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Si le suicide lié aux conditions de travail est devenu un véritable sujet d'inquiétude dans tous les pays développés, c'est par centaines qu'ils se produisent chaque année au Japon, et les graves dépressions procédant des mêmes causes se comptent par dizaines de milliers. Leur retentissement là-bas est énorme, car ces dépressions et ces suicides mettent à mal l'incarnation du travailleur-modèle. Dans ce contexte, le diagnostic de "dépression", associé à l'idée de "risque suicidaire", a été universellement adopté pour exprimer un mal-être collectif qui est allé en s'aggravant avec la crise économique de ces vingt-cinq dernières années.
Et c'est tout à fait étonnant. Car longtemps, les Japonais ont farouchement résisté à l'intrusion des psychiatres dans leur quotidien, au point qu'on estimait nulles les chances de succès des antidépresseurs au Japon dans les années 1980 ! La dépression était une affection occidentale, prétendument inconnue dans l'archipel. Aussi, comment la tristesse ordinaire, le surmenage des travailleurs, et cet acte si emblématique de la culture japonaise, le suicide comme "mort volontaire", ont-ils été progressivement médicalisés ? L'auteure dresse ici un portrait intérieur du Japon et expose une thèse aux conséquences notables : loin d'être un processus uniforme et implacable, la mondialisation permet des appropriations locales et offre aux individus des ressources paradoxales, voire subversives.
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