"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Le marin habile et avisé qui se propose de faire un long et périlleux voyage, avant de délier l'amarre et de quitter le port hospitalier pour déployer ses voiles et s'abandonner aux ondes perfides et orageuses, doit réfléchir souvent au but qu'il veut atteindre. Puis, quand sa résolution est prise, il commence à préparer activement ce qui lui est nécessaire pour la traversée, sans s'épargner aucune fatigue. De cette façon, il espère avec le temps revenir heureusement dans sa chère patrie, chargé de richesses et de marchandises précieuses, apportant une joie immense à ses parents et à ses amis. Une fois de retour, il oublie avec eux les souffrances qu'il a endurées et qui lui ont assuré le bonheur pour le reste de son existence.
C'est ainsi que moi-même, ayant à faire sur mer, malgré mon inexpérience, une longue navigation, je veux dire à écrire l'histoire de la Corse, devant faire mention des premiers habitants de l'île, de leur origine, de leur descendance, et de tous les événements dignes de mémoire qui ont eu lieu jusqu'au siècle présent, j'ai jugé à propos, afin de mieux atteindre mon but, de faire tout d'abord la description de l'île entière. Le lecteur attentif et intelligent pourra ainsi se faire une idée plus exacte du théâtre des événements que je vais exposer dans mon livre, et de la manière dont ils se sont passés. Qu'on n'attende de moi ni la finesse des pensées, ni le choix des expressions ; mon talent ne s'élève point jusque-là. Je me contenterai de la vérité. En effet, les enseignements de l'historien (non pas que je veuille me décerner ce titre) sont de tous les plus intéressants, du moins quand il est véridique. Comme c'est là une vérité bien connue du lecteur, j'entre aussitôt en matière.
Je dis donc que l'île de Corse est longue de cent soixante milles, large de soixante-dix et qu'elle a quatre cents milles de circuit. Elle est située dans la mer Ligurienne ; mais sa partie septentrionale est plus voisine des côtes de la Toscane, dont elle n'est séparée que par une distance de quatre-vingt-dix milles. Le détroit qui la sépare de la Sardaigne n'a, selon Pline, que huit milles de largeur. Le sens de sa longueur se prend du Cap-Corse à Bonifacio. Ces deux extrémités, le Cap-Corse et Bonifacio, sont, considérées, l'une comme le nord, l'autre comme le midi. En effet, lorsqu'on va par terre ou par mer du Cap à Bonifacio, on fait route vers le midi. Outre que l'oeil se rend parfaitement compte de cette direction, une autre preuve péremptoire, c'est qu'à Bonifacio, la durée des jours et des nuits, la température de l'été, et celle de l'hiver sont plus égales qu'au Cap-Corse. Cette différence est sensible ; l'astrolabe et le quadrant sont inutiles pour la constater. Cela vient de ce que Bonifacio est plus au midi que le Cap-Corse, au moins de deux degrés, de soixante-dix milles l'un. De même que la longueur de l'île se prend du nord au midi, la largeur se prend d'orient en occident. La partie orientale s'appelle côte intérieure, soit parce qu'elle est située du côté de Rome ou de la Syrie qui limite la mer Méditerranée, dans laquelle se trouve la Corse, soit, pour quelque autre raison que j'ignore. La partie occidentale s'appelle côte extérieure, soit parce qu'elle regarde l'Océan et que la Méditerranée n'est pas fermée de ce côté, soit parce qu'elle est opposée à la côte intérieure, comme l'Orient à l'Occident, qu'on a appelés ainsi, parce qu'ils sont comme deux extrémités opposées l'une à l'autre. Quelle que soit la raison de ces noms, peu importe, les noms se donnant le plus souvent d'une façon arbitraire.
D'orient en occident, ou, comme je l'ai dit, de la côte intérieure à la côte extérieure, dans le sens de sa largeur, l'île se trouve divisée en deux parties inégales, la partie septentrionale étant la plus étendue. De très hautes montagnes partagent la Corse, précisément comme les Apennins partagent l'Italie ; on les appelle généralement dans le peuple les Monts, sans autre désignation. Ces monts commencent à la côte extérieure, dans la mer même, à un endroit appelé Monte Sanninco ; puis se dirigeant de l'occident à l'orient, ils rencontrent d'abord un sommet appelé Gradaccio, à deux milles de la mer. Là se trouve la première gorge ou, comme disent les Corses, la première fogata, par laquelle les habitants de la côte extérieure passent dans le Deçà ou dans le Delà des Monts. Monte Sanninco, et le sommet de Gradaccio sont situés au-delà du port de Girolato. Les Monts se prolongent ensuite dans la direction de l'orient en inclinant un peu au sud-est ; ils partagent l'île par une sorte de chaine non interrompue jusqu'à un pays nommé Conca, sur la côte intérieure, à quatre ou cinq milles de la mer. Quelques-uns prétendent qu'ils se prolongent jusqu'à Roccapina, au-delà de Bonifacio, sur la côte extérieure, parce que l'on peut, du Cap-Corse, aller jusqu'à Bonifacio sans franchir les Monts. Pour la même raison, ils disent que Bonifacio doit être regardé comme étant dans le Deçà plutôt que dans le Delà des Monts. Mais cela importe peu ; comme nous devons faire plus tard de ces monts une description détaillée, il nous suffit pour le moment d'avoir défini ce qu'on entend par côte intérieure et par côte extérieure. Ajoutons que toute la partie de l'île comprise entre les Monts et l'extrémité du Cap-Corse s'appelle généralement Deçà des Monts, et qu'on appelle Delà des Monts la partie qui s'étend du côté de Bonifacio. Néanmoins les habitants de ces deux parties de l'île s'appellent Pomontinchi, c'est-à-dire gens du Delà des Monts.
Le Deçà des Monts comprend, sur la côte extérieure, une partie du Cap-Corse, la plus grande partie du Nebbio, ou plutôt, le Nebbio presque tout entier, Ostricone, la Balagne et Calvi avec tout le Pays inhabité depuis Calvi jusqu'aux Monts. Mais avant de franchir la chaîne de montagnes pour passer sur la côte intérieure, je décrirai les lieux qui se trouvent sur la côte extérieure, en suivant le même ordre que plus haut, et en commençant par la partie anciennement appelée Sacrum Promontorium, et qu'on appelle aujourd'hui, d'un nom plus récent, le Cap-Corse. »
Histoire de la Corse : comprenant La description de cette île. les chroniques de Giov. della Grossa et de Monteggiani. 1 / d'après A. Giustiniani ; remaniées par Ceccaldi, [contient] la chronique de Ceccaldi et la chronique de Filippini ; traduction française de M. l'abbé Letteron,...
Date de l'édition originale : 1888-1890
Sujet de l'ouvrage : Corse (France) -- Histoire
Comprend : Description de la Corse / d'après A. Giustiniano ; Chronique / de Giovanni della Grossa ; Chronique / Pier'Antonio Monteggiani ; Chronique / Marc'Antonio Ceccaldi ; Chronique / Anton Pietro Filippini
Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.
HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces oeuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.
Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables.
Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique.
Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces oeuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.hachettebnf.fr
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !