"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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" On avait perdu conscience de la difficulté d'arbitrer. La liberté des transitionnés, c'était ça : ne plus jamais avoir à faire de choix. "
Lois impénétrables des finances, enjeux boursiers et ambitions individuelles font le ciment de ce captivant récit de Félicité Herzog dans lequel s'entremêlent vérités et sarcasme.
Véritable thriller psychologique : l'instinct d'entreprenariat et celui de survie mènent un homme, qui n'a plus rien à perdre, à devenir le gourou, en promouvant le droit pour chacun à une renaissance, d'un système défiant les lois étatiques. Une dystopie qui pourrait bien devenir non fictive, si elle ne l'est pas déjà...
Vraiment bien écrit, aucun temps mort, beaucoup de réflexions. Un bon moment de lecture ! Ai adoré !
Après avoir tué le père dans son premier roman, Un héros, Félicité Herzog change complètement de registre dans ce nouvel opus en nous parlant d’un milieu qu’elle connaît très bien, mais qui n’est guère abordé en France : celui de l’entreprise.
En imaginant le parcours d’un golden boy, elle nous montre combien cet univers est aujourd’hui régi par des règles qui sont bien loin de ce qu’il est convenu d’appeler «l’économie réelle» et que leur terrain de chasse est mondialisé.
A vingt ans, Ali Tarac, sent que le moment est venu pour lui de réaliser son grand projet. Il décide de mettre fin à ses études – brillantes – et s’envole pour Londres pour y peaufiner son projet et trouver les sociétés de susceptibles de l’épauler.
Adrian Celsius, qui a développé au fil des ans Lighthouse, une entreprise de capital-risque, va lui mettre le pied à l’étrier. Car au-delà de la société qu’il entend développer, c’est l’homme et sa détermination farouche qui lui plaisent.
En lançant Gratis, une société qui entend offrir la téléphonie gratuite pour tous et financée par des messages publicitaires interrompant la conversation, il ne tarde pas à connaître une ascension fulgurante, même si ces bénéfices sont encore très loin. Mais l’homme sait s’entourer et créer un réseau très efficace : « Déterminé à transformer le rêve qu’était mon projet en une réalité qui me semblait certains jours par trop fuyante, je conçus et recrutai la fameuse force commerciale de Gratis, qui identifiait ses clients, anticipait leurs envies, exacerbait leurs doutes, ne les lâchait plus et n’avait rien à envier aux méthodes d’une redoutable police de la pensée. »
En quelques années, sa société est valorisée à 1,2 milliard de livres sterling, sans gagner un seul centime. La start-up est devenue une blue chip. Ali peut fêter son succès. Il épouse la belle Léna, rencontrée quelques années plus tôt à Saint-Pétersbourg, et vise désormais l’Amérique. Seulement voilà, les attentats du 11 septembre vont freiner cette politique d’expansion. En détruisant les tours jumelles, les deux avions ont aussi fait exploser la bulle spéculative. Gratis s’effondre et Ali doit quitter l’entreprise sous les invectives et Léna va demander le divorce. Ali, pour qui « la vie n’était qu’un immense champ d’action à l’instant T.», doit tout reconstruire.
Dans la seconde partie du livre, on assiste à sa renaissance avec le lancement de New Birth, une société qui ne propose rien moins que d’offrir à tous une nouvelle vie. Fruit à la fois de sa première expérience douloureuse et d’une intuition qu’il imagine partagée, il propose de concevoir « La vie terrestre comme un service, un produit livrable, répétable à l’infini jusqu’à la disparition ultime. »
Si cette seconde partie est un peu moins réussie que la première, elle permet toutefois de comprendre à nouveau combien les règles de l’économie sont fragiles, parce que répondant plus à de la psychologie qu’à des théorèmes.
Le succès n’est au rendez-vous que tant que tout les acteurs y croient et qu’aucun grain de sable ne vient enrayer la belle mécanique. Un grain de sable qui sera incarné ici par la jeune Noémie, petite fille du fondateur de Lighthouse. Pour elle, la «transition» proposée par le société est tout le contraire d’un gage de liberté.
Et si « les fêlures des êtres supérieurs sont indécelables aux yeux du monde extérieur » elle va tout de même parvenir à trouver la faille, annonciatrice de la chute prochaine. D’un univers impitoyable, on est passé à un avenir terrifiant. D’une bulle spéculative à une explosion des valeurs et même de la démocratie.
Et si Félicité Herzog ne nous lançait pas ainsi un appel à la vigilance ?
https://collectiondelivres.wordpress.com/2015/10/24/gratis/
En 2012, Félicité HERZOG avec son premier roman "Un Héros" s'offrait un règlement de compte d'une grande violence avec son alpiniste de père Maurice. Et ce dérouillage en altitude ne manquait pas de qualités, notamment une certaine puissance.
Avec "Gratis", sans doute voulu comme une fable des temps modernes, entre start-up, investissement douloureux et finance douteuse, on retrouve difficilement le souffle que l'on espérait encore voir passer dans la froideur chirurgicale dont l'auteur s'était montrée capable.
Dans la même année et sur le même registre, on pourra préférer "La Salle" de Joël Bacqué, plus dérangeant, plus percutant et moins consensuel.
On peut tout de même espérer un troisième roman de Félicité Herzog pour retrouver tout ce que nous en attendons afin peut-être d'oublier notre déception.
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