romance, l’ont idéalisé ou au contraire en un fait une simple histoire pornographe. Beaucoup pour tirer profit de la curiosité malsaine que ce fait divers, sexe et sang, ont fait naître, ne permettant pas à Abe Sada de se réinsérer...
La vie de Sada Abe reste entourée de mystère. Ce personnage ne m'était pas inconnu, puisque son histoire a inspiré entre autre, le sulfureux film "L'Empire des sens" de Nagisa Ōshima. Arnaud Guigue, nous propose de revisiter cette histoire et de remonter le temps jusqu'en 1936 où l'on découvre le corps émasculé d'un homme. Sada Abe a étranglé son amant Kichizo Ishida lors d'un jeu érotique, puis lui a tranché le sexe qu'elle a emporté avec elle. Cet acte la propulse au centre de l'attention médiatique au Japon. Avec une belle écriture, nous plongeons rapidement en immersion dans le Japon impérial où les geishas sont prisées.On va ainsi suivre la « cavale » de la jeune femme, ses envies suicidaires jusqu'à ce qu'elle se fasse arrêter. On suit les détails du procès, malgré la gravité de son crime, Sada Abe n'a été condamnée qu'à 6 ans de prison, une peine jugée clémente à l'époque. Il faut dire que l'opinion publique lui était largement favorable. On découvre avec ce fait divers, tout une époque, une façon de penser faisant de cette femme soit une perverse sexuelle soit une célébrité. Sada Abe nous entraîne dans la passion charnel extrême qu'elle voue à son amant. Un couple complètement atypique qui sombre dans une spirale érotique où la folie n'est pas loin. L'auteur capture le charisme de Sada Abe, qui fascinait à la fois le public et les autorités et ne laissera aucuns lecteurs indifférents. Cette histoire continue de captiver, par ce geste terrible, incarnant une rébellion contre les normes de son temps, et laissant une empreinte durable sur la culture japonaise et internationale. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/2024/07/je-suis-celle-que-vous-cherchez-1.html
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