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Je pars à l'entracte

Couverture du livre « Je pars à l'entracte » de Nicolas d'Estienne d'Orves aux éditions Nil
  • Date de parution :
  • Editeur : Nil
  • EAN : 9782841115402
  • Série : (-)
  • Support : Papier
Résumé:

Les morts n'ont pas tous les droits. Il est parfois nécessaire de s'affranchir de leur tyrannie par la violence pour parvenir à les aimer encore et toujours.
C'est tellement simple, les romans. Un début, un milieu, une fin. Et hop, on passe à autre chose. Mais là, il n'y a pas de suite. La fin... Voir plus

Les morts n'ont pas tous les droits. Il est parfois nécessaire de s'affranchir de leur tyrannie par la violence pour parvenir à les aimer encore et toujours.
C'est tellement simple, les romans. Un début, un milieu, une fin. Et hop, on passe à autre chose. Mais là, il n'y a pas de suite. La fin est totale. Cette chambre est celle d'un crime que je n'ai pas eu le droit de commettre dans mes propres livres.

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Avis (1)

  • Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/06/21/je-pars-avant-lentracte-nicolas-destienne-dorves/

    Des lettres j’en ai reçues. Des aussi belles, aussi franches et aussi profondes, j’en ai rêvé.
    Au format d’une enveloppe affranchie, Je pars à l’entracte invite à décacheter un...
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    Avis issu de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2019/06/21/je-pars-avant-lentracte-nicolas-destienne-dorves/

    Des lettres j’en ai reçues. Des aussi belles, aussi franches et aussi profondes, j’en ai rêvé.
    Au format d’une enveloppe affranchie, Je pars à l’entracte invite à décacheter un courrier dont s’est libéré l’auteur.

    Dans cette lettre, Neo ressuscite une amitié exclusive au dénouement brutal achevée par le suicide de l’autre Nicolas, son meilleur ami.
    Dès lors, le titre évoque ce départ délibéré, trop hâtif ou une volonté d’achever une conversation interrompue abruptement. Ou encore prévient-il le lecteur qu’il lui faudra abandonner l’histoire à ses limbes ?
    (Synopsis : C’est tellement simple, les romans. Un début, un milieu, une fin. Et hop, on passe à autre chose. Mais là, il n’y a pas de suite. La fin est totale. Cette chambre est celle d’un crime que je n’ai pas eu le droit de commettre dans mes propres livres. »)
    Contrairement à un roman gourmand dont on flaire le piquant, dont on déguste les mots, engloutit l’histoire et digère le dénouement, Je pars à l’entracte est un trou Normand sans suite.
    Il s’avale cul-sec.
    Intense dans ses propos, on sent le coup de fouet de l’eau-de-vie. Car c’est bien la vie avec son ami dont il est ici question et ce qu’elle implique comme ambivalence, non-dits, passions et colères. Une lettre d’amitié forte où l’auteur explicite les incompréhensions et règle parfois ses comptes. Aucun pathos ni mièvrerie. Aucune sacralisation du Disparu. Les mots sont justes, quelquefois durs et le souvenir n’est jamais idéalisé.

    Si je compare la lecture de cette lettre a un shot, l’écrire fut tout aussi immédiat et en quatre jours à bord du Queen’s Mary, Neo éjacule un vin qu’il libère de sa lie.
    Les deux Nicolas ont grandi ensemble, fréquenté la même pension et partagé leurs passions culturelles : romans, poésie ou autres. Nicolas, l’auteur, succombe à la passion de son ami pour l’opéra tandis qu’il lui transmet son amour du cinéma.
    On sent cette fusion dont l’amitié nouée dès l’enfance a le secret, où « chacun cherche en l’autre la validation de ses intuitions » et où l’ami occupe toute la place.
    Mais si cette amitié se soude à travers le partage culturel et intellectuel, les non-dits plus prosaïques comme le désir de la chair sont nombreux et grandissent avec le temps.
    Au-delà de la fascination qu’un jeune adolescent éprouve envers son ami, Nicolas, le disparu est brillant, adoré voir admiré. Mais son amour du sublime et son exigence intellectuelle l’amène à exécrer le prosaïque de la vie et la facilité du quotidien « une fois de plus, le principe de réalité t’était inconnu ».
    Il rejette le travail, veut côtoyer la misère, expérimenter la souffrance et fait de sa vie un « foutoire », se positionnant en retrait de cette société civile. « dans tes voyages, tu allais systématiquement renifler la misère et la fange. Ce n’était pas pour te rassurer de ta condition de petit Occidental bourgeois et catholique; c’est parce que tu les enviais. Oui, sincèrement. Tu en crevais de ne pas crever. Tu te labourais les entrailles de ne pas mourir dans la misère, d’être un provincial nourri au lait frais, de ne pas être à la hauteur de ton malheur intime. »

    Promis à un avenir brillant, ce poète maudit dont Neo s’abreuvait devient inapte à la vie et seul notre auteur passe à l’acte, produit des romans, publie des nouvelles, et écrit dans les journaux.
    La passion se meut alors en pression et l’ombre du Nicolas torturé pèse sur l’auteur. (voir extrait final)

    Le suicide de Nicolas, l’ami, est progressif et, comme le corps est une peinture de l’esprit, notre torturé se dépouille peu à peu de lumière. Il abandonne son humour, se faisant plus inaccessible et porte le deuil en s’habillant tout de noir.

    Loin d’être étouffante, sa mort libère Neo « Tu es mort depuis deux ans et depuis deux ans je respire mieux. Je respire mieux car tu ne respires plus. Je respire mieux car je ne te sens plus t’étouffer à chaque pas, te confire dans tes humiliations, suffoquer de rage, de dépit, d’aigreur, de frustrations. Le spectacle de tes impuissances avait fini par me faire un mal intime (…). Tu étais devenu un autre sans jamais changer. Là était bien le problème. J’aurais accepté une métamorphose, pas une altération. »

    Pour finir, le trou Normand ne serait pas aussi savoureux sans son classique sorbet à la pomme qui adoucit la brûlure du poison qui l’imprègne et, rassurez-vous, la plume de Néo joue cette douceur à merveille.

    « Chacun de ces livres je te l’ai pieusement remis en main propre avec une dédicace dans laquelle je prenais ma pudeur à bras le corps pour te dire des choses sincères et affectueuses.
    Chaque fois tu les rangeais d’un air embarrassé dans ta besace et ne m’en touchait mot. Jamais.
    Je t’ai même dédié mon essai sur l’opéra soulignant combien tu m’avais ouvert à l’écoute.

    La seule remarque qui a quelque temps plus tard fusé de tes lèvres c’était qu’il fut un comble que j’eusse moi écrit ce livre alors que tu m’avais en grosse partie initié à la musique.
    Parfaitement. Et alors ? Après tout Socrate n’a rien écrit et Platon a planché pour sa postérité. Je le sais la comparaison est grotesque. Disons que toute ma passion pour la musique a été nourrie par nos échanges et nos conversation, comme je t’ai nourri de ma passion première pour le cinéma auquel tu étais d’abord peu sensible.
    Mais nous ne sommes pas là pour dresser des mesquins comptes d’apothicaires. Tout ce que je veux dire c’est que ces centaines, ces milliers de pages écrites pendant des années, articles d’abord, livres ensuite t’étaient tout particulièrement destinés. Comme un père qu’on veut épater, une belle qu’on veut conquérir. Et rien, pas un mot. Une neutre indifférence.
    Que ce soit de la merde, j’en conviens, que ça te bouffe le cœur de les lire, je l’admets tout autant, que tu en baves de rage, pourquoi pas. Mais pourquoi ne jamais m’avoir rien dit ? Pas un mot. Même un regard équivoque ou satisfait m’eût contenté. Non. Rien. Rien du tout.
    Bien sûr notre lâcheté est partagée. Jamais je ne t’ai frontalement demandé « alors ? Tu as lu ? » Pour moi, ça aurait été trop violent. Comme un kidnapping moral. Je ne m’en sentais pas la force, comme je n’ai jamais d’ailleurs fait pour personne car tu n’es pas le seul de mes amis à qui je remets scrupuleusement chacun de mes bouquins et qui ne m’en touche mots. Mais eux, ça ne compte pas. Toi si, ça comptait. On avait trop longtemps parlé de littérature, d’art, de création, de pouvoir de l’imaginaire, de puissance du mot, de la musique des choses, des êtres et des vents pour ne pas au moins abordé une fois ce qui avait fini par sortir de ma tête. Je réalisai par les actes notre complicité intellectuelle et culturelle alors que tout le monde t’attendait toi. Peut-être te volais-je quelque chose que tu ne te serais jamais abaissé à produire. »

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